lundi 2 mars 2009 - par Damien Perrotin

Big pschitt territorial ou rideau de fumée

Le comité Balladur nous propose de passer de vingt-deux régions métropolitaine à une quinzaine. C’est bel et bon. Si certaines régions comme la Bretagne ou l’Alsace correspondent à des véritables entités historiques et culturelles, les Pays de la Loire ne suscitent guère l’enthousiasme des foules et on peut douter que leur démantèlement fasse descendre les Nantais dans la rue, sauf peut-être pour fêter l’évènement.

Diminuer le nombre de régions et rendre plus cohérentes celles qui existent – rattacher la Loire-Atlantique à la Bretagne, par exemple ou fusionner les deux Normandies - est une simple mesure de bon sens. Les moyens proposés par le Comité Balladur pour arriver à ce résultat manquent cependant curieusement d’envergure et d’ambition.

Pour modifier les limites d’une région il faut faire une loi, après avoir consulté – pour la forme car l’État n’est pas tenu de suivre leur avis – les conseils généraux et régionaux concernés (art. L4122-1 du Code des Collectivités Territoriales). Pour fusionner deux régions il faut également une loi, sauf si les deux conseil régionaux et une une majorité qualifiée constituée de la moitié des conseils généraux représentant les deux tiers de la population ou des deux tiers des conseils généraux représentant la moitié de la population en exprime la demande, auquel cas un décret en Conseil d’État suffit (art. L4123-1 du Code des Collectivités Territoriales).

Le Comité Balladur propose de supprimer le passage par la loi pour les modifications territoriales et la majorité qualifiée pour les fusions de régions, c’est à dire en gros de reprendre la législation utilisée pour changer les limites départementales dont on sait à quel point elle a, au cours des dernières années, profondément modifié la carte administrative française.

Même là où, comme en Loire-Atlantique, il y a une volonté claire et affirmée non seulement de la part de la population mais aussi d’une partie de la classe politique (le Président du Conseil Général mais aussi des députés comme le Vert François de Rugy et l’UMP Christophe Priou) de voir les frontières régionales modifiées, on peut s’attendre à de considérables réticences de la part du Conseil Régional. Cela n’a évidemment rien à voir avec un quelconque attachement à une région ectoplasmique malgré les sommes folles qu’elle dépense en autopromotion. Jacques Auxiette, son président, est juste conscient qu’il ne peut diriger une région qui n’existe pas, et que si par hasard celle-ci survivait au départ du pays nantais, il n’en serait plus le président, les départements non – bretons étant majoritairement de droite.

C’est ce genre d’obstacle qu’un pouvoir décidé à redessiner la carte administrative de la France doit écarter, pas celui d’un parlement qu’a priori il contrôle. Tout cela Balladur le sait, tout comme il sait que le Parti Socialiste sera, par principe, hostile à tout ce qu’il proposera, et sa prudence laisse d’autant plus perplexe. Quitte à fâcher, autant le faire pour une bonne raison.

Il était évidemment toujours possible que tout cela ne soit que la marque d’un manque de courage politique, mais il est aussi possible que cela ne soit qu’un moyen de mettre les élus locaux devant leurs responsabilités... avant de réformer autoritairement une fois démontré leur immobilisme.

N’oublions pas que le Président peut toujours brandir l’arme législative pour imposer sa volonté.

Sur ce plan, la Loire-Atlantique peut faire figure de verrou à faire sauter, car le soutien au rattachement à la Bretagne est à la fois majoritaire dans la population et conséquent dans une partie de la classe politique, une configuration qu’on ne retrouve nulle part ailleurs Il n’y aura pas à Nantes de front uni en faveur du statu quo.

La solution idéale serait, de ce point de vue, un amendement proposé par un député ou un sénateur UMP – ils sont de plus en plus rares en Bretagne mais ils existent – au moment du vote de la loi cadre, le tout sur un fond de pression locale. Cette pression pourrait prendre la forme de manifestations – la dernière sur le sujet a réunit 10.000 personnes – mais aussi d’actions politiques visant à affaiblir les partisans de l’immobilisme, que ce soit dans la presse où dans les assemblées locales.

Reste à savoir, bien sûr, si la volonté réformatrice du gouvernement est un rideau de fumée... ou juste de la fumée




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