lundi 10 février 2014 - par L’Audible

Le souverainisme

Dans sa « chronique encyclopédique », L'Audible passe au crible un mot ou une expression ayant une résonance singulière dans notre pays à notre époque. Aujourd'hui nous vous proposons un tour d'horizon du « souverainisme », dont nous avons parlé dans notre premier numéro.

Etymologie du mot souverainisme

Le mot « souverain » est attesté au Moyen-Âge dans le sens de « celui, celle qui détient le pouvoir dans une monarchie ». Par extension le mot signifie par la suite une « personne (monarche) ou ensemble de personnes (l’aristocratie ou l’ensemble du peuple) incarnant la puissance publique dans un État (monarchie ou république) ». le mot « souverain » a donné celui de « souveraineté » au XIIème siècle, dans le sens de « pouvoir suprême, incarnation de la puissance publique » . C’est dans ce sens qu’on retrouve le terme dans le troisième article de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 3 septembre 1791 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » Cet article marque théoriquement le transfert du pouvoir d’une personne unique (le monarque) à l’ensemble de la collectivité nationale (le peuple).

Apparition du mot souverainisme au Québec

C’est dans les années 60 et au Québec qu’apparaît le mot « souverainisme« . Depuis 1767 et la perte définitive de la « Nouvelle France » au profit de l’Angleterre, les citoyens de souche française doivent lutter contre les tentatives d’assimilation, et des lois contraignantes sur le plan religieux et institutionnel. Ces contraintes exercées par la couronne britannique entraînent la création de mouvements séparatistes comme celui des « Patriotes » au milieu du XIXème siècle, mouvements à chaque fois durement réprimés. La création de la confédération du Canada en 1867 accentue cette marginalisation, tout en divisant la communauté francophone en deux camps, celui des fédéralistes, et celui des anti fédéralistes. La voix du mouvement indépendantiste ne faiblit cependant pas, et en 1960, la « Révolution Tranquille » débouche sur plus d’autonomie pour le Québec, qui se dote d’un état providence, et peut privilégier le fait français. L’expression de « souverainisme« est alors utilisé par les Québecois comme euphémisme à la place d’ »indépendantisme » et de « séparatisme« , jugés trop tranchants. Il est à noter que c’est dans ce contexte de regain du « souverainisme » au Québec que le général de Gaulle, en 1967, prononce son fameux discours dans lequel il déclare : « Vive le Québec libre ! ».

 Développement du souverainisme en France

De façon frappante, c’est pour des raisons identiques que se développe le mouvement souverainiste en France, parallèlement au développement de l’Union Européenne. Les souverainistes français s’opposent au fédéralisme européen. Les premiers, appelés souvent « eurosceptiques », redoutent une dissolution de l’identité de la France et un effondrement de sa marge de manœuvre politique, financière, et diplomatique, au profit d’un état fédéral européen qu’ils jugent incertain et anti démocratique ; les seconds sont disposés au contraire à abandonner la souveraineté nationale au profit de cette entité. Certaines analyses sont encore plus sombres :

 Le mouvement souverainiste en France

Peuvent être considérés comme des partis souverainistes : « Debout la République » de Nicolas Dupont-Aignan, le Front National de Marine le Pen, l’Union Populaire Républicaine de François Asselineau, le Centre Royaliste d’Action Française, le Mouvement Républicain et Citoyen de Jean-Pierre Chevènement, enfin le Pôle de Renaissance Communiste en France de Georges Gastaud. Le souverainisme est donc défendu par des partis minoritaires, peu médiatisés, ou situés à l’extrême droite ou à l’extrême gauche de l’échiquier politique, ce qui rend improbable pour l’instant l’unification de ces branches dans un mouvement unitaire. Certains souverainistes commencent cependant à plaider pour une alliance trans-courants, construite autour des valeurs du Conseil National de la Résistance, qui vit à la fin de la Seconde Guerre Mondiale gaullistes et communistes s’asseoir autour d’une table pour jeter ensemble les bases de la refondation française. Le NON au référendum sur le projet de constitution européenne en 2005, peut être considéré comme la seule circonstance à ce jour dans laquelle les différentes branches du mouvement souverainiste français se sont retrouvées à combattre dans le même camp.

Les deux grands partis politiques français, le PS, et l’UMP, malgré des discours de façade dans lesquels ils déclarent se soucier avant tout de l’intérêt national, sont très majoritairement fédéralistes, et hostiles aux idées souverainistes. La ratification par voie parlementaire du traité de Lisbonne (annulant de facto le NON exprimé par le peuple français par la voie des urnes), ou plus récemment du Mécanisme Européen de Stabilité (MES), donnent une idée assez éclatante de la conversion des élites politiques françaises au fédéralisme européen.

La marginalisation des idées souverainistes est accentuée par le fait qu’elles sont systématiquement associées au Front National, le plus important parti de France à porter ces idées. Les dirigeants de ce parti tiennent fréquemment et ouvertement des positions xénophobes, et les grands médias français ont fait le choix, à l’unisson et depuis des décennies, de le couvrir sous cet angle exclusif, pour le réduire à une entité diabolique. Le souverainisme est ainsi artificiellement amalgamé à des idéologies ultra pénalisantes

 Le mouvement souverainiste en France, un destin à la québecoise ?

Revenons pour finir sur l’origine québecoise du mouvement souverainiste. Jusqu’à quel point la situation des deux pays est-elle comparable ? Certains, comme le professeur Denis Monière, de l’université de Montréal, n’hésitent pas à aller très loin dans le parallèle : « Par une ruse de l’histoire, l’histoire du Québec annonce peut-être l’histoire à venir de la France. Autrement dit, le Québec a peut-être un siècle d’avance sur le destin de la France en ce sens que le Québec a vécu depuis la mise en place de la fédération canadienne les conséquences de l’étiolement de la souveraineté et c’est cette situation qui pourrait caractériser l’avenir de la France au tournant du millénaire où se profile l’institution d’une fédération européenne. « 

Il est sans doute trop tôt pour vérifier la pertinence de cette prophétie ; maintenant, il est indéniable que le transfert accéléré de pans très importants de la souveraineté française vers un état fédéral européen est un événement historique qui n’a rien d’anodin et qui pose forcément question.

 

François Belliot, pour l'Audible

 



10 réactions


  • non667 10 février 2014 19:40

    à l’audible
    « Debout la République » de Nicolas Dupont-Aignan, l’Union Populaire Républicaine de François Asselineau, le Centre Royaliste d’Action Française, le Mouvement Républicain et Citoyen de Jean-Pierre Chevènement, enfin le Pôle de Renaissance Communiste en France de Georges Gastaud

    en 2002 on n’a pas entendu ces «  depuis peu » (souverainsites) ! (fn =1972).
    Qui ne dit rien consent ! ,ils ont donc contribué au succès de l’anti souverainiste chirac et renforcé la diabolisation injustifiée du fn !
    dévoilant ainsi leur vrai nature ,a l’exemple d’ asselineau : ses attaques contre le fn montrent qu’il est une taupe du N. O .M.
     destiné (toléré/financé ) a diviser les souverainistes et grapiller quelques % au fn , au même titre que les « souverainistes de mes 2 » qui n’ont pas les c....lles pour inclure dans leurs programmes l’arrêt de l’immigration : dupont gnangnan ,de villiers ,.............

    bien juste de ne pas inclure dans les souverainistes le fdg ,melanchon étant par ses discours clairement « les étrangers d’abord  » !


  • Captain Marlo Fifi Brind_acier 11 février 2014 11:41

    à l’auteur, 
    Il y a d’autres analyses et classements possibles :
    * Les Mamamouchis européistes, plus ou moins fédéralistes :
    PS- UMP - UDI- et les Verts.
    -------------------------------------------------------------------------
    * Les défenseurs « d’une Autre Europe », qui ne remettent pas en question le principe même de la construction européenne, veulent renégocier les Traités, et se font forts de transformer le crocodile en végétarien :
    * le FN est le plus important.
    Les Chevènementistes, Debout la République, certains groupuscules d’ Extrême droite, ou gauche : NPA, LO, FDG.

    Ils ont tous en commun qu’ils veulent « changer l’ Europe ». Et s’ils veulent en sortir, c’est pour y rerentrer aussitôt pour « Une AUTRE EUROPE ».
    Pas celle là, une autre.
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    * Et des organisations qui sont contre toute construction européenne, quelle quelle soit, et veulent en sortir, et définitivement.

    Sortir de l’ UE, de l’euro et de l’ OTAN. Ils font référence au CNR, mais ne sont pas encore d’accord sur la manière d’en sortir.

    C’est l’UPR d’ Asselineau, le Pôle Renaissance Communiste en France, le M’PEP, les Clubs Penser la France et le Front Syndical de classe.
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    Mettre dans le même panier les deux dernières catégories serait le rêve des Mamamouchis et de l’extrême gauche.

    Ils passent leur temps à diaboliser le FN pour traiter les derniers de fachos, les déconsidérer et empêcher les électeurs de voter pour eux.

    Votre texte ne permet guère d’éclairer cet aspect des choses.

    Non 667, se plaint que l’ UPR critique le FN, à juste titre.
    Il est l’idiot utile du système qui ne comprend pas le rôle qu’on lui fait jouer.

    Le FN joue un rôle malsain et consentant, dans la vie politique française.
    Il est chargé de salir toute idée de souveraineté, pour décourager toute sortie de l’ UE et de l’euro.
    Moscovici vient ainsi de traiter Jacques Sapir « d’économiste d’extrême-droite »,
    ce qui est une pure manipulation, mais montre bien l’usage électoral qui est fait du FN.

    Il conviendrait, sans nul doute, aux Mamamouchis, qu’une alliance noie ceux qui veulent sortir de l’ UE et ceux qui veulent la réformer....

    Il n’en n’est pas question.

    Pour l’ UPR du moins, il y a des conditions très précises pour faire une alliance :

    * Vouloir sortir légalement de l’UE, de l’euro et de l’ OTAN par l’article 50.

    * Avoir dans son programme des éléments précis de progrès et de justice sociale

    * Viser à rassembler les Français en rejetant tout débat clivant, comme l’immigration.

    * Avoir une éthique comportementale, ne pas tenir des propos différents en fonction du lieu, de l’auditoire et du moment.

    Programme de Libération Nationale de l’ UPR.


    • jaja jaja 11 février 2014 12:30

      Sortir de l’Union européenne (UE) sans abattre le capitalisme c’est placer les travailleurs de ce pays sous la domination de l’oligarchie capitaliste... Ce qui ne change rien pour eux...C’est déja le cas aujourd’hui... Car toutes les décisions actuelles prises à Bruxelles se font en accord avec la Bourgeoisie de ce pays, même quand la France est sanctionnée elle se réjouit de voir la Sécurité sociale (au sens premier) voler en éclats et les mesures « libérales » imposées par les commissaires...

      Les traités européens ne sont pas, pour le NPA, à « renégocier » comme vous le dites sans cesse au mépris de la vérité, mais à dénoncer unilatéralement. Un éventuel gouvernement des travailleurs qui exproprierait les gros actionnaires, socialiserait toutes les banques et refuserait de rembourser la dette, quelque part en Europe, violerait toutes les lois européennes. Il serait exclu de l’UE et de l’Euro.. Mais il pourrait espérer que son exemple face tache d’huile au moins dans un certain nombre de pays...

      Fifi vous êtes fatigante de reprendre sans cesse les arguties de votre mentor Asselineau, sans tenir aucun compte de ce qui vous est dit ici de la ligne suivie par le NPA et de vous obstiner à parler de « renégociation » pour un parti qui sait bien que le changement se fera par la rupture, sans doute brutale, avec les lois et institutions qu’elles soient européennes ou nationales...

      La voie légale de sortie, par l’article 50 étant une utopie totale, tant que la bourgeoisie capitaliste n’est pas elle-même décidée à quitter l’UE, et que les médias à sa solde continueront leur propagande ce qui fait que ses représentants politiques sont élus, élections après élections, depuis plus d’un siècle...


    • Sylvain62 11 février 2014 16:08

      Seulement, représentant du NPA, la bourgeoise ceci ou cela c’est bien beau mais ça relève de l’idéologie là où l’UPR propose une sortie juridiquement faisable et j’en sais quelque chose, c’est mon domaine de spécialité.


      Les formules, l’idéal, la politique c’est bien beau mais votre parti devrait s’apercevoir qu’on ne change pas le monde avec des formules et en clivant une société toute entière. Vous n’arriverez jamais à rien si vous ne parvenez pas à convaincre ceux qui vous lisent qu’il en va de leur intérêt avant toute considération politique. Une société c’est un prisme de sensibilités politiques divergentes réunies autour d’un tronc commun culturel.

      Il y a des sujets sur lesquels tous les français peuvent se retrouver, la sortie de l’UE en est un, de moins en moins occulté par l’autisme des médias grâce aux débats et à l’internet.

      Moi j’ai fraternisé au cours de mon cursus universitaire avec un frontiste militant catholique et un anarchiste, on discutait, on débattait, moi plutôt droiteux. C’était autre chose que la foire d’empoignes ridicules, ce spectacle de guignols que nous offrent nos politiciens sans envergure qui pourrissent la société de leurs débats inutiles alors que derrière ils servent bon gré mal gré des intérêts extérieurs. 

      Ce qui distingue l’UPR du NPA c’est justement que l’UPR n’a pas de couleur politique à proprement parler (certains disent « de droite ou d’extrême droite » mais ceux là ne connaissent visiblement pas la constitution et la définition de « souveraineté ») et que l’on fédère, on ne divise pas, on ne discute pas des orientations droite/gauche à l’exception de celles que l’on sait provenir de plus haut parce que ce ne sont pas les leurs. On critique mais on ne verse pas dans l’injure, dans le débat de caniveau, dans les histoires de fesses des uns et des autres et c’est tout ce que j’attends d’un parti politique sérieux. L’intelligence des débats.

      L’intérêt il vaut pour tout le monde, NPA compris qui aurait bien plus à gagner dans un pays souverain à représenter ses idées que dans un pays vassal qui suivra de toute manière une politique européenne. Pas besoin d’avoir fait science po ou une fac de droit pour comprendre ça.

      Que l’on y retrouve des gens de toute catégorie unis par le même besoin, urgent, de redonner à la France et aux français la souveraineté que certains n’auraient jamais dû prêté aux instances européennes. Pour qu’un débat ait du sens il faut que toutes les cartes soient en jeu, vous devriez pourtant vous en rendre compte.

  • Captain Marlo Fifi Brind_acier 11 février 2014 11:52

     Pour en revenir au mot -valise du « souverainisme » il ne convient pas à la situation.

    Il y a tous ceux qui reconnaissent la construction européenne, comme un fait incontournable, avec plus ou moins de changements et proposeront tous « Une Autre Europe », plus sociale, plus démocratique, plus fédéraliste, plus ceci et moins cela.

    «  Recette pour neutraliser la colère des Français : leur promettre une Autre Europe ».

    Et ceux qui n’en veulent plus. Plus du tout.


  • soi même 11 février 2014 12:39

    Pourquoi ne pas dire la Souveraineté, mot plus proche de la réalité profonde du peuple, qui ne génère pas de position radicale et qui englobe tous ses partis !


  • Sylvain62 11 février 2014 15:48

    Le souverainisme est inscrit dans notre constitution, cela s’appelle la souveraineté populaire et l’indépendance de la Nation, bafoués, foulés des deux pieds par des traîtres à leur patrie depuis des décennies, il y en a même un qui menace de faire sa réapparition en politique. 


    Ce que veulent les souverainistes c’est l’émergence d’un parti neutre sur les questions politiciennes en vue de mener une politique de réattribution de la souveraineté à la France, ce qui redonnerait tout son sens au débat national et tout leur pouvoir d’orientation aux politiques élus. Ensuite une fois la France sortie de l’UE, c’est aux français qu’il reviendra de décider de la politique à donner à leur pays, cette fois-ci sans ingérence bruxelloise. 

  • ELCHETORIX 11 février 2014 17:19

    oui tout pour un souverainisme de Gauche à la GAULLIENNE .
    Cette europe n’est qu’un cauchemar éveillé  !
    Résistance et combat contre Bruxelle et sa commission constitué de ploutocrates non élus .
    Quant à ce parlement , ce machin à dissoude , cela fera des économies tout comme le parlement national qui ne sert à rien , sauf si on élisait des députés à la proportionnelle tout en éliminant le sénat refuge doré des « politiciens » HAS BEEN .
    Résistance au NOM !
    RA.


    • Sylvain62 11 février 2014 17:52

      Oui pour un souverainisme tout court. Vous n’en avez pas marre d’obliger 50% de la société à se placer politiquement en retrait par rapport à une autre ? 


      2017 pourrait devenir l’année du grand rassemblement du peuple contre la technocratie bruxelloise mais pour cela il faut d’abord sortir la tête du clivage entretenu par nos prétendues « élites ».

    • ELCHETORIX 11 février 2014 20:04

      Disons que pour l’histoire contemporaine , je prends comme référent le Général de GAULLE qui pour moi restera un grand homme dans notre histoire contrairement au machiavélique le MITTERAND ou le françois actuel !
      Autrement oui un souverainisme basé sur la réconciliation et l’égalité comme le site de SORAL que j’apprécie .
      Quant à moi , intellectuellement proche du CHE GUEVARA( pour sa lutte et ses idées ) , j’ai fait un grand pas puisque proche du patriote le Général de GAULLE pour son action et ses idées ( pour résumé , il était pour une troisième voie entre l’empire occidental et l’empire soviétique ) .
      Résistance !
      RA.


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