mardi 16 mars 2010 - par Musardin

Le bien public

Il est généralement admis que la détention de l’autorité publique implique pour ceux qui en sont revêtus le devoir d’en user dans l’intérêt général, pour le Bien Commun. L’intérêt du peuple doit guider leurs décisions, le Bien Public être la finalité de leur action. Ce rappel souvent fait aux détenteurs du pouvoir est une règle première et intangible elle pallie le risque de voir ceux qui détiennent une faible partie de l’autorité publique considérer celle-ci comme un bien propre. Ceci reste vrai pour les électeurs, puisqu’en théorie dans une démocratie ils exercent une magistrature, qu’il délègue à des élus qui ne sont que leur mandataires. Définir ce qu’est l’intérêt général pour qu’un magistrat et tout autre fonctionnaire s’appliquent à mettre en œuvre les moyens de le satisfaire est primordial. Mais également que tout citoyen ai les moyens de vérifier, que l’action de l’état aille bien dans ce sens...

1 : Le Bien Public1

Il y a longtemps que s’affrontent deux idées de la démocratie : directe et déléguée, une troisième est apparue sous forme d’une tautologie hypocrite : la démocratie participative dont je parlerais une autre foi. La démocratie directe est en principe le système idéal mais il devient difficile de l’appliquer lorsque la collectivité devient de quelque importance. La démocratie directe ne se pratique pas beaucoup dans les nations modernes sauf celles qui peuvent recourir au référendum et autres votations. Elle est très mal vue car soupçonnée de pouvoir donner lieux à des manipulations populistes, ainsi depuis le premier référendum de la 5ème portant de l’élection du président de la république au scrutin universel, jusqu’à la votation des suisses sur les minarets. Notons que les citoyens athéniens avaient déjà des sérieux problèmes avec les démagogues sur l’Agora, Socrate et surtout Platon et Aristote nous en ont parlé. Ne confondons pas l’intérêt du peuple et les revendications du peuple. Généralement lorsque le pouvoir utilise son initiative en matière de référendum c’est parce qu’il escompte bien que ses propositions seront validées par le peuple, lorsqu’il y a un doute et que ce dernier risque de mal voter on en revient à la bonne vieille ratification déléguée type parlementaire. Il y a pire, lorsque le peuple dit non à une proposition on passe carrément outre son avis comme lors du traité européen rejeté par plus de 55 % des électeurs et qui passe quand même en force lors d’une réunion en congrès des chambres. Le vote du peuple est donc trahi par toute la droite dite républicaine (sauf DLR) ce qui n’est pas étonnant mais également par les 2/3 du PS, ce qui réflexion faite n’est pas étonnant non plus. La démocratie déléguée est donc un palliatif qui présente deux inconvénients majeurs : la corruption des mandataires et la déresponsabilisation des mandants, électeurs.

1-1 Le bien public est-il une chose naturelle ?

Quel que soit le souci de son détenteur : l’intention civique ne suffit pas pour connaître sans erreur ce qu’est Bien Commun et les moyens d’y parvenir. Si la bonne volonté suffisait la politique serait chose simple, puisqu’il ne manque pas de bons citoyens et d’humanistes ; il n’y aurait d’ailleurs qu’une seule voie politique possible de bonne volonté générale, donc sans clivages politiques. Ceux qui n’adhéreraient à pas cette bonne volonté générale seraient dépourvus d’intention civique, ou ceux chez qui cette dernière serait trop faible pour contrebalancer leur souci de leur bien propre, les volontés de ces mauvais citoyens seraient éparpillées et sans incidence préjudiciable au Bien Commun puisque poursuivant chacune un but propre, dispersées, elles ne pourraient rien contre le monolithe cohérent et vertueux de la volonté collective.

Le regroupement de certaines de ces volontés particulières en collectifs pourrait finir par constituer des contre pouvoirs au collectif unique, tel qu’il ici défini. Ceci conduit si l’on pousse le raisonnement à l’extrême à un système de parti unique, un totalitarisme des civiques versus jacobin ou des dialectiques versus stalinien et aussi à diaboliser l’autre, les opposants, dont on ne peut même pas concevoir qu’ils se trompent de bonne foi, mais qu’ils sont forcément malintentionnés. En effet reconnaître à cet autre une intention civique, un patriotisme, un souci réel du bonheur du peuple, c’est vider la doctrine de son sens : cet autre qui juge autrement que moi est forcément méchant et simulateur. Dans nos systèmes démocratiques ont considère donc que tout citoyen et tout regroupement de citoyens peut être dépositaire du même souci du bien public, de la même dose de bonne volonté. Bien sur chaque regroupement qui prétend se soucier avant tout du bien commun, comporte en son sein de fortes tendances égoïstes et segmentaires.

1-2 Le bien public a-t-il une réalité objective ?

Qu’est ce que le bien commun ? Comment le définir puisqu’en fait nous en avons tous une acception particulière, c’est en effet un « quelque chose » qui peut être très nettement différent d’un individu à un autre, d’un collectif à un autre. On a ici l’impression de retrouver la querelle de ces universaux chers à la scolastique médiévale. Les universaux peuvent être assimilés aux concepts : « humanité », « universalité », « littérature » sont des universaux, des éléments abstraits ; « humain », « univers » « livre », sont des particuliers, donc des éléments concrets.2

La querelle des universaux se déroule au moyen age entre deux positions philosophiques :

A/ les universaux ne sont que des mots, des abstractions, qui n’ont d’existence que dans l’esprit de celui qui les forme au moyen des mots ou des noms dont on les désigne, c’est la thèse du nominalisme.

B/ les universaux sont des choses, ce sont des réalités, c’est la thèse du réalisme.

Abélard a cherché une position médiane : le conceptualisme, qui résulte de l’impossibilité d’attribuer un statut réel à l’universel pensé. Selon lui le réalisme aboutit à des contradictions : comment une essence humaine, universelle peut-elle se trouver toute entière dans un individu ? Chaque être est singulier et irréductible. Seul l’individu existe réellement et substantiellement, les hommes ont tous la même essence, mais cette dernière subit des modifications accidentelles, particulières, l’universel concerne les individus en tant qu’ils s’accordent sur le fait d’être homme. L’universalité entre les hommes ne peut être que de l’ordre du langage. Ce qui qualifie l’être humain, la biologie, le langage l’économie.

Essayons d’utiliser ces positions pour essayer d’identifier ce qu’est le bien commun.

Deux personnes qui parlent par exemple du Bien Commun puisque c’est le propos de ce midi, ne parlent pas d’un même chose, et aucune n’a tort en définissant le Bien Commun à sa manière à elle, puisqu’elle ne fait que dire : « pour moi c’est ceci le bien commun ». Dans ce cas lorsque l’on dit à un détenteur de l’autorité (qui a été mandaté pour cela en l’élisant) d’agir pour le bien commun, cela revient à lui dire « agissez comme bon vous semble », puisque chaque conception particulière à la même valeur. Ceci renvoi le détenteur de l’autorité à sa capacité de jugement de valeur et à sa cohérence propre, mais c’est un peu cours.

Tenter de contrer cette position en disant que l’on veut chercher le « vrai Bien Commun », me ferait accuser de subjectivisme et pour argumenter il nous faudrait quand même partir des prémisses nominalistes. C’est à dire admettre la subjectivité de nos idées du Bien Commun, mais en les rattachant à quelque chose qui puisse être compris de manière identique par tous, prenons par exemple : la France. Avec mes compatriotes j’ai le sentiment de mettre dans ce vocable un certain nombre de choses communes, ces choses sont à minima que : la France est circonscrite dans un territoire donné (bien que fluctuant il faut le reconnaître), constituée d’un ensemble d’individus qui ont des aspirations, frustrations et satisfactions, qui les expriment par des attitudes dans un cadre relationnel et qui interagit entre eux. Cet ensemble à « des émotions coïncidentes (lors des désastres nationaux), des actes actions simultanées (lorsque nous votons ou payons nos impôts) ou conjugués (lorsque nous combattons ensemble) la possibilité de ces mouvements collectifs fait la différence entre une collection d’individus et « un peuple ».3 De plus cet ensemble se trouve soumis à l’opinion internationale.4 Lorsque l’on dit vouloir le bonheur des français, qu’ils vivent bien ensemble, soient unis sur l’essentiel et soient admirés par les autres nations, tout citoyen sera d’accord, sur cette première acception du bien public. A ce stade oui : le Bien Commun dans ses acceptions différentes a une substance identique, se rapproche donc d’un universel. C’est bien évidemment sur le caractère généraliste de la définition que l’accord est obtenu, dés que l’on va préciser ces notions on va voir apparaître des différences et des divergences de définitions, une forme de subjectivité. Il n’en demeure pas moins que parler du Bien Commun, c’est parler de quelque chose de réel. Lorsque l’on dit que les membres d’une nation ont la capacité d’agir simultanément et/ou collectivement c’est un fait objectif. Les sociétés n’ont aucune âme que l’on puisse sauver ni d’arrière train que l’on puisse botter

1-3 Le bien public et son rapport au bien individuel

Les sociétés n’ont aucune âme que l’on puisse sauver ni d’arrière train que l’on puisse botter.5

Cette phrase amusante et concise illustre l’infériorité des personnes morales à l’égard des hommes. Particulièrement (comme Jonhson) si l’on croit que le christ s’est réincarné pour sauver les hommes et non le royaume de Judée ou l’empire Romain. Encore plus si l’on croit que l’homme est le déterminant et la finalité, l’alpha et l’oméga de lui même. Dans cette optique le gouvernement peut très bien considérer que le bien d’une collectivité est uniquement le bien propre des individus. La plus immédiate et la plus évidente des difficultés est : comment concilier les biens particuliers ? Si l’on définit le bien particulier comme résidant dans l’acquisition de la vertu, ou dans celle de la responsabilité individuelle, toutes deux idéalisées, cela est concevable. Mais peu réaliste, la nature humaine étant ce qu’elle est. C’est encore plus difficile si l’on considère que le bien individuel consiste à acquérir des choses rares, qui par définition ne peuvent être disponibles pour tout le monde : argent, honneur, terres, maisons luxueuses, bref des biens de consommations. Mais ce bien propre de chacun, est-ce celui que se représente les dirigeants ou celui que chacun s’imagine pour soi même ?

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Si nous considérons que l’individu doit être la finalité de l’action de ceux qui ont le pouvoir, on ne peut dénier à l’individu le droit de déterminer lui-même ce qui est bon pour lui et le bien dans ce cas réside donc dans la perception qu’il a de ce qu’est son intérêt. Il est évident que tous ces intérêts particuliers perçus vont entrer en conflit les uns avec les autres. Si le but de la puissance régalienne est de servir la satisfaction de ces intérêts perçus et si les membres de cette sociétés sont persuadés qu’ils ont le droit premier d’interpeller leurs dirigeants pour la satisfaction de leur bien propre tels qu’ils les perçoivent, les dirigeants vont être assaillis d’interpellations contradictoires. Chacune de ces interpellations si elle est aboutie lésera un autre intérêt. Si la finalité de l’autorité est de gérer et compenser les contradictions entre intérêts particuliers, dire qu’elle doit également servir ces mêmes intérêts amène à « encombrer le forum de leur vacarme ».

Dans cette situation la puissance publique devient un juge en permanente séance d’arbitrage, ou alors elle renvoie tout le monde dans ses cordes en se déclarant incompétente. En effet si elle veut juger, comment peut-elle arbitrer entre des biens particuliers si tous ces biens propres doivent être également défendus ?

Est ce que c’est la revendication la plus fortement ou brutalement affirmée qui doit gagner ?

Ou doit on faire en sorte que certains des plaideurs gagnent plus que les autres ne perdent ? Dans ce cas on est dans le compromis de la négociation mais pas dans une décision de puissance publique chargée d’un arbitrage qui a priori doit être également profitable à tous.

Faut-il renvoyer les plaideurs et au nom de quoi ? Si l’on affirme que la mission de la puissance publique est de servir les intérêts particuliers seulement lorsqu’ils sont communs à tous, cela revient à définir l’intérêt général comme la partie commune des intérêts particuliers. Mais souvenons nous que notre hypothèse première était que les intérêts particuliers sont des ressentis, or si l’on peut considérer que l’essentiel des intérêts des citoyens est constitué d’éléments collectifs, il n’est pas évident qu’ils en aient conscience. David Hume disait déjà que ce qui réunit est faiblement ressenti et que ce qui sépare l’est fortement. Nous sommes à ce stade dans une incapacité du pouvoir à agir.

Ainsi entre la foire d’empoigne et la cacophonie des intérêts particuliers ou l’extrême restriction des éléments régaliens nous sommes dans l’impasse.

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Venons en maintenant à l’hypothèse que si l’autorité publique est bien au service des particuliers, elle est également juge de ceux ci.

Se prétendre juge de ce qui est bon pour les autres est extrêmement hasardeux, dans le gouvernement des hommes, comme dans l’éducation des enfants : que d’erreurs, de maladresses ne commet-on pas ? Comme le gouvernant ne peut avoir une connaissance des biens individuels que chacun souhaite pour lui même, il est obligé d’élaborer une modélisation, de construire un citoyen idéal, un méta citoyen, ayant des caractéristiques qui en ferait un individu bon et heureux, ce modèle sera celui auquel pourront être ramenées les personnes réelles. Toute attitude s’écartant du modèle de conduite attendue sera considérée comme une déviance, tout ce qui ne concours pas à ramener l’individu réel à l’individu modélisé sera illégal. Ce type de société est celui de certaines dictatures, mais elle peut être également voulue par une majorité de la population. Il peut être fondé sur une glorification du passé et on est dans une société statique, ou un rêve d’avenir et amener des massacres de masse.6 Dans tous les cas il conduira à la persécution des déviants.

Conclusion l’autorité si elle sert les intérêts particuliers mène soit au désordre, soit à la dictature.

1-4 Le bien public est-il contenu dans la cohésion sociale ?

Chacun de nous lutte pour ses intérêts propres dans un ensemble qui est la société. La représentation que chacun de nous a de son intérêt est fortement influencée par le spectacle social. Les biens des autres inspirent nos aspirations, pour le meilleur et pour le pire, l’homme étant mimétique. On peut avoir pour modèle un saint, un citoyen parfait, comme le pire des individus ou un monstre d’égoïsme.7 Dans cette société qui est la notre l’individu peut formuler l’idée du bien pour lui même et même à priori le réaliser dans un cadre d’échanges et de coopérations avec les autres. La société lui fournit également les occasions de manifester son bien intérieur sous forme d’actes d’empathie et de solidarité, la possibilité d’acquérir des éléments de compréhension du monde par l’éducation, une élévation spirituelle, tant par la pratique de la philosophie et la mise en œuvre de ses principes positifs, que par l’acquisition de la connaissance de tout enseignement spirituel humaniste et la mise en œuvre de leurs préceptes.

Vivre ensemble dans un système organisé et organisant est donc indispensable au bien particulier de chacun et à sa réalisation d’humain. Contrairement à Hobbes et Rousseau je ne crois pas que l’état social soit un fait artificiel créé spontanément par les hommes. L’état social est une construction permanente et le refrènement du « Moi » et la prise du conscience du « Nous » sont indispensables au fonctionnement social, cette évolution est concomitante de celle de l’humanité. Il est difficile d’imaginer « une journée créatrice » lors de laquelle les hommes seraient passés de la barbarie à la civilisation, de la nature à la culture, pas plus que le marxiste que je suis ne croit à l’hypothèse du grand soir. On peut par contre cheminer avec d’autres penseurs :

Partant d’une définition : la civilisation est : « le fait pour un peuple de quitter une condition primitive (un état de nature) pour progresser dans le domaine des mœurs, des connaissances, des idées » 8

Poser l’hypothèse que « La civilisation n’est devenu nécessaire qu’à l’époque où les hommes, devenus trop nombreux pour vivre du produit de leurs chasses et de la pêche, sont obligés de se courber vers la terre pour en tirer leur subsistance. C’est alors que les lois, la subordination, les prestiges du gouvernement, deviennent indispensables.9

Hypothèse conjointe à celle que « C’est l’effet et le but de la civilisation, de faire prévaloir la douceur et les bons sentiments sur les appétits sauvages ».10

Et par ailleurs que cette civilisation est« un trésor lentement formé, c’est un legs. J’entends par civilisation les objets, les richesses créées, les institutions. »11

Il me semble que la conception et la création de la société n’ont pas été des actes conscients, par contre maintenir celle-ci, la perfectionner et pallier sa dissociation a été, est et doit être un effort constant et nécessitant de la conscience. Les penseurs que j’ai évoqué n’ont pas d’ailleurs définis quelle était la nature du bien que les gouvernants devaient défendre, comme si la seule mission qui leur incombait était la préservation du lien/nœud social et sa fondation perpétuelle. Je pose donc avec d’autres l’hypothèse suivante : le bien commun c’est l’état social et son progrès permanent.

1-5 L’état social doit-il être fondé sur la confiance de ses membres ?

Sans une confiance minimale de l’humain en l’humain, il ne pourrait y avoir d’humanité. C’est parce que l’humain peut compter sur la non agressivité de son semblable voire sur son assistance que l’homme a pu devenir l’homme. Nous sommes donc capables d’aménité, mais pas n’importe comment, ni envers n’importe qui, ni surtout sans réciproque.

Sauf les saints me direz vous ? Ben non : ils aimaient les autres pour l’amour de Dieu, pas pour eux mêmes.

Sauf les humanistes alors ? Pas beaucoup plus, leur (notre ? ) aménité ne se porte pas sur tel ou tel individu mais sur l’humanité, sur un universel et non sur des particuliers (on y revient), nous aimons tous cet universel et nous vomissons tous de nombreux particuliers...

A contrario c’est aussi parce que nous humains éprouvons de l’aménité pour des particuliers que nous sommes en mesure de l’étendre à des ensembles plus grands de particuliers, ou si vous le préférez à des segments plus restreints de l’universel, des groupes et des catégories d’individus.

Encore ces deux démarches, d’amour/aménité sont elles instituées par des réflexions humanistes, spirituelles, elles ne sont pas naturelles, mais culturelles12.

Nous avons besoin de relais, de pouvoir rattacher nos particuliers à un tout, un ensemble plus grand, que l’on peut ainsi aimer. C’est pourquoi nous sommes spontanément portés à avoir de la sympathie pour la famille, les amis, les concitoyens d’une personne qui nous est sympathique. Donc chaque fois que l’on élargit le cercle du « Nous », non seulement on pondère celui du « Moi », mais on renforce un système d’obligations réciproques, conscientes ou non, qui renforce la confiance mutuelle et améliore les relations humaines et par là les chances de réalisation du devenir humain. Mais on renforce également la prédictibilité du comportement de l’autre, ou l’on réduit les incertitudes de ce comportement comme vous voudrez. Cet autre c’est une multitude d’individus, de citoyens, d’agents libres agissant dans un système économique, dans lequel chacun essaie de réaliser son bien personnel ne l’oublions pas. Ils peuvent donc agir en poursuivant leur recherche de bien propre et moi de même, ainsi nous articulons notre action de manière réciproque sur l’action de l’autre et des autres.

Un élément de définition de l’état social ce pourrait être le degré de certitude réciproque que l’on a. Et donc, la connaissance mutuelle. L’étranger par contre c’est celui qui est incertain, imprévisible, dont la conduite est sans garantie. L’autorité publique de mon groupe me garantie en effet un minimum de choses, pas évidemment que mes entreprises réussiront, mais qu’elles se dérouleront dans un contexte normé et réglementé, d’obligations et de droits réciproques. Pouvoir se fier à autrui en général, au niveau de l’universel humain, donc dans un climat social empreint d’amitié et pouvoir prédire globalement le comportement du particulier humain ne définit pas complètement le Bien Commun mais en est un constituant fondamental.

1-6 Autorité politique et lien social

Définir et circonscrire la famille, voilà qui semble simple. Cependant ce que nous considérons comme étant la famille est aujourd’hui, en occident, un groupe de gens restreint par rapport à d’autres époques (pas si lointaines) dans notre culture et actuellement dans d’autres cultures où sont poussés très loin la conscience des degrés de parenté, de cousinage, (un synonyme de cousinage est ressemblance), donc de gens se reconnaissant entre eux comme semblables. La recherche, la conservation dans la mémoire et la restitution au groupe familial de ces éléments, comme le font souvent les vieilles dames est une très ancienne pratique qui a eu beaucoup d’importance pour le lien social. L’altérité étant ainsi compensée par l’aménité due à l’autre, le cousin, le semblable, qui contient un peu de moi, et moi qui contient un peu de lui.

L’amitié liant deux membres de familles différentes, établissait donc un lien entre deux chaînes familiales de solidarité et les amitiés de quelques personnes suffisent selon ce principe à établir des solidarités entre plusieurs milliers de personnes et permettre l’établissement d’une collectivité humaine, base des premières citées états de la Grèce selon Aristote. L’amitié précède l’organisation politique. Ces phratries, parentèles et groupes se sont progressivement désintégrés et refondus dans un ensemble de solidarités plus vastes : la citée. Il y a eu un moment où cette dissolution de l’immédiateté des liens et sa conversion en liens à la fois plus vastes et plus abstraits, a dû poser un problème conflictuel et nécessiter la formation de liens nouveaux. Ces liens dont la puissance évocatrice en terme de conscience d’appartenance à une collectivité, un « nous », devaient se substituer à et transcender la tangibilité des liens personnels, dans une parenté fictive. Les auteurs antiques établissaient la force d’une cité dans l’amitié de ces citoyens entre eux.

L’art de celui qui dirige l’état est donc de maintenir sa cohésion en favorisant les liens de solidarité et à ce titre il doit donner l’exemple en évitant toute brutalité envers le citoyen.

1-7 L’incertitude comme principe de dissociation

Il a été dit que le contrat est le fondement des Sociétés humaines. Chaque membre d’une sociétés est en droit d’attendre le respect de la parole donnée par un ou les autres à son égard et il leur doit la même assurance13 et l’état doit garantir la réalité de ces obligations réciproques et avoir les moyens de les faire respecter. Le lien social repose donc sur la réduction maximale de l’incertitude des comportements de l’autre ; L’homme social et civilisé doit pouvoir parier sur la conduite d’autrui, l’autorité assurant ces paris. Dans les sociétés antiques et traditionnelles les rituels, les dieux étaient les garants de ces paris. Ce type de société offre des garanties très fortes mais induit une tendance à la sclérose, telles ont été longtemps les sociétés brahmanique, juive, islamique la chine confucianiste. Le christianisme a énoncé l’émancipation du chrétien, son affranchissement de la Loi, d’un code de préceptes pour chaque circonstance de la vie. Il n’y a plus un corset d’obligations spécifiées mais le sentiment d’une Obligation qui devient le principe de sa conduite. Sortir d’un code de conduites tel que l’Ancien Testament et le Coran est particulier au christianisme, et dans celui-ci encore plus au protestantisme qu’au catholicisme, puisque cela revient à laisser aux puissances temporelles le champ de la législation et de la régulation des conduites sociales, d’élaborer et de construire le droit positif. Donc il en résulte que le christianisme a été bien favorable aux transformations du Droit et de la Société, et maintenant cette évolution se poursuit avec lui mais aussi et surtout avec d’autres formes de pensée. L’homme pense naturellement au droit comme « de moi » et à l’obligation comme « de l’autre ». Les conflits sociaux sont des affirmations de « mes droits » et « obligations de l’autre », ceci pour chacune des parties en conflit, elles sont appelées revendications par les uns modernisation de la société par les autres.

Situation nouvelle, idées nouvelles engendrent de nouvelles obligations d’autrui. La représentation de cette obligation de l’autre que je me fais n’est pas la même « en lui ». De ce fait l’incertitude va grandir, l’évolution de la société et sa transformation sont le problème de toutes les époques et formes de pensées, (même les révolutionnaires ont ont toujours envisagé une société immobile une fois rénovée). Toute obligation nouvelle est tension néfaste, au moins provisoirement au bien commun.

 

1J’emploie ici les termes de bien commun ou de bien public de manière indifférenciée.

2Oui je sais : même les particuliers peuvent être traités comme concepts pour beaucoup de philosophes, que celui ou celle qui me trouve trop réducteur fasse un travail là dessus !

3 Bertrand de Jouvenel « De la souveraineté à la recherche du bien politique  » éd Génin Librairie de Médicis 1955

4C’est volontairement que je n’évoque pas les racines communes, donc l’histoire : dans un pays dont un citoyen sur quatre compte au moins un aïeul étranger, l’histoire que l’on considère comme étant celle de ses ancêtres est protéiforme

5 Samuel Johnson « La vanité des désirs humains » Londres 1749 Citation extraite de l’ouvrage d’Alexandra Ionescu en ligne sur internet « Le bien commun et ses doubles, deux rencontres roumaines entre morale et politique »

6Dans ce cas il peut aussi être prétexte à promouvoir des intérêts particuliers, présentés comme de l’intérêt collectif : exemple la suppression d’une fiscalité progressive en fonction des revenus et du patrimoine, ou au contraire à abolir des intérêts particuliers présentés comme contraires à l’intérêt collectif ainsi qu’on peut le voir actuellement avec les atteintes aux acquis sociaux.

7Il doit être reconnu par l’athée que je suis que c’est ce qui rends le message évangélique sympathique dans l’absolu : la référence qui nous est donnée pour être imitée est un homme, de nature divine mais homme quand même, dont le message en terme de recommandations quand à la manière d’être, de conduire sa vie est parfaitement recevable... Tant qu’elle est formulée par homme et non par une divinité !

8Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (thésaurus)

9 Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pennsylvanie, t. 2, 1801, p. 210

10 Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 235.

11 Barrés, Mes cahiers, t. 2, 1898-1902, p. 98.

12Cependant, les plus récentes découvertes de la psychologie, de la sociologie et de la pédiatrie ont trouvée des preuves d’empathie et d’aménité chez le nourrisson à l’égard d’autres enfants.

13Rome avait un temple consacré Dius Fidius garant de la parole donnée



4 réactions


  • plancherDesVaches 16 mars 2010 17:37

    Excellent article.

    Si celui-ci pouvait amener des personnes à réfléchir... Gardons l’espoir en l’Humain.

    (tout à fait personnellement, cela ne sortira pas du oueb : les meilleurs système de démocratie qui ont pu fonctionner un peu avant de se faire récupérer étaient les systèmes les plus équilibrés c’est à dire tenant compte du contre-pouvoir dans toutes décisions ou faits des extrèmes...)
    (Comme disait le grand philosophe que je ne suis pas : tuer son contre-pouvoir est se tuer soi-même.)


  • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 16 mars 2010 18:29

    LA DEMOCRATIE, pour qu’elle permette les droits pour l’individu et pour le peuple, pour qu’elle assure la liberté individuelle et collective, pour qu’elle soit garante de l’harmonie, du bien être et de la sécurité au sein de la société, doit être : L’OBEISSANCE AUX LOIS ET NON AUX HOMME POLITIQUES.

    Il faut juste en finir avec l’idéologie des « droits de l’homme » et la remplacer par celle des « DEVOIRS DES GESTIONNAIRES DES AFFAIRES PUBLIQUES » pour s’appercevoir que les droits de chacun et de tous sont abondamment assurés !

    Voir mon article publié cet après midi en « tribune libre ».

    Mohammed MADJOUR.


  • Daniel Roux Daniel Roux 17 mars 2010 13:42

    Mon opinion est qu’il y a loin de la coupe du « monde idéal », aux lèvres du monde réel.

    Si nous regardons du bon côté du miroir aux illusions, nous constatons que les hommes au pouvoir confisquent et les moyens de conquérir le pouvoir et le pouvoir lui-même pour servir principalement leurs intérêts et ceux de leurs complices.

    Des textes existent, comme la Constitution, mais ne sont pas appliquées avec la complicité objective de l’opposition. Par exemple, il est expressément stipulé que c’est le gouvernement qui décide et mène la politique de la France. Lorsque le Président de la République, désigne le premier ministre comme son collaborateur et affirme haut et fort, que lui seul décide et que lui seul est responsable, personne ne moufte.

    La seule chose qui différencie actuellement les groupes au pouvoir et ses satellites financiers d’un groupe mafieux, c’est la maîtrise de la Justice et de la Force publique.

    Encore le refrain du « Tous pourris » direz-vous ? Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je ne digère pas l’affaire des vedettes de Taïwan, dont l’utilisation du barrage « secret défense » nous empêche de connaitre la vérité et de sanctionner les coupables dont le but était de s’enrichir.

    Et je ne digère pas non plus, l’affaire des sous-marins pakistanais, dont on connait grosso modo les tenants et les aboutissants, dont certains noms sont aussi impliqués semble t-il dans l’affaire précédente, mais qui ne semble guère avancer.

    Et je ne digère pas plus, l’annulation du référendum sur le TCE à Versailles, la ville de Monsieur Thiers, grand fusilleurs de communards.

    L’opposition et les médias ne me paraissent pas très revendicatifs sur ces sujets graves comme sur bien d’autres. N’est ce pas parce qu’ils font partis du problème ?


  • anty 21 mars 2010 11:23

    En France notre démocratie manque des contre pouvoirs sérieux et actifs comme c’est le cas aux’ E-U voir comme chez notre voisin Suisse.

    Les dangers dans une démocratie sont avant tout des groupes de pression qui fonctionne au nom d’une idéologie et beaucoup moins les groupes financiers comme semble croire certains agoravoxiens car ces derniers tôt ou tard allègent leur porte monnaie au profit de la société.

    L’opposition la plus sérieuse au gouvernement quel qu’il soit me parait être les religions un des pillier traditionnel de tous les peuples,les medias non muselés et non idéologiques,les associations de toutes origines et enfin le patronat et le syndicat.

    La France possède en apparence tous ces atout sauf que les religieux sont impotents et ne font plus corps avec la société les médias non idéologiques sont quasiment inexistants et ces derniers sont souvent riducules enfin le syndicat et le patronat font un travail insuffisant
    car soit peu écouté ou idéologiques iln’ya que les associations qui font un travail intéressant en France mais c’est insuffisant


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