jeudi 27 octobre 2005 - par Cioran

Beat Richner, médecin-violoncelliste, pour les enfants cambodgiens

« Pensez-vous que la peine d’une mère cambodgienne qui perd son enfant soit inférieure à celle d’une femme suisse, anglaise ou française ? » Pour Beat Richner, la réponse est indiscutablement non. C’est pour cette évidence que ce pédiatre suisse se bat depuis treize ans, et qu’il offre aux enfants cambodgiens les meilleurs soins.

En 1974, alors nouvellement diplômé de médecine, Beat Richner est envoyé en mission au Cambodge pour exercer à l’hôpital pédiatrique Kantha Bopha ­- du nom de la fille décédée du roi Norodom Sihanouk. A l’arrivée des Khmers rouges en avril 1975, il doit rentrer en Suisse. Il travaille alors à l’hôpital pour enfants de Zurich, avant d’ouvrir son cabinet en 1980. Fin 1991, il décide de se rendre à nouveau au Cambodge, et se trouve confronté à la situation de santé tragique qui règne dans le pays. Le gouvernement cambodgien, ainsi que le Roi, lui demandent alors de reconstruire et de diriger l’ancien hôpital Kantha Bopha. Le 2 novembre 1992, le premier hôpital Kantha Bopha est opérationnel, avec tout ce qui se compte de mieux en matière d’infrastructures. A une période où, à Phnom Penh, l’électricité est capricieuse, l’hôpital s’est donné les moyens d’être autonome en approvisionnement électrique, grâce à des groupes électrogènes puissants. Pour les traitements médicaux, le pédiatre suisse veut aussi ce qu’il y a de plus efficace. Il s’’oppose ainsi à la politique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui, dit-il, pratique « une médecine pauvre pour des gens pauvres dans des pays pauvres ». Cette position ne lui a pas valu les amitiés de cette organisation omnipotente, qui l’accuse en retour de faire « une médecine de type Rolls-Royce dans un pays du Tiers-Monde » et d’avoir « créé des besoins dans ce pays qui n’existaient pas auparavant ». Pour le pédiatre, l’affaire de l’antibiotique Chloramphénicol a été celle de trop. Ce médicament, abandonné depuis les années 1970 en Occident pour ses effets secondaires dangereux, est préconisé par l’OMS dans les pays du Tiers-Monde, en raison de son faible coût. Le 10 décembre 1999, journée des droits de l’Homme, le docteur Richner a alors déposé une plainte à la Cour internationale de La Haye contre l’OMS et l’Unicef pour génocide passif, crimes contre l’humanité et violation des droits de l’enfant.

Une persévérance à toute épreuve

Seul contre tous, il a néanmoins bénéficié de l’appui du roi Norodom Sihanouk et du premier ministre Hun Sen. Le deuxième hôpital Kantha Bopha a ainsi pu voir le jour dans l’enceinte même du Palais royal en octobre 1996. Et en 1998, Hun Sen offre un terrain à Beat Richner à Siem Reap, au nord du pays, près des célèbres temples d’Angkor. Le troisième hôpital nommé Jayavarman VII est ouvert en mars 1999. Le jour de l’inauguration, le premier ministre annonce qu’il donne un autre terrain, jouxtant l’hôpital Jayavarman VII, pour la construction d’une maternité pouvant accueillir des femmes séropositives *. Le 9 octobre 2001, la maternité est inaugurée, précédant le centre de conférences, ouvert en novembre 2002, également situé à Siem Reap. C’est d’ailleurs dans ce centre que Beat Richner se glisse tous les week-ends dans la peau de Beatocello, l’amuseur au violoncelle. Le pédiatre suisse est bien connu dans son pays pour ses talents d’humoriste et de violoncelliste, qu’il met aujourd’hui au profit de la recherche de dons. Devant un public essentiellement composé de touristes, Beatocello joue Bach et chante des textes de sa composition, grâce auxquels il sensibilise les spectateurs aux nécessités de ses hôpitaux, et invite les gens de passage à faire des dons, ou à donner leur sang. Beatocello entreprend également des tournées en Suisse plusieurs fois par an, pour récolter des fonds pour sa fondation.

Beatocello, l’artiste qui joue pour les enfants

Dans les hôpitaux Kantha Bopha, les soins sont gratuits pour tous les enfants, et le personnel est rémunéré décemment, pour éviter tout risque de corruption. Les médecins et infirmières des hôpitaux publics sont souvent contraints d’accomplir plusieurs tâches pour pouvoir nourrir leur famille, et ainsi améliorer leur salaire, de vingt dollars mensuels, que leur verse le ministère de la Santé. Le docteur Richner a, dès le début, combattu cet état de fait en versant à ses employés jusqu’à trente fois le salaire qu’ils percevraient dans la fonction publique. Ainsi, le personnel se consacre entièrement à l’hôpital, sans être tenté de revendre les médicaments. Et surtout il ne soigne pas les malades contre de l’argent, comme cela se produit trop souvent dans les autres hôpitaux du pays. Aujourd’hui, l’infatigable docteur Richner, élu « Suisse de l’année » en 2003, a démarré les travaux pour la restauration et l’agrandissement du premier hôpital Kantha Bopha à Phnom Penh. Quant à l’hôpital Jayavarman VII, à Siem Reap, il sera également doté très prochainement d’une extension de 300 lits.

* Une femme séropositive qui bénéficie d’un traitement trois mois avant le terme de sa grossesse réduit considérablement les risques de transmettre le virus du sida à son enfant.

Les hôpitaux Kantha Bopha en chiffres

Chaque année ce sont :

- 70 000 hospitalisations

- 100 000 vaccinations

- 700 000 consultations

- 16 000 opérations

- 5000 accouchements

- 1500 employés cambodgiens

- 15 millions de dollars de coût annuel dont 50% pour l’achat de médicaments, 30% pour les salaires, 15% pour le matériel médical et la maintenance et 5% pour l’administration.

Pour faire vos dons adressez-vous à : UBS Union Bank of Switzerland, 8032 Zurich Seefeld - SUISSE, compte n° 838570.01Q Fondation Beat Richner : c/o Intercontrol AG, Seefeldstr. 17 8008 Zurich, Suisse Site internet :

http://www.beat-richner.ch



3 réactions


  • degex andre (---.---.141.124) 1er septembre 2006 13:47

    je ne sais pas si c’est la bonne adresse... je voudrai organiser en suisse un concert en faveur des enfants du Cambodge. il serait produit uniquement par des enfants et « pour des enfants ».je suis bien placé pour trouver des interprètres trés doués par mes relations dans le domaine de l’enseignement de la musique.il s’agit d’élèves très doués suivant des classes spéciales qui leurs est destinées.


  • grégory Bersoullé (---.---.213.206) 17 mars 2007 10:38

    Merci Cioran de nous parler de Béatocello. Pour ma part, je me suis rendu trois années consécutives au Cambodge et à Siem Reap et ai vu ce Docteur-Clown-Miracle. Cet homme a beaucoup de pugnacité et de volonté pour avoir réalisé 3 hôpitaux et j’invite tout lecteur d’A.V voyageur à s’arrêter pour donner son sang et faire un don, même simple. j’invite également les membres d’ONG, travaillant plus particulièrement dans le domaine de la santé (dont je fais parti), à réfléchir sur le concept « poor care for poor people in poor country »...Il propose une vraie qualité de soins respectable dans ce pays et ses idées vont dans le sens d’une même médecine pour gens riches ou pauvres. Il faut savoir que le Cambodge, avant l’entrée des Khmers rouges dans Phnom Penh et le début de « l’année zéro » décrétée par Pol Pot,était le pays d’asie du sud-est asiatique le mieux équipé en terme d’imageries médicales. Le docteur Richner, malgré des opinions défavorables, a fourni le premier IRM du pays (et il semblerait que le nombre de ces appareils utilisés couremment dans nos pays pour nos soins n’ait guère augmenté de façon significative là-bas). La position de l’OMS reste troublante sur la Tuberculose et le Chloramphénicol (que l’on se produit très facilement dans les pharmacies de la capitale, j’ai testé...). La présence d’un hôtel de luxe français juste à côté de l’hôpital Jayavarman VII à Siem Reap me laisse songeur...sans compter les nombreuses constructions commerciales et touristiques en cours de construction à la mi-septembre 2006... Une « anecdote » : à 15km autour du site d’Angkor Wat, des villageois survivent, boivent de l’eau croupie, n’ont pas ou peu d’éducation ni de système de soins adéquates (je le sais, me rendant sur place chaque année et travaillant avec une australienne qui soutient l’un de ces villages). A vérifier quant aux chiffres, le site touristique d’Angkor a dépassé le million de visiteurs l’année dernière ; le coût du passeport pour admirer l’art khmer et se balader au sein des temples est géré par une société « Apsara » qui est privée, majoritairement détenue par une compagnie pétrolière. L’argent qui émane de ce site devrait bénéficier majoritairement aux locaux et à l’entretien de ce patrimoine mondial...Je vous laisse deviner.

    Docteur Richner représente un îlot de bonheur pour les cambodgiens, pour ce peuple du sourire grâce aux soins gratuits. Parlez-en aux cambodgiens sur place, ils le connaissent...

    Je te remercie encore Cioran pour cet article qui tend à faire connaître l’engagement courageux de ce médecin. Merci au Dr Richner pour ce qu’il a réalisé. Merci à Deborah Groves pour son engagement auprès du village de Prasat Char.


Réagir