Dilapidation
Curieux retour de l'âge de pierre, celui du cœur …
Un récent événement personnel, dont je tairai ici la nature, m'a mis en tête ce mot qui mérite bien un billet, tant il me semble être le symbole de cette société agonisante et néanmoins triomphante. À un jet de pierre de l'Occident cupide, une autre forme de barbarie jette également le bouchon trop loin avec ce même mot privé d'un préfixe. Curieux retour de l'âge de pierre car, à bien y regarder, s'expriment, ici ou bien là-bas, les deux facettes d'une société en totale décrépitude morale.
Nous allons laisser une planète exsangue, ruinée, malade et, sans doute, en état de choc. Nos enfants et nos petits-enfants convoqueront les tribunaux de l'Histoire pour nous mettre en accusation, pour pointer du doigt, s'ils sont encore présents sur Terre, notre immense responsabilité, notre inexcusable égoïsme, notre inqualifiable cupidité, notre suicidaire lâcheté. Ils pourrons bien nous traîner dans la boue, le vent de la débâcle sera passé par là et il n'y aura plus rien à faire.
Nous avons dilapidé notre héritage collectif pour la simple satisfaction d'un appétit toujours plus grand des richesses matérielles, du confort et de la facilité. Nous laissons un prochain champ de ruines, une planète débarrassée d'un grand nombre d'espèces et privée d'une part considérable de ses ressources naturelles. Nous avons exercé une razzia comme des troupes assoiffées de gloire et de richesse après une victoire.
Pour ce faire, nous avons accepté que se crée à nos frontières, un désert de pauvreté et de misère pour favoriser notre prospérité. Nous avons ainsi laissé grandir la haine et la superstition pour que des fous d'un Dieu de rédemption lancent des pierres sur la femme adultère. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a simple et tragique relation de cause à effet dans ces deux versants d'une tragédie mortelle.
Rassurez-vous, ceux qui sont cause de toute cette catastrophe annoncée se gardent bien d'en subir les conséquences. Ils ont, depuis longtemps, pratiqué les théorie du développement séparé, se trouvent à l'abri dans des zones surveillées, gardées, éloignées de la misère qui les nourrit et les engraisse. Qu'ils soient banquiers adipeux aux doigts crochus et à la morale douteuse, financiers cupides et indifférents, maîtres du monde aveugles et sourds, princes hypocrites et retors, …tous profitent de ce rouleau compresseur qui broie les humbles, affame les pauvres, asservit les travailleurs, tue la faune et asphyxie l'atmosphère.
Les apprentis sorciers du capitalisme sauvage n'ont jamais autant accumulé de richesse. Il est inutile de rappeler les sommes mirobolantes qu'ils s'approprient sur le dos d'une population réduite, de plus en plus, à la servilité et à la misère. Les princes du pétrole et les roitelets de l'Afrique se gavent en détournant les ressources. Le peuple est ravalé au rang de pions inutiles ; nos gouvernements, soi-disant démocratiques, n'étant, eux aussi, que les valets et la courroie de transmission d'un système qui corrompt pour mieux s'étendre.
Nous ne disons rien ; chacun se contentant d'être un peu mieux loti que son voisin proche ou bien lointain pour fermer les yeux et tolérer encore et encore cette folie suicidaire. La valeur travail ne vaut plus rien, les ressources sont pillées, la terre ne nourrit plus ceux qui la cultivent ; les travailleurs sont de plus en plus pauvres et les rentiers de plus en plus opulents, les richesses disparaissent de l'endroit où elles sont produites pour aller engraisser des profiteurs sans vergogne.
La planète est devenue un terrain de jeu, de loisir pour les derniers rares bénéficiaires du gâteau. Les autres se contentent d'être la toile de fond misérable qui servira à distraire les voyageurs de la misère. Quelques clichés, quelques piécette jetées ici ou là et ils reviendront dans leurs tours dorées pour évoquer leurs vacances et se complaire de leurs privilèges. Ils ne mentionneront pas leur chance ; ils s'estiment légitimes dans leur droit de gagner mille fois plus que d'autres. C'est la curieuse loterie des inégalités.
Quant à nos gouvernants illusoires, après avoir posé pour la postérité, après s'être déplacés en jet privé pour venir parader devant les médias et ouvrir les travaux de la COP 21, ils ont depuis longtemps oublié toutes les promesses. Ils nous ont offert cette petite distraction gentillette avant que de retourner tranquillement à leurs occupations désastreuses. Ils participent à la dilapidation, ils l'encouragent, ils l'organisent pour maintenir croissance et prospérité sans la moindre pensée sur cette Terre qu'on ne fait qu'emprunter à nos enfants.
Dilapidez donc l'héritage de milliers de génération. Usez jusqu'à la corde du bien commun. Pourvu que vous finissiez riches à milliards, ayant accumulé des richesses folles qui ne serviront bientôt plus à rien ! Quand plus rien ne poussera, vous essaierez de manger vos avoirs et vos liquidités : ce ne sera ni nourrissant ni très digeste. Nous aurons au moins le plaisir de savoir que nous ne nous survivrez pas de beaucoup.
Prophétiquement leur