vendredi 12 décembre 2014 - par Michel DROUET

Investir dans le service public pour sortir du chômage de masse

Une bonne nouvelle : l’Etat dispose de 40 milliards d’euros destinés au pacte de responsabilité.

Autre bonne nouvelle : le Medef refuse toute contrepartie dans le cadre de ce pacte.

Conclusion : On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif et le gouvernement doit utiliser efficacement cette manne financière pour lutter contre le chômage et sortir de la crise.

Gattaz le provocateur

Avec son pin’s fabriqué hors de France agrafé à la boutonnière, il nous promettait 1 million d’emplois. Désormais, il ne veut plus entendre parler de contrepartie aux 40 milliards versé par l’Etat aux entreprises. Au passage il milite pour la dérèglementation du travail en proposant un sous smic alors que lui-même a augmenté sa rémunération de 29 % l’an passé.

Il nous propose donc rien d’autre qu’un remake de « prends l’oseille et tire toi » à l’instar de ce qui s’est passé lors de la diminution de la TVA dans la restauration En fait, Gattaz est le porte-parole des grands groupes qui profitent en général pleinement des accords signés et des financements qui vont avec, alors que dans le même temps des PME et des artisans sont à la peine et voient leurs carnets de commandes fondre comme neige au soleil.

Les 40 milliards sont de l’argent public

Ils proviennent des économies réalisées sur les dépenses de l’Etat et des collectivités locales et des recettes fiscales supplémentaires engrangées depuis que Bercy s’est aperçu qu’il devenait rentable de faire la chasse aux fraudeurs, notamment ceux qui détiennent des comptes non déclarés en Suisse.

Notons au passage que la fraude fiscale et sociale s’élèverait actuellement au bas mot entre 30 et 50 milliards supplémentaires ce qui donne des perspectives intéressantes en matière d’équilibre budgétaire et de réduction de la dette, à condition qu’on s’en donne les moyens.

Investir sur la seule initiative privée est une erreur

Quels seraient les effets des 40 milliards du pacte de responsabilité donnés aux entreprises sur la réduction du chômage et sur la croissance ? 

Le précèdent de la baisse de la TVA sur la restauration sous le règne de Sarkozy est éclairant : où sont les emplois crées ?

Il y a trois effets au versement de la manne publique : le premier consiste à embaucher mais on voit que cela est très limité surtout si les carnets de commande des entreprises ne se garnissent pas. Le second effet porte sur l’investissement destiné à accroitre la rentabilité de l’entreprise (et aussi parfois à supprimer des emplois). Le troisième effet bien connu consiste à toucher l’argent et à en reverser un maximum aux actionnaires et aux dirigeants des entreprises dont certains iront résider dans des pays fiscalement accueillants avec l’argent des contribuables français.

Au final, c’est-à-dire après que Gattaz nous aura affirmé mordicus que l’argent public aura permis de supprimer moins d’emplois que prévu, que nous nous apercevrons, mais il sera trop tard, que ce pacte de responsabilité est un marché de dupes pour les Français.

Sortir du dogme libéral en soutenant l’activité publique

A entendre les libéraux, les banquiers et la commission européenne, il n’est de bon investissement que privé, or que peut-on espérer des 40 milliards que le gouvernement s’apprête à donner sans contreparties formelles, surtout en terme d’emplois ? 100 ou 200 000 emplois au plus ? C’est-à-dire un rendement de la somme investie de seulement 10 % par rapport au million d’emploi promis antérieurement.

Le dogme en vigueur consiste à diminuer drastiquement la dépense publique pour favoriser l’activité privée. On voit que les résultats escomptés ne seront jamais là et que le faible taux d’activité de notre économie provoque de surcroit l’abandon de toute progression des salaires.

Il faut par conséquent réorienter ces 40 milliards vers l’investissement et l’emploi public.

Investir dans de l’emploi public, c’est être certain qu’il n’y aura pas de perte en ligne et que les milliards consacrés ne seront pas détournés de leur objectif par des patrons peu scrupuleux ou pas intéressés.

C’est également être certain que les sommes versées sous forme de salaires seront soumises à l’impôt et aux cotisations sociales, d’où une perspective d’amélioration des comptes sociaux, une baisse des prestations chômage versées actuellement et, par exemple, un recentrage des conseillers de pôle emploi vers le conseil aux demandeurs d’emplois.

C’est aussi de l’honneur retrouvé et des capacités d’avoir des projets de vie qui se concrétiseront par une demande auprès des entreprises (achat de biens et de services,…).

C’est enfin remettre en état des pans entiers de notre secteur public ou para public actuellement en déshérence : la police qui se plaint des commissariats délabrés et des véhicules pourris, les personnels soignants des urgences, la justice qui tarde trop souvent à la rendre, les services de l’inspection du travail de l’Urssaf qui doivent trouver leur place en matière de respect du droit du travail et du combat contre la fraude aux cotisations sociales, sans oublier les services chargés de combattre la fraude et l’évasion fiscale ou les crédits pour la recherche dans les universités.

Un part non négligeable de ces recrutements, rentables pour la collectivité, se traduira par des effets induits sur l’économie privée et lui permettra de se remettre à flots pour les plus en difficulté et enfin de créer d’autres emplois.

Enfin, toujours dans l’idée de doper l’activité privée, une part des 40 milliards aujourd’hui disponible devra être attribuée pour combattre l’exclusion et favoriser l’intégration : je pense à cet égard aux mesures d’accessibilité pour les handicapés sans cesse honteusement repoussées, à des mesures d’accompagnement de l’emploi de services pour les personnes âgées en établissement ou non, ou bien des financements d’emplois pour les associations qui favorisent la cohésion sociale dans les villes ou le milieu rural.

 

Il faut pour cela que nos gouvernants ouvrent les yeux, qu’ils fassent enfin le constat que la société se délite, qu’elle participe de moins en moins au barnum politique et que ce n’est pas en donnant de l’argent les yeux fermés que l’état du pays s’améliorera.

Pour compléter le dispositif, un coup d’œil sur les 60 Milliards actuellement distribués aux entreprises au travers les quelques 6000 dispositifs serait le bienvenu. Une étude sérieuse de l’impact de ce magma administratif satisferait certainement les entreprises qui se plaignent, à juste titre, des contraintes administratives qui leurs sont imposées.

Pas sûr que M. Gattaz soit d’accord avec ce qui précède, mais on s’en fiche : c’est l’intérêt collectif qui est en jeu, pas la somme des petits intérêts particuliers et financiers de quelques dogmatiques égoïstes qui plombent le pays. 



102 réactions


  • gogoRat gogoRat 23 décembre 2014 13:50

     Relancer les dépenses publiques.
    Voilà une belle pétition de principe. Ce qui importe, c’est comment, et pour faire quoi ?

     Merci d’avoir évité l’écueil et le tabou des statuts de la fonction publique. Mais quand le ciel est bas l’air vicié chassé par la porte revient par la fenêtre.

     Pour ce qui préoccupe concrètement un pourcentage significatif de Français, les détails de la mise en pratique de cette belle idée, se limitent quasiment dans ce texte à cette lumineux souhait :
    « un recentrage des conseillers de pôle emploi vers le conseil aux demandeurs d’emplois. »

     Savez-vous comment les « conseillers de pôle emploi » croient justifier l’autorité dont il s’arrogent pour prétendre « conseiller » les chercheurs d’emploi dans des professions dont ils ne connaissent rien ? - hé bien, ils vous diront classiquement que s’ils ont, eux, abandonné leur carrière initiale pour de sombres raisons pas forcément dues à leurs compétences, ils ont, eux, réussi à se faire embaucher par « pôle emploi » !
      Ce mauvais exemple, provocateur, n’a pas pour but « d’opposer entre eux les travailleurs du public et du privé » . L’idée est plutôt de montrer concrètement comment il ne suffit pas d’éviter d’évoquer le problème fondamental des statuts, (voire de cette idée foireuse que la fonction publique doive être incarnée par des citoyens pas comme les autres) ... pour donner de la hauteur à l’idée d’une « relance des dépenses publique ».

     Le fond du problème est humain et s’appelle honnêteté.

     Lorsque les Français prétendent vouloir une égalité en dignité et en droit, nous nous parjurons en refusant d’être cohérents.
     


  • gogoRat gogoRat 23 décembre 2014 14:02

    Une idée qui fait son chemin, (et qui est maintenant suffisamment présentée sur Internet pour que je n’aie pas la prétention de la détailler ici) peut utilement être évoquée ici par ces mots : "Revenu Minimun (donc inconditionnel) d’existence.

     Pour faire le lien avec l’impératif démocratique évoqué précédemment, juste cette remarque :
     - pour qu’il puisse y avoir égalité en dignité et en droit avec l’autre, il faut d’abord que l’autre puisse vivre


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