Meneer Teflon

Mark Rutte partage avec ses compatriotes une qualité dont il n'est pas peu fier, celle d'être particulièrement économe. Un sou est un sou. Aux Pays-Bas, où je vis, avoir un porte-monnaie en peau de hérisson n’est pas un défaut. On y réfléchit à deux fois avant de l'extraire de sa poche.

Au début des années 90, avec l'effondrement de l'Union soviétique, on pensait que la paix était définitivement acquise. L’humanité allait vivre d’amour et d’eau fraîche dans un monde radieux où les Russes seraient gentils et peut-être même un peu gays ! Compte tenu de ce changement de paradigme, les Néerlandais ont fort logiquement décidé de réduire leurs capacités militaires. La conscription a été suspendue et l'armée néerlandaise a débuté son démantèlement. À quoi bon entretenir une institution qui ne servait plus à rien. Lorsque Mark Rutte est devenu premier ministre en 2010, il a poursuivi cette politique de réduction des forces armées. Pourtant, on n’était plus en 1990. Tous les signaux passaient au rouge.

• 2001 : Attentat du World Trade Center et début de l'interminable guerre contre le terrorisme.

• 2001 : Guerre d’Afghanistan menée et perdue par une énorme coalition occidentale.

• 2003 : Guerre d'Irak

• 2008 : Invasion de la Géorgie par les forces russes.

• 2014 : Invasion et annexion de la Crimée.

• 2022 : Invasion de l’Ukraine.

Mais "meneer Teflon" n’en avait cure. Comme tous les Néerlandais, il était persuadé que son armée était inutile. Au cas où une improbable guerre éclaterait sur le continent européen, il suffisait d'appeler les Américains au secours et ils viendraient, sans se faire prier, mourir pour notre liberté. Conséquence de cette analyse fulgurante, la part du PIB néerlandais consacrée à la défense et versée dans le pot commun de l'OTAN, a chuté jusqu'à atteindre le chiffre ridicule de 1,1 %. Un niveau presque deux fois inférieur à l’objectif fixé pour chaque membre de l’OTAN. Croyez-le ou non, de 2011 à 2024, la “defensie” néerlandaise n’avait plus de chars d’assaut. Zéro ! Makach ! Contre une armée russe aguerrie, les forces néerlandaises, dont les capacités opérationnelles particulièrement limitées font le bonheur des humoristes, ne résisteraient pas plus de quelques heures. Rutte, qui est resté aux commandes de son pays pendant quatorze ans, est en grande partie responsable de cette déliquescence. Le tir est en train d’être corrigé. Les Pays-Bas investissent désormais massivement dans leur “defensie” mais cela prendra des années pour que celle-ci soit de nouveau opérationnelle. On ne construit pas des chars d’assaut Léopard ou des sous-marins Scorpènes comme on fabrique des opinels ! Meneer Teflon a très mal évalué la situation sécuritaire internationale.

Pourtant, malgré son bilan qui fait peur, figurez-vous que cet homme politique qui se vante d’être un grand ami de Donald Trump, s’est vu offrir le poste de secrétaire général de l’OTAN. Maintenant, lorsqu’il intervient dans les médias, c’est pour engueuler ses collègues européens. Après avoir transformé l’armée de son pays en quelque chose qui ne ressemble à rien, il a le culot de demander aux autres pays de l’OTAN, de consacrer plus de 2 % du PIB à la défense... Et vite ! Parce qu'on n'a pas le temps ! Espérons que ce triste personnage qui s'arrange pour être toujours d'accord avec tout le monde, soit le dernier secrétaire général d'une organisation en état de mort cérébrale.

Quelques données sur l'armée néerlandaise (source Wikipédia) :

• Effectifs : 
  • 1990 : 105 000 
  • 2024 : 45 000
• Chars d'assaut :
  • 1990 : 445 chars léopard
  • 2024 : 0 mais un bataillon est en cours de reconstitution.
• Avions de combat
  • 1990 : 213 chasseurs F16
  • 2024 : 63 chasseurs F16 et F35

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