vendredi 19 novembre 2010 - par samuel_

« Potiche », ou la nostalgie « populiste »

 Les moins de 30 ans, dont je fais encore partie, ne connaissent pas le temps que le film « Potiche » évoque. Les moins de 30 ans sont nés sous un gros nuage gris.

Dans l’ombre de ce nuage, il est normal de licencier un travailleur français du simple fait que ses droits le rendent trop couteux. On peut naitre dans notre société française actuelle, et apprendre qu’on n’a pas tout à fait le prénom, ou la couleur de peau, ou les origines des membres à part entière de cette société. On peut être effrayé par le langage et le comportement de ses compatriotes, quand on se promène dans la rue, ou quand on prend les transports en commun. On peut donc se demander ce qui nous fait encore tenir ensemble, et cette question est à pleurer, comme le paysage qui nous entoure, gris comme ce gros nuage au dessus de notre tête. Ce gros nuage auquel on donne le nom de « crise » sociale et économique, ce qui entretient un temps chez les plus jeunes d’entre les moins de 30 ans, l’espoir vite déçu que le beau temps reviendra bientôt.

 Les moins de 30 ans pourront donc être éblouis par toutes les couleurs de l’arc en ciel, et par le ciel bleu permanent, et par le soleil qui dore les visages et les lieux, en visionnant « Potiche ». En plus des couleurs, il y a l’esprit d’une époque, fantasmée comme un âge d’or. Il y a dans « Potiche », un patron avec des idées bien à droite, de grosses lunettes en écaille, une femme à sa place, au foyer, et une secrétaire dont il aime caresser les fesses en arrivant à son bureau. Il y a un maire communiste qui vit dans une cité ouvrière, avec dans son appartement des photos de lui avec Georges Marchais, qu’il n’hésite pas à mettre dans la même liste de révolutionnaires que Che Guevara. Il y a des syndicats qui revendiquent avec de la hargne dans le ton, pour améliorer leurs salaires et leurs conditions de travail. Le lieu de la lutte, qui est l’usine, est finalement menacé de disparition par une idée nouvelle à l’époque, défendue par le beau-fils technocrate et cosmopolite du patron : et si on délocalisait ? Ainsi à l’horizon du tableau de l’époque, on peut voir poindre le nuage gris. La nostalgie s’accompagne du sentiment que l’âge d’or va bientôt se terminer.

 « Potiche » c’est donc, à première vue, une nostalgie facile à assumer, d’une époque où le principal antagonisme dans la société était entre les patrons et les ouvriers, et où la lutte était vive. Mais il y a aussi dans « Potiche » une nostalgie inavouable, et inavouée bien que sautant aux yeux de celui qui regarde ne serait-ce que l’affiche du film. Ce sont des joues bien roses, et des cheveux bien blonds, que le soleil de « Potiche », dore. Ce sont des yeux bien bleus, dans lesquels se reflète le ciel bleu de « Potiche ». On est, dans « Potiche », du début à la fin du film, totalement entre blancs, entre soi. L’antagonisme entre patrons et ouvriers n’a pas encore disparu, certes parce que l’on n’a pas encore eu l’idée de dire aux salariés français qu’ils ont trop de droits pour pouvoir prétendre à un emploi. Certes aussi, parce que les usines n’ont pas encore été fermées. Mais encore, parce que cet antagonisme de l’âge d’or n’a pas encore été remplacé par l’antagonisme actuel : entre le français de souche qui regarde horrifié les émeutes des banlieues dans le 20 heures de TF1, et le français d’origine maghrébine qui se sent stigmatisé par ce même moment de réalité filmée. « Potiche », c’est la nostalgie du temps d’avant les délocalisations et l’immigration.

 Alors mon petit papa cosmopolite et bien-pensant, si prompt à dégainer les reproches de "repli sur soi", de "xénophobie", d’"égoïsme" et de "populisme", si prompt à confondre l’Union Européenne, et la démocratie que t’ont léguée tes ancêtres, si prompt à confondre Strauss-Kahn et le socialisme véritable, sache que je n’abandonnerai pas le doux rêve que Kader et Lucas se sentent frères, comme avant Maurice et Robert. Mais sache aussi que jamais, depuis que je l’ai découvert à 15 ans, je n’ai accepté que l’on puisse licencier un travailleur français du simple fait qu’il a trop de droits. Et sache aussi que je rêve de nation comme grand-père Charles, car la nation que tu confonds si promptement avec le "nationalisme", est pour moi un principe de fraternité et de solidarité entre les hommes qui partagent leurs conditions, et choisissent ensemble leurs destins, parce qu’ils vivent dans un même peuple.



6 réactions


  • ZenZoe ZenZoe 19 novembre 2010 11:35

    Que voulez-vous dire exactement dans votre article ? Qu’une pièce de théâtre créée en 1980 (dont est tirée le film) ne soit pas au goût du jour ? Vous auriez voulu qu’elle soit transposée dans les années 2000 ?


    • ZenZoe ZenZoe 19 novembre 2010 12:23

      ...dont est tiré le film je voulais écrire


    • samuel * 19 novembre 2010 12:28


       Je n’ai rien contre la nostalgie ! Donc je ne voudrais pas que ce film ait lieu dans les années 2000, car comment pourrait-ce alors être un film nostalgique d’une époque révolue et fantasmée ?


  • iris 19 novembre 2010 11:54

    depardieu-deneuve-lucchini ?? dépassés et trop embourgeoisés..


  • Francis, agnotologue JL 20 novembre 2010 10:42

    Potiche, une comédie comme les aiment les bourgeois. Un trio d’enfer, en pleine forme.

    Bons dialogues, personnages surjoués mais sympathiques, évidemment. La salle rit beaucoup.

    Et la députée sans étiquette qui détrône le député maire communiste, c’est tellement quitsch !

     smiley


    • samuel * 20 novembre 2010 14:33


       Un film pour bourgeois blancs, rempli d’une nostalgie dont le fond qu’ils ne s’avouent pas est, ce qu’ils appellent pourtant en d’autres circonstances, et avec mépris, du « populisme ».


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