Flagrant déni
En pleine contradiction
Ainsi donc, filmer des policiers dans l’exercice de leur fonction est, de par la loi, strictement interdit. Que nous soyons d’accord ou non, ce qui est voté, a force de loi même si ce n’est pas encore validé par une signature officielle. Mais ce qui vaut pour le quidam ne semble pas être règle d'airain pour ceux qui nous gouvernent.
Reprenons par le détail l’épisode que nous vivons au pays d’Ubu roi. Des réfugiés en situation illégale manifestent tandis que les forces de l’ordre viennent leur rappeler à coup de matraques qu’ils ne sont pas les bienvenus au pays des droits de l’homme. Rien de neuf vous allez me dire mais des caméras filment les exactions et force est de constater qu’il y a disproportion entre la menace supposée et la réaction martiale fort peu amicale.
Les images qui depuis le vote sont interdites choquent la blogosphère, ce qui après tout n’a que peu d’importance dans une démocratie qui a aboli le peuple mais plus encore, elles arrivent jusqu’aux yeux du ministre de l’intérieur, qui en dépit de l’illégalité de la source, s’en émeut. L’homme se fend d’un communiqué exigeant de son préfet, qui ne fait que suivre les directives, des explications et même des mesures.
Nous venons de découvrir que les images ont un intérêt en dépit de ce que peuvent prétendre nos chers députés godillots, si prompts à s'asseoir sur la liberté et la démocratie. Le premier acte passe comme une lettre à la poste, personne ne souligne la contradiction d’un ministre favorable à l’interdiction de filmer qui juge sur des images. Mais ce n’est qu’un ministre, le chef suprême est sans doute au-dessus de ça.
Seconde étape, le tabassage en règle d’un pauvre homme qui a l’outrecuidance de n’avoir pas une couleur de peau conforme à l’idée que se font de la légalité les sbires des Darmanin et Lallemand. Cette fois, une autre caméra prend sur le fait les débordements excessifs de quelques fonctionnaires appliquant à la lettre les principes qui prévalent au maintien de l’ordre martial.
Le sang coule, les esprits sensibles s’indignent et cette fois c’est le Président lui-même qui s’offusque de ces images qui, rappelons-le, ne devraient plus exister. Personne ne vient lui mettre le nez dans son indignité. On va punir des lampistes alors que c’est lui qui a allumé la mèche. Il faut être cohérent quand on se fait apprenti dictateur. Puisqu’il est interdit de filmer les forces de l’ordre, au nom de quoi, le patron viendrait-il condamner ses subalternes zélés sur des preuves qui n’ont plus lieu d’être ?
Notre nation a perdu tout sens du réel. La séquence que nous venons de vivre atteste de la nécessité absolue d’un regard extérieur. La police n’est pas à l’abri de dérapages tant la pression est grande, tant le climat est complexe, tant les conflits sont exacerbés. C’était le propre de la démocratie de disposer de contre-pouvoir n’en déplaise aux députés et aux ministres du monarque.
Et là, ceux-là même qui viennent d’abolir les garde-fous, s’appuient sur des images pour s’indigner, dénoncer des dérapages, mettre en accusation des lampistes et une fois encore tenter de tirer la couverture à eux. Mais qui a osé leur affirmer leur forfaiture alors qu’ils viennent de démontrer par l’exemple l’absurdité de leur loi ? Personne parmi ceux qui sont chargés de relayer l’information !
Ainsi continue la pantomime d’un pouvoir qui n’a aucune rectitude, aucune logique dans ses décisions et ses pratiques, aucune dignité ni amour propre. Les contradictions, les absurdités, les dénis se multiplient sans que quiconque ne viennedénoncer la farce dans la sphère médiatique. Que ceux qui nous gouvernent agissent par caprices, démagogie, turpitude ou calcul, mais qu’importe ; nous savons depuis longtemps leur vacuité. Il serait cependant bon que les journalistes leur renvoient impitoyablement leurs contractions et leurs magouilles honteuses à la face plutôt que de leur servir la soupe.
Exaspérément leur.