Le rassemblement …
Une obsession nationale
Je vais tenter de rassembler mes idées à propos de ce terme qui a tendance, plus on l’emploie, à disperser les gens qui veulent se reconnaître en lui. Si l’éparpillement est un mal sans doute, l’unicité voulue implicitement par ce terme n’est pas garante de diversité et de nuance. Une seule tête, un seul pas, il y a bien des exemples passés pour nous faire froid dans le dos.
Certes, le rassemblement est nécessaire quand on vise une Assemblée de la docilité et de l’obéissance au chef suprême même s’il enferme ceux qui se rangent derrière lui entre deux barrières, des clôtures. C’est le syndrome moutonnier en somme, la volonté de l’uniformité. Ne confondons d’ailleurs pas avec l’uniforme ôté car bien au contraire, c’est souvent là, la volonté de faire appel à un ordre parfaitement militaire et belliqueux.
Rassemblons pour mieux nous ressembler, c’est sans doute l’idée sous-jacente qui exclut la différence, la repousse aux marges ou aux frontières. Le rassemblement se faisait et se fera peut-être au son glorieux du clairon qui appelle à la conquête et à la tuerie pour qu’un sang impur abreuve nos sillons. C’est terriblement inquiétant en vérité !
Ras sans blé, une perspective pour une France qui connaîtra la faillite à la fois morale mais plus certainement encore économique avec cette pensée castratrice et primaire. Après une tel rassemblement il ne nous restera plus qu’à fouiller le fond de nos poches pour rassembler le peu de monnaie qui nous restera. L’euro deviendra écu pour bien nous faire comprendre là où nous l’avons tous.
Race ambler, fait allusion à la démarche des quadrupèdes marchant à l’amble. Une certaine vision de l’évolution qui exclut certains de ce grand pas vers l’humanité sous des critères fallacieux. La récente cabale contre la jeune fille métisse qui incarnera Jeanne D’Arc à Orléans atteste que cette odieuse gangrène est toujours présente dans notre corps social.
Rat sans baie est une forme plus sournoise et approximative, celle qui ferme les ports et repousse les sans porc à la mer. Un rassemblement pour mieux tourner le dos aux autres, à tous les autres dès qu’ils sont porteurs d’une différence est un naufrage de l’humanité et des valeurs humaines. Je ne veux pourtant pas faire un procès d’attention à nos futurs rassembleurs, ils prétendent qu’ils changent de nom parce qu’ils ont changé.
Le Rassemblement a un synonyme que connaissent nombre de ceux qui partagent une même passion : la concentration. Soudain le vent mauvais de l’histoire vous glace les sangs. Il convient de vite lever le camp et éviter cette terrible perspective. N’ajoutons pas aux centres de rétentions si honteux des formes plus radicales qui ne manqueront pas de surgir des nostalgies de ce curieux rassemblement.
Nous eûmes droit à un Rassemblement pour la République si peu républicain que nous devrions marcher sur des œufs avant que de les mettre tous dans ce panier de crabes. Fort heureusement, leur accession au pouvoir sera encore semée de nids de poules, les vrais démocrates ne pouvant que faire front contre cette forme de plus en plus insidieuse de l’ostracisme général. C’est le renversement des termes, le front relève la tête, pas celui qui se voulait national mais bien le Républicain.
Quant à ce National, il sent si fort sa petite sœur Patrie que les relents du pétainisme s’imposent à mon imagination. Rassemblement patriotique eut été à bien des égards beaucoup plus proche des intentions et des finalités. Tous derrière le drapeau, au pas d’un volatile qui fait les yeux doux à la charmante dinde qui est à la tête de la grande cohorte des braves gens, leurrés par des solutions simplistes. Il est vrai que les mensonges et les trahisons des autres renforcent singulièrement ce légitime réflexe de solidarité des plus humbles.
Je m’aperçois au terme de ce texte que la dispersion conserve ma préférence. J’ai échoué dans mon objectif initial, mes pensées se sont éparpillées au fil des mots et des maux qui se profilent. La seule conséquence tangible sera sans doute de regrouper contre moi les tenants de cette illusion funeste.
Éparpillement mien.