jeudi 17 décembre 2020 - par C’est Nabum

Manifestement

L’imposture de l’heure.

Il y a ceux qui se rendent à la manif comme s’ils allaient à une cérémonie, pas tout à fait religieuse mais quand même. Ils se parent de leurs habits sacerdotaux, préparent les bannières et les chaises portatives. Ils y retrouvent de vieux camarades, moins nombreux au fil des années, même si la même foi brûle en eux. Ce sont les fidèles d’une liturgie immuable à laquelle ils adhèrent sans jamais remettre en cause le dogme sacré : « Pour s’opposer, il n’est que de manifester ! »

Ils se retrouvent derrière leurs couleurs car il y a des chapelles différentes, des sensibilités qui ne disposent pas tout à fait du même catéchisme, des mêmes icônes, de la même croyance en la victoire éternelle du prolétariat. Les uns vouent au diable le grand capital, d’autres rêvent d’un jugement dernier qu’ils nomment le grand soir, certains se prosternent devant Gaïa, tous ont un Satan en tête, sans que ce soit nécessairement le même.

Leurs chants sont moins mélodieux que dans les temples, la rue impose de crier fort pour se faire entendre. Il n’y a pas de rituel précis, la plus grande cacophonie règne en fait dans ce vaste serpent hétéroclite qui se meut péniblement sans parvenir à se compter vraiment. C’était jusqu’à il y a peu le seul enjeu majeur du rendez-vous : faire nombre pour éventuellement faire poids.

Au fil des années, cette éventualité a fini par sombrer dans l’indifférence des pouvoirs publics tout en exaspérant ceux qui, de plus en plus nombreux, se désolidarisent de ces mouvements d’humeur qui entravent la liberté de circuler, de commercer, de flâner, de dépenser à sa guise. Tout cela ne serait pas trop grave si des esprits retors n’étaient venus jeter de l’huile sur les braises de la contestation qui bat le pavé...

Ceux-là sont nombreux, plus nombreux sans doute que les survivants de cette espèce en voie de disparition. Ils ont pris le pli de profiter de l’aubaine pour jouer leur propre partition, sans jamais le faire à visage découvert. Qui sont-ils vraiment ? Il n’est pas simple de se repérer dans ce maelström confus, mouvant, insaisissable et diffus même qu’un préfet n’y retrouverait pas ses petits. L’habit ou la tenue en la circonstance ne faisant pas le tri entre le bon grain et l’ivraie puisque la confusion est la règle de toutes les manipulations en la matière.

En tout premier lieu il convient de souligner que le service d’ordre ancestral des cortèges d’autrefois a du plomb dans l’aile. Beaucoup ont fait valoir leur droit à la retraite, les gros bras ont passé la main, s’appuyant désormais sur la police pour faire le travail. Là est la première grave erreur car de son côté, les force de l’ordre n’ont pas, en la matière, la même notion de l’ordre. Surtout, il y a dans leurs rangs quelques tenants d’une idéologie radicale qui ne voient pas d’un mauvais œil les débordements et jouent le pourrissement pour faire gagner leur couleur.

Il faut ajouter la stratégie réfutée certes mais très présente des éléments infiltrés qui sèment le doute pour récolter la tempête. Cette stratégie indigne d’un corps d’état n’est pourtant pas nouvelle et semble avoir pour effet de vider les cortèges avec une efficacité indéniable. Il y a surtout cette frange de la société qui n’a d’autre but dans l’existence que piller, casser, blesser dans la haine absolue de ceux qui ne vivent pas comme eux. Qu’importe le nom qu’on leur donne, ils sont la plaie purulente que rien ni personne ne peut empêcher de nuire.

Partant de ces constats sans doute un peu rapides, la question essentielle devrait être la pertinence de maintenir une forme de contestation qui de plus en plus se retourne contre ses initiateurs. Penser la protestation autrement que par ce rituel dépassé est une nécessité absolue : les ronds points illustrèrent magnifiquement cette évidence. L’accumulation des images de guérilla urbaine ne sert qu’un camp, qui attend sournois et patient son heure. Il se trouve sans doute dans les rangs du pouvoir des responsables tentés par des méthodes encore plus dures, mais ceux-là finiront un jour par rejoindre le camp de la haine.

Rien hélas ne permettra de changer les représentations. Les manifestants continueront de manifester, n’ayant pas d’autres perspectives dans un logiciel totalement dépassé. Ils tendent ainsi la perche qui fera perdre la démocratie à une police qui obéira toujours à des ordres jetant de l’huile sur le feu. Quant au pouvoir, il ne cessera jamais de pactiser avec le diable pour se maintenir en place tandis que les hordes sauvages n’ont que faire de toutes ces questions. Ces monstres sont la face sombre d’une société qui a oublié d’accorder une place à chacun.

Désespérément vôtre.

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13 réactions


  • juluch juluch 17 décembre 2020 11:30

    ayant fait du syndicalisme à un moment donné de ma vie, j’ai pu côtoyer ces gens là.

    Quelque soit la contestation, quelque soit le pouvoir en place on retrouvait les memes.

    Les memes chants, les memes slogans...bref des pro de la manif’....Ca me faisait rire et je ne supporter pas ces gens là.

    Pourquoi j’y étais ?

    Parce Qu’il fallait se faire remarquer, se faire voir par les dirigeants syndicaux, c’était une messe, un rituel....et ça me gonflé grave !

    voir tous ces débiles chanter l’internationale, les anciens coco, les nouveaux progressistes totalement farfelus....pfff !

    a présent se sont les groupuscules gauchistes qui foutent le boxon avec appui de vidéos souvent tronquées.

    a fuir !


    • Le421... Refuznik !! Le421 18 décembre 2020 08:49

      @juluch
      Il faut donc, de toute urgence, supprimer le droit constitutionnel à manifester.
      Rassurez-vous, ce droit n’est plus que peau de chagrin et le faire, c’est « à vos risques et périls »...
      Belle république que vous nous amenez.
      Pas de contestation, pas d’opposition, tout le monde derrière le chef.
      On appelle ce système comment, déjà ? J’ai un trou de mémoire...
      Je sais que ça finit en « ture » mais je ne me souviens plus.

      Rien n’a changé en fait, en 42, les gens comme mon père était ramenés au rang de « terroristes »...


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 décembre 2020 19:14

      @juluch

      Réflexe conditionné 


    • juluch juluch 18 décembre 2020 22:24

      @Le421
      pensez se que vous voulez...je relate du vécu et le syndicat était bien connu

      J’ai pu me faire une idée de « la base » et des « permanents »...

      on est loin des revendications de Jaures.

      chacun de ces syndicats à partir d’un certains niveaux se gave, suffit de voir les scandales de pots de vin ou les salaires mirobolants payés par les syndiqués.

      pour info mon paternel fut résistant et déporté.


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 17 décembre 2020 11:36

    Bonjour nabum. Observons la couverture de THE Economist de 2017. w.google.com/search ?q=The+economist+2017&sa=X&tbm=isch&source=iu&ictx=1&fir=GHz2e3tLm8MPjM%252CYYtg_hcbrgS5aM%252C_&vet=1&usg=AI4_-kRU8PYjf9Sihww924X8L85gLR3z7Q&ved=2ahUKEwiTnKCn5dTtAhVB-qQKHbNMA-4Q9QF6BAgOEAE&biw=1280&bih=695#imgrc=To5zIYLAxk94IM. L’iamge me semble claire. Cette foule jaune ressemble à de la bile (qui dans les humeurs selon les anciens représente la colère). Colère morcelée sans cohésion. ET au dessus de la foulée, l’HERMITE et sa lanterne qui observe la foule : LA SOLUTION n’EST PAS A l’EXTERIEUR, mais à L’INTERIEUR. Le colére est toujours causée par l’injustice, l’envie (en vie). Mais si tu acceptes dé décrocher à l’envie, le monde extérieur auquel tu te compares. LE véritable trésor se trouve en TOI. ET LA MIERE FUT. 


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 17 décembre 2020 11:38

    ET LA LUMIERE FUT. 


  • Octave Lebel Octave Lebel 17 décembre 2020 12:49

    Je ne pense pas que vous songez à ce que je vais évoquer mais je trouve utile d’en parler quand même.

    Il y a une infinité de types de manifestations parmi celles qui relèvent de la protestation.

    Ne négligeons pas la première raison qui est que toutes les portes de la discussion se trouvent trop souvent fermées ou que nous sommes méthodiquement conduit dans une impasse.

    Que les enjeux à bien y regarder sont souvent terribles. Un emploi et la dignité qui va avec, la vie d’un territoire que l’on brutalise ou abandonne, une loi imposée par une minorité qui tient son pouvoir d’une mascarade électorale qui sans la mise en scène des médias n’aurait pu aboutir. Qui a fait l’objet d’une motion de censure défensive à priori lors des législatives (abstentions +nuls et blancs=62%).

    N’oublions pas nos concitoyens qui refusent que l’organisation des retraites soient décidés sans autres discussions que celles portant sur les aménagements intérieurs, qui réclament effrontément que l’ensemble des données soient mises loyalement sur la table. Qui ont donné beaucoup de leur temps et de leurs revenus pour que les mots travail et travailleur demeurent des mots nobles associés à respect, dignité, responsabilité, initiative, sentiment d’utilité, accomplissement, solidarité.

    Ne comptons pas pour rien non plus les capacités d’organisation et de résistance qui s’entretiennent et se forgent dans les combats menés qui ont recours souvent par nécessité à la manifestation et qui sont des ressources non négligeables lorsque les oligarchies ont entrepris d’enfermer nos aspirations démocratiques dans un légalisme qui justifie leur étouffement.

    Pensons aussi que, quand tout va mal, que les issues se ferment, c’est un refuge contre le sentiment d’impuissance, la résignation, la solitude et la peur, un sursaut de dignité et un avertissement.


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 décembre 2020 19:15

      @Octave Lebel

      À ces manifestants opiniâtres ...

       





        D’aussi longtemps qu’il m’en souvienne, je n’ai jamais goûté ces longs serpents bigarrés qui déambulent dans les rues de nos villes au rythme de phrases toutes faites, à la poésie douteuse et à la scansion si peu mélodieuse.

        Mon vieux fonds de misanthropie, s’il me permet de coucher quelques billets acides, m’interdit de naviguer à mon aise dans une foule qui revendique une colère légitime que je partage mais que j’exprime différemment.

        En ce premier mai d’exaspération, j’ai souhaité mettre mes actes en conformité avec mes écrits et me suis approché de cette place de Loire où se rassemblaient toutes les composantes de notre colère locale.

        L’attente me fut agréable ; conversations amicales, poignées de main chaleureuses, saluts discrets d’une connivence qui fait du bien, petit brin de muguet et tract intégré. Puis, la partie clanique repris le dessus. Les drapeaux se déroulaient et se rassemblaient dans un souci de cohérence chromatique. L’entre-soi est une règle qu’il faut respecter par les truchements de ces couleurs identificatrices.

        Le rouge se distingue plus que partout ailleurs. Il se décline dans toutes ses composantes plurielles. Il se pare de sigles ou de symboles forts qui se suffisent à eux-mêmes. Il se joue des différentes nuances de la palette et s’essaie aussi à l’orange. Le bleu fait un peu tache. Une recherche d’originalité qui marque une indépendance de vue. Les drapeaux semblent plus récents … Une minuscule tache verte atteste qu’une idée qui fait son chemin n’emprunte pas nécessairement le chemin du défilé classique.

        L’oriflamme vole au vent de Galerne. À Cenabum on n’aime rien autant que brandir l’étendard : un atavisme local que je ne partagerai jamais. Même dans un stade, cet affichage des couleurs m’insupporte. Tout ce petit monde s’organise sous la sympathique onction des forces de l’ordre républicain.

        Le cortège s’ébroue, les incontournables sonos se règlent et déversent déjà des décibels qui compenseront les absents qu’on ne compte plus. Les couleurs s’avancent en paquets homogènes. Elles prennent soin de maintenir un espace de sureté entre elles avec des banderoles : parapets idéologiques. Il faut se garder de cette unité qui diluerait les différences !

        Le P.S., certain que prochainement tout ce petit monde finira par le rejoindre pour porter l’estocade finale, ferme la marche. Il démontre une curieuse conception du rapprochement !

        Les animateurs patentés sortent leurs fiches pour entamer la danse des microphones. Les slogans du jour sont scandés sur des rythmes peu différents de ceux de nos stades. Ce « Tous Ensemble – Tous Ensemble ! » pourrait parfaitement venir d’une association dissoute.

        Le serpent est parti à un train de déambulateur. Je n’ai pu me résoudre à partager sa lente reptation urbaine. Je n’ai pas de couleurs à brandir ni l’envie de répéter quelques stances si maladroites dans la forme. C’est trop sage, c’est trop policé, c’est trop organisé. C’est sans doute anachronique ; je ne vois pas beaucoup de jeunes dans cette manifestation rituelle.

        La foule demeure une barrière infranchissable, je m’en retourne à mon clavier déverser ma bile et mon amertume de ne pas me reconnaître dans cette forme de contestation pourtant si utile à en croire ceux que j’ai croisés. Il faudrait pourtant que ce monde change au plus vite !

        
        Agoraphobiquement vôtre




  • Le421... Refuznik !! Le421 18 décembre 2020 08:56

    La manifestation a une conséquence à géométrie variable...

    20.000 « gauchistes » contestent la réforme des retraites et le système à point, on s’en bat les couil... !!

    2.000 « cathos » demandent à reprendre la messe, on fait un petit couac et on accepte...

    200 flics déposent les menottes et demandent les pleins pouvoirs, on file au pas de charge prendre des mesures, distribuer du fric et pondre des lois liberticides.

    Un simple militant de gauche se retrouve maintenant fiché à cause de ses opinions politiques... Bon, d’accord, c’était déjà le cas !!

    Drôle de pays.

    Ce que je sais, c’est qu’à un moment donné, un bon paquet de ceux qui disent bravo aujourd’hui se retrouvent le nez dans la merde !!

    Seule satisfaction...


  • Old Dan 18 décembre 2020 10:28

    Bonne analyse, mais autre approche :

    A l’ère des lobbies, de la communication institutionnelle et des faux-semblant « démocratiques »*, beugler ds les rues n’est-il pas devenu inutile ?

    N’est-ce (presque) pas toujours quelques intérêts « occultes » qui semblent prévaloir ?

    N’avons-nous pas tous le sentiment diffus d’être couillonné, surtout les jeunes impatients ?...

    La Ve république n’est-elle pas obsolète par désuétude ?

    .

    [* Le referendum, voter tous les 5 ans, l’abstention... ]


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