samedi 1er février - par Michel DROUET

Décentralisation : de la nécessité de faire une pause pour dresser un bilan

« Décentraliser la France pour la débloquer », la contribution (1) de Mme Pécresse et de M. Vigier, élus du Conseil Régional d’Ille de France, interroge quant à ses demandes de nouveaux transferts à cette Région : fixation du SMIC, régionalisation des règles de l’assurance chômage et de France Travail, présidence de l’Agence Régionale de Santé, moyens de l’Agence Nationale de l’Habitat, entre autres, figurent dans cette contribution à la tonalité provocatrice.

Elle s’appuie sur de grands principes non vérifiés, comme « Décentraliser et faire confiance à la démocratie locale » alors que l’on sait pertinemment que les citoyens ne connaissent que très peu les rouages de ce système, exclusivement aux mains des élus et des partis politiques, dont la crédibilité est en berne.

Cette proposition qui créerait davantage de problèmes que de solutions avec la perspective d’une régionalisation à plusieurs vitesses est présentée comme une « opportunité » pour l’Etat de se recentrer sur ses missions régaliennes, à condition que l’on s’entende sur ce qui relève du régalien…

Enfin, ce projet d’orientation très libérale, révèle un conflit larvé entre Etat et collectivités territoriales dont nous n’avons pas besoin, alors que l’ensemble des décideurs publics sont censés représenter ce que l’on a coutume d’appeler la « puissance publique » garante, a priori, de l’unité de traitement du citoyen quel que soit le lieu où il habite. Surtout, ce projet fait l’impasse sur les conséquences financières de ces transferts dont l’enchevêtrement ne manquera pas d’abonder les 7,5 Milliards d’euros par an de surcoûts déjà existants dans les collectivités territoriales.

Comment cette Région fera face à ces nouvelles responsabilités, sachant que l’Etat est souvent pingre en matière de moyens financiers transférés lors des épisodes de décentralisation ? Sans doute comme le fait déjà la Région Pays de Loire qui a fait le choix de tailler dans les subventions et comme s’apprêtent à le faire d’autres collectivités territoriales, mettant à mal les liens patiemment tissés et nécessaires avec le tissu associatif des territoires (2). Les exemples recueillis dans la presse locale sont éloquents : ici la possible fermeture d’une piscine, là une école de musique en difficulté, ou encore des craintes exprimées par les acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire…

Comment envisager par ailleurs de nouvelles compétences pour cette Région a qui on reproche aujourd’hui le manque d’entretien de certains lycées publics ou les carences en matière de transports en région parisienne. Soulignons aussi le caractère féérique de la demande de décentralisation du dispositif MaPrimRénov alors qu’en France, toutes collectivités confondues, 85 % des bâtiments publics ne sont pas aux normes énergétiques.

Vouloir faire des « coups politiques » et entretenir la confusion par des non-dits n’est pas à la hauteur, ni des enjeux financiers auxquels le pays est confronté, ni des attentes citoyennes.

Faisons une pause dans la décentralisation et réformons à la fois ce système et celui de l’Etat et de ses agences et ne cédons pas à la facilité de l’augmentation des impôts ou de la taille dans les budgets sociaux en remettant à plus tard les réformes qui s’imposent.  

Et surtout, associons les citoyens et les corps intermédiaires à ce bilan indispensable.

  1. Ouest France du 28/01/2025
  2. Point de vue de Jean-François Bouthors (Ouest France du 24/01/2025)

 

« Décentralisation : il faut que tout change pour que rien ne change ». Ouvrage publié chez L’Harmattan dans la collection « Questions Contemporaines », disponible en ligne sur le site marchand de l’Editeur et autres sites de vente en ligne (Amazon, FNAC, etc.) et dans les librairies, sur commande. https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/livre/decentralisation-1/77881

 




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