vendredi 27 septembre 2013 - par C’est Nabum

Débat sur l’état de notre école

Le silence des préaux ! 

Le témoin incongru …

On m'a convié à participer à un débat sur l'état de notre école. Curieuse idée motivée par la lecture de quelques-uns de mes billets sur le sujet et particulièrement sur mes élèves de Segpa. J'ai bien hésité quelques temps avant d'accepter cette invitation. J'ai beaucoup de respect pour l'organisateur et c'est ce qui fit pencher la balance de son côté.

N'étant qu'un modeste exécutant des basses œuvres scolaires, je ne savais comment porter témoignage sur ces élèves et leur devenir professionnel. Puisque ce sont mes billets qui avaient déclenché cette demande, je ne me lançais dans la confection d'un nouveau récit, retraçant mon déjà bien long parcours dans cette institution.

J'avais le précieux papier dans ma poche quand je pénétrai dans cet imposant auditorium, tout de noir drapé. Quelques têtes connues, bien trop rares du reste pour que je me sente à l'aise, un podium avec des noms affichés et aucun qui ne me soit familier. Simple instituteur de base, j'ai depuis longtemps renoncé à connaître les autorités de la chose pédagogique, étant par ma pratique marginale, bien loin des courants novateurs et des chapelles pédagogiques.

Je sens bien vite ma présence incongrue en ce lieu, une habitude désormais qui me joue souvent de bien vilains tours. L'animateur de la soirée, un compagnon de lutte pour le défunt Libé-Orléans me souffle guilleret à l'oreille que sur le programme on m'a qualifié de monsieur Enbringuet. La formule est assez heureuse et ce mot sera plusieurs fois utilisé au court des débats sans pour autant que j'intervienne ....

Dans la salle, on se salue, on s'embrasse, on se fait des signes. C'est l'entre-soi des milieux autorisés. Je suis à l'écart, ma place de prédilection pour observer et noter quelques impressions fugaces. Le brouhaha me fait songer à une salle de théâtre avant le lever de rideau. C'est un parterre de gens respectables et bien mis de leur personne. Je dois faire un peu tâche.

Je repère un blogueur local, nullement blagueur et fort respectable. Je ne suis pas en très bon terme avec ce monsieur trop sérieux et je m'éloigne de lui. Je commence à penser que je me suis une fois encore fourvoyé en acceptant cette intervention. Le pressentiment devient sentiment quand je m'aperçois qu'une responsable de notre maison fait également partie des grands témoins. J'ai eu quelques difficultés avec elle quand nos chemins se sont croisés. Mon rapport au pouvoir ayant toujours été défectueux.

Une caméra de FR3 filme quelques personnages puis s'attarde sur l'assistance. Tout faire pour ne pas être remarqué, voilà ma principale préoccupation quand débute la première intervention. Une journaliste du monde de l'éducation débite un discours si dense qu'il est bien difficile de suivre sa cascade de mots. J'espère pour elle que ses articles ne se lisent pas aussi vite. Elle joue les personnes bien informées, celles qui ont l'honneur de fréquenter les allées du pouvoir. Rien ne m'exaspère plus !

Puis naturellement le micro est tendu vers la salle. Des questions qui n'en finissent pas, des remarques qui sont autant de contributions émanant de personnes déplorant sans doute de ne pas avoir été conviées sur l'estrade. C'est toujours le même jeu des apparences, il faut se faire voir et surtout faire entendre sa petite partition. Souvent, à la fin de l'intervention, la question vient à manquer quand une autre vérité a été assénée !

Puis intervient une institutrice de terrain intervenant dans un Réseau d'Aide et de Soutien d'un quartier dit sensible. La voix est cassée, rugueuse, le discours désenchanté tout en conservant une flamme tenace. La dame parle sans précipitation d'une expérience qui vient des tripes. Elle séduit par sa détermination, ses convictions et sa capacité à donner de la distance à son action. Je n'ai rien à ajouter à ce récit d'expérience assez semblable au mien même si elle exerce en école maternelle.

L'animateur doit finir par l'interrompre. Je l'aurais écoutée jusqu'au bout de la soirée. Il aurait mieux fait de lui laisser le micro car les interventions de la salle sont manifestement toutes des remarques personnelles, des tentatives de poser la problématique sur un seul aspect de la question éducative. La diversité, la place faite aux étrangers semblent prendre le pas sur la réflexion globale sur notre école. Chacun parle de sa fenêtre et c'est assez agaçant.

Puis les témoignages, les questions et les interventions décalées se succèdent. Le temps file et la fin de la soirée se profile bientôt. Mon ancienne supérieure prend la parole pour défendre les lycées professionnels. Elle met en avant les filières d'excellence, passe bien vite sur le niveau CAP. À l'école de notre République, il faut toujours considérer les plus performants, c'est la règle de cette machine élitiste.

Je devine déjà que mes pauvres Segpa passeront une fois encore aux oubliettes. C'est si habituel que je ne m'en formalise pas. C'est la loi de cette institution et de notre société de ne pas faire de place à ceux qui ne rentrent dans aucune case. Ils ne sont ni handicapés, ni brillants, ni délinquants, ni trop visibles. Ils resteront une fois encore dans l'ombre et c'est parfaitement significatif du mépris qui leur est accordé.

Désespérément leur.

 



6 réactions


  • Prudence Gayant Prudence Gayant 27 septembre 2013 15:42

    « mes pauvres segpa » que n’avez-vous levé le doigt pour participer ? 

    vous vous retirez sobrement dans un coin obscur et vous écrivez ensuite votre article sur ce que vous n’avez pas dit à une réunion où vous étiez convié. 
     

    • C'est Nabum C’est Nabum 27 septembre 2013 17:32

      Prudence


      J’attendais simplement mon tour par courtoisie et respect de la règle puisque je devais être témoin et qu’on m’avait demandé un témoignage.

      => Billet de la veille !

      Étant acteur, je n’avais pas à intervenir dans le débat pour ne pas fausser ma participation.

  • Richard Schneider Richard Schneider 27 septembre 2013 16:25

    Bonjour Nabum,

    Que votre description de la grande messe pédagogique semble juste ! Tout y est : l’ambiance, les personnages, le bla...bla... etc ...
    Cela a ravivé en moi moult souvenirs.
    Bonne journée,
    RS

  • urigan 27 septembre 2013 18:22

    Bonsoir Nabum,

    Ancien chef des travaux de lycée professionnel, j’attends avec impatience la suite de votre aventure parmi les « pédagogues patentés »


    • C'est Nabum C’est Nabum 27 septembre 2013 18:24

      Urigan


      Ce n’était pas ma place et je ne me ferai pas avoir une autre fois

      Je sais que nous ne sommes rien pour eux !

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