mercredi 2 avril 2008 - par Jean-Christophe Babinet

Démocratie rurale

En France, aux élections municipales, 8 % des communes sont au scrutin de liste avec une représentation proportionnelle et 92 % (toutes les communes de moins de 3 500 habitants) sont au scrutin plurinominal, dit « de panachage », c’est-à-dire à la majoritaire. Lettre ouverte d’un perdant...

Lettre ouverte à nos représentants

Objet : La France rurale et le panachage

Madame, Monsieur,

Dans le Canton de Fronton, en Haute-Garonne, sur les dix villes de moins de 3 500 habitants soumises au système électoral dit du "panachage", il n’y a aucun élu d’opposition dans aucun des conseils municipaux.

Notre démocratie peut-elle accepter une telle situation ?

Dans notre village de Villeneuve-lès-Bouloc, notre tête de liste a réalisé le score honorable de 39,4 %, et notre liste une moyenne de 36,2 %. Sur les 601 bulletins exprimés, 236 personnes ont donné un message et qu’ont-ils en retour ? Rien. Pas un seul siège.

Dans notre cas particulier, et toutes choses égales par ailleurs, il aurait fallu que notre tête de liste obtienne plus de 50,4 % des suffrages pour avoir ne serait-ce qu’un seul petit strapontin au conseil municipal.

Le système du panachage bafoue les éléments essentiels de l’engagement municipal que sont le travail de groupe, les valeurs partagées et la pertinence des projets. En permettant aux électeurs de choisir nominativement leurs candidats préférés, ce système est un leurre de démocratie. Il nie la cohérence des offres politiques des listes en présence, il nie la compétition entre des projets d’avenir et rabaisse la conclusion du débat au choix de telle ou telle personne.

Bien sûr, nous avons perdu et il revient naturellement à nos opposants de mettre en œuvre leur projet. Est-il pour autant acceptable que notre système électoral ne nous réserve rien ? Pour 40 % des votants, rien ?

Des deux ans de travail, du projet structuré, des habitants qui nous ont suivis, nos institutions ne devraient rien conserver ? Nettoyer le paysage de ces contributions démocratiques ? Les recycler au service des conservatismes locaux ?

Le panachage ne panache pas !

Si nous étions soumis au scrutin de liste - actuellement réservé aux communes de plus de 3 500 habitants - avec plus du tiers des voix, nous aurions deux voire trois conseillers municipaux. Tous les habitants du village en auraient été heureux. Et l’équipe aurait pu poursuivre le travail, accompagner ses élus, chercher à trouver des consensus et avancer avec eux sur les projets communaux. Au lieu de quoi, notre village sort divisé entre les gagnants, qui ont tout, et les perdants qui n’ont rien.

Le panachage ne permet pas l’ouverture. Le "ticket d’entrée" au conseil est, dans notre cas, à beaucoup plus de 40 % des voix. Un tel système est un frein au débat.

C’est une résistance institutionnelle au développement politique
de nos villages.

Cette situation est inacceptable. Changez cela !

Si le mot démocratie signifie quelque chose pour vous, Mesdames et Messieurs les élus, entendez-nous ! Réservez quelques sièges aux perdants, comme pour les autres communes, en fonction des voix qu’ils ont obtenues !

Mesurez l’impressionnant déni de démocratie que ce système inflige à toute la France rurale ! Aux 34 000 communes (92 % des communes françaises) qui ont moins de 3 500 habitants ! À plus du tiers des Français et à leurs 355 000 élus  !

Nos institutions ne peuvent pas ne pas nous entendre !
Vous ne pouvez pas ne pas nous entendre !


En toute démocratie,

Et pour tous ceux qui ont voté pour nous,

Jean-Christophe Babinet et Morgane Cournarie


Page web :

http://villeneuve-les-bouloc.org/democratie-rurale

Liste de discussion :

http://lists.praksys.org/listinfo/democratie-rurale

Un exemplaire papier de cette lettre a été remis à  :

M. Nicolas Sarkozy, président de la République, M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, M. Christian Poncelet, président du Sénat, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’Intérieur et aux Collectivités territoriales, M. François Hollande, premier secrétaire du PS, M. Patrick Devedjian, secrétaire général de l’UMP, Mme Marie-Georges Buffet, secrétaire nationale du PC, Mme Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, M. François Bayrou, président du MoDem, M. Jean-Michel Baylet, président du PRG, M. Martin Malvy, président de la région Midi-Pyrénées, M. Pierre Izard, président du Conseil général de Haute-Garonne, Mme Françoise Imbert, députée de notre circonscription, M. Louis Bonhomme, conseiller général de notre canton et M. Gérard Pelletier, président de l’Association des maires ruraux de France.



7 réactions


  • Servais-Jean 2 avril 2008 14:57

    J’allais dire que ce n’est que le début mais non

    Le "charcutage" se fait depuis longtemps est PASQUA est le "maitre charcutier".

    Les découpages des cantons, arrondissements...sont faits pour favoriser la droite et la majorité doit sa place aux ruraux qui ne représentent qu’une petite minotité de la population.

    Que ce charcutage se fasse aussi dans les élections locales des communes rurales n’est que le signe de la panique qui s’empare de la droite qui voit ces communes glisser tout doucement vers la gauche.

    Et une nouvelle vague de tripatouillage est en cours, un secrétaire d’état ad oc ayant été nommé.

    L’abîme est immense et la tâche est au fond !


  • Céline Ertalif Céline Ertalif 2 avril 2008 23:19

    La démocratie rurale ? Ni le rural, ni la démocratie - au-delà des apparences - ne passionnent...

     

    Le système du panachage, c’est le tableau d’honneur local. Je suis d’accord avec l’auteur pour dire que le projet ne peut être que collectif et que, à cet égard, l’obligation de vote par liste complète avec un minimum de proportionnelle a des avantages. Même si, concrètement, les oppositions ne brillent guère tant c’est difficile d’être un opposant sérieux et constructif.

     

    Le principal problème est tout de même ailleurs : faut-il continuer à gérer du service dans des communes de moins de 3 500 habitants ? A mon avis, la réponse est simple et claire : c’est non.


    • jcbabinet 3 avril 2008 17:24

      « Le principal problème est tout de même ailleurs : faut-il continuer à gérer du service dans des communes de moins de 3 500 habitants ? A mon avis, la réponse est simple et claire : c’est non. »

      Il y a je crois de nombreuses réflexions sur le « bon niveau » pour la gestion des services collectifs. Et il est vrai que la France est de ce point de vue un cas particulier en Europe : 40% des communes européennes sont françaises ! Les communes françaises sont globalement très petites par rapport aux communes allemandes ou italiennes...

      Donc la question que vous posez est légitime. Mais elle est déjà vieille, et de toutes les tentatives de « monter d’un niveau » la gestion des prestations collectives, une seule me semble digne d’intérêt : la Communauté de Communes. Cette structure est plébiscitée par les municipalités (plus de 90% des communes ont adhéré à une Communauté de Communes), et par les habitants (résultat enquête 2007 ici).

      Donc un processus est en route. Mais pas chez nous ! Notre conseil municipal n’ayant pas eu de vraie dynamique de projet, a fini par refuser les propositions de Communauté réfléchies par les communes alentour...

      Bien sûr, la création d’une Communauté de Communes, lieu de maturation puis réalisation de projets à un niveau supra-municipal, était un des points phare de notre campagne ...

      Quoi qu’il en soit, déplacer la gestion de services à un niveau supra municipal est d’une telle évidence que la plupart des conseils municipaux s’y prêtent de bon coeur. Mais encore faut-il que ces conseils dispose d’une réelle capacité de renouvellement. Et pour donner une chance aux nouveaux, il faut leur faire une place dans le système, surtout s’ils ont 36% des voix !

      Et bien sûr, il faut donner du poids démocratique aux Communautés de Communes, et donc élire nos représentants au suffrage universel (de liste !) direct.

      C’est ce que défend l’Association des Maires Ruraux de France, comme d’ailleurs le scrutin de liste aux municipales : Voir la position de l’AMRF.


  • perlin 3 avril 2008 03:42

    @ l’auteur

    Vous devez vivre dans une commune polluée par le discours ambiant de politisation droite / gauche.

    Normalement dans les communes de moins de 3 500 habitsants, la proximité prime et l’on vote plus pour les figures locales que pour les partis. On trouve beaucoup de sans étiquette dans ces scrutins et c’est tant mieux.

    Quant à votre souhait d’obtenir des sièges au nom de la démocratie et malgré une défaite, je trouve qu’il y a comme un défaut dans l’énoncé, et celui de changer les règles du jeu parce que vous avez perdu ne vaut pas mieux.

    Peut-être que votre défaite est due justement au fait que dans ces communes on ne veut généralement pas dans le conseil des gens qui font de la (petite) politique, qui ergotent sur tout, qui pensent débat et projet contre projet, là où le simple bon sens devrait s’imposer. Au contraire, dans ces communes, on veut un conseil soudé car on sait bien que c’est le seul moyen d’être efficace. Le mot d’ordre serait plutôt : pas d’égo, une équipe et on avance.

    Au nom de la démocratie, moi j’aimerais plutôt que vous vous absteniez d’importuner nos élus nationaux avec vos états d’âme, ils ont un autre boulot à faire et leur temps c’est aussi celui de tous les Français.

    Un conseil si vous voulez être élu la prochaine fois : n’attendez pas que les autres vous fabriquent votre siège, mais oeuvrez donc au sein d’associations locales (culturelle, commerçante, sportive ou autre) dans lesquelles vous aurez la possibilité de montrer votre engagement pour le bien commun, votre disponibilité, votre sens de l’action et du résultat. Si vous ne vous êtes pas trompés, les 236 électeurs que vous avez séduits seront ravis, en parleront à d’autres qui viendront grossir votre popularité et ainsi vous serez Maire.

    Relisez La Fontaine aussi, il y en a quelques unes qui vous iraient très bien.


  • perlin 3 avril 2008 03:46

    @ l’auteur

    Vous devez vivre dans une commune polluée par le discours ambiant de politisation droite / gauche.

    Normalement dans les communes de moins de 3 500 habitsants, la proximité prime et l’on vote plus pour les figures locales que pour les partis. On trouve beaucoup de sans étiquettes dans ces scrutins et c’est tant mieux.

    Quant à votre souhait d’obtenir des sièges au nom de la démocratie et malgré une défaite, je trouve qu’il y a comme un défaut dans l’énoncé, et celui de changer les règles du jeu parce que vous avez perdu ne vaut pas mieux.

    Peut-être que votre défaite est due justement au fait que dans ces communes on ne veut généralement pas dans le conseil des gens qui font de la (petite) politique, qui ergotent sur tout, qui pensent débat et projet contre projet, là où le simple bon sens devrait s’imposer. Au contraire, dans ces communes, on veut un conseil soudé car on sait bien que c’est le seul moyen d’être efficace. Le mot d’ordre serait plutôt : pas d’égo, une équipe et on avance.

    Au nom de la démocratie, moi j’aimerais plutôt que vous vous absteniez d’importuner nos élus nationaux avec vos états d’âme, ils ont un autre boulot à faire et leur temps est aussi celui de tous les Français.

    Un conseil si vous voulez être élu la prochaine fois : n’attendez pas que les autres vous fabriquent votre siège, mais oeuvrez donc au sein d’associations locales (culturelle, commerçante, sportive ou autre) dans lesquelles vous aurez la possibilité de montrer votre engagement pour le bien commun, votre disponibilité, votre sens de l’action et du résultat. Si vous ne vous êtes pas trompés, les 236 électeurs que vous avez séduits seront ravis, en parleront à d’autres qui viendront grossir votre popularité et ainsi vous serez Maire.

    Relisez La Fontaine aussi, il y en a quelques unes qui vous iraient très bien.


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