vendredi 7 juin - par C’est Nabum

Ôter de la bouche

 

Entre le mot et le pain.

 

« Tu me l'as ôté de la bouche ! » Mais quoi donc au juste mon ami ? Le pain ou bien le mot, la mie ou bien la croûte, le sens ou bien le son. La confusion est grande et plus grand encore est le désarroi de celui qui cherche ses mots et pire encore son pain quotidien. Il se peut du reste qu'il y ait un lien direct entre les deux.

Perdre ou bien avaler ses mots ne pousse guère à manger à sa faim. Si le lien n'est pas patent ni spontanément évident, il n'en demeure pas moins certain tant le niveau lexical conduit à une certaine forme de position sociale. Bien sûr, la nuance s'impose puisque ceux qui ne savent plus que baragouiner dans une novlangue sans saveur ni consistance aspirent à la fois aux hautes fonctions et aux revenus les plus conséquents.

C'est là exception à la règle qui vaut que bien parler c'est se nourrir à la fois de mots et de sens, de réflexion et de distance qui conduisent immanquablement dans une activité reconnue et respectable. Qu'importe alors s'il y a un cheveu sur la langue, ce n'est pas lui qui vous mettra dans le pétrin.

La langue vous situe socialement. Elle vous confère respectabilité et considération tandis que celui qui jargonne, éructe, déblatère ou bien martyrise sa parlure sera rejeté ou bien en mauvaise position devant son incapacité à formuler, à répondre par la violence, le rejet ou bien la fuite. User de la langue ou bien la tirer ou se tirer, prendre la tangente et n'avoir plus qu'à explorer les bas-fonds de la société.

Devant l'appauvrissement de plus en plus spectaculaire du lexique de nos contemporains, il est naturel de se poser la question de leur place dans la cité. L'école entend-elle créer une lie de la société, une sous classe sociale qui n'aura droit qu'aux miettes ? C'est à le croire tandis que la réforme de l'audiovisuel public promise par celle qui n'a d'autre projet que de prendre la mairie de Paris, est destinée à casser le dernier refuge d'une forme d'éducation populaire.

Du pain et des jeux certes mais sans les mots pour analyser les manipulations, le conditionnement, l'abrutissement et les intentions perverses qui se cachent dans ce bourrage des cerveaux. Le programme indigeste d'un nationalisme chauvin, d'une confusion des genres, du nivellement par le bas, de la robotisation des esprits est en marche avec un chef mitron qui pétrit une pâte molle, informe, indigeste.

La baguette qui sortira du four olympique, du brasier électoral, de la fournaise européenne sera de celles qui deviendront matraques et gourdins. Les pains se distribueront à la peine et à la pelle quand chacun découvrira la bouche grande ouverte qu'il n'y a plus rien à se mettre sous la langue une fois la fête terminée.

La France ne sera plus le pays des lumières mais un vaste pain de mie émietté, dispersé, insipide, sans quignon ni croûte pour lui maintenir une cohésion et une forme. Le but ultime de cette immonde manipulation est de vous faire avaler des couleuvres tout en vous faisant les poches. Il ne vous restera plus après l'orgie des dépenses fastueuses qu'à vous mettre au pain sec et à l'eau tombés aux mains de ses accapareurs.

Notre mitron à la baguette, celui qui se pensait César et ne sera qu'un vulgaire Néron qui a pompé le trésor public, ridiculisé l'image internationale de la nation, favorisé la paupérisation des masses, mis en avant les cultures alternatives, saccagé l'école, la culture et la démocratie, pourra alors se penser chef de l'Europe pour parachever son œuvre. Les mots me manquent pour exprimer ma colère tandis que l'immense système de surveillance qui se met en place veillera à me les extirper d'une bouche qui sera gavé du pain insipide de la mondialisation des esprits.

 



10 réactions


  • Gégène Gégène 7 juin 11:19

    Qu’il aille montrer ses miches à l’est smiley


  • Seth 7 juin 12:25

    « Tu me l’as ôté de la bouche ! » Mais quoi donc au juste mon ami ? Le pain ou bien le mot, la mie ou bien la croûte, le sens ou bien le son.

    C’est donc tout ce que l’on se met en bouche ? smiley

    Notre mitron à la baguette, celui qui se pensait César et ne fut que Pompée. smiley

    Pour revenir aux choses sérieuses, écrit très juste comdab. smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 7 juin 16:17

      @Seth

      Je me joue de la confusion ambiante
      Le mitron n’est pas mon A mie


    • Sirius Sirius 7 juin 16:21

      @Seth


      Quand Clemenceau a dit à propos de la mort de Félix Faure dans les bras de sa maîtresse à l’Élysée : « Il se croyait César, il n’est mort que Pompée... », c’était oral et ce sont les journalistes qui ont mis une majuscule et un « e ».


    • Seth 7 juin 18:30

      @Sirius

      C’était le jour où la connaissance était dans l’escalier.

      Mais je ne suis pas sûr de ton analyse et comme on était lettré en ces temps anciens, j’ai toujours pensé à une référence à « La mort de Pompée » de Corneille.


    • Sirius Sirius 8 juin 07:58

      @Seth

      Clémenceau jouait sur les deux tableaux dans ce mot d’esprit (il en était coutumier*)

      1. allusion au goût de Félix Faure pour le faste, comme Pompée
      2. allusion aux dangers du tabac et singulièrement de la pipe

      Sinon, ce ne serait pas drôle

      (*) entre autres : “Pour prendre une décision, il faut être un nombre impair de personnes, et trois c’est déjà trop.”


    • Seth 8 juin 13:36

      @Sirius

      En ce temps-là on savait avoir de l’humour, ce n’est pas ce pauvre moumoute à qui viendrait de pareilles saillies. C’est sans doute pour cela qu’il se limite au pelotage...

      Churchill était du même genre (on ne peut pas avoir toutes les qualités). Il se serait accroché avec une lady au cours d’une soirée mondaine, elle aurait fini par lui dire « si j’étais votre épouse, j’empoisonnerais votre thé » à quoi il aurait répondu, imperturbable, « et si j’étais votre mari, je le boirais ». smiley


    • Sirius Sirius 8 juin 16:27

      @Seth

      Il s’est quand même fait moucher par George Bernard Shaw (qui était très maigre) à qui il avait dit à un cocktail très british :

      • À vous voir, tout le monde pourrait penser que c’est la famine en Angleterre.

      Réponse de Shaw :

      • À vous voir, tout le monde pourrait penser que c’est vous qui en êtes la cause.



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