Pour une Renaissance de la Démocratie
Et c’est reparti pour une campagne présidentielle.
Les candidats se multiplient comme des petits pains. Les « petites phrases » font la une des journaux. La ronde des entrevues, les pitreries télévisées, les mitinges avec pom-pom girls, vociférations de slogans, agitations de drapeaux, banderoles, et vente de produits dérivés font florès.
C’est le grand « democratic’circus » en tournée quinquennale. Et encore, nous n’en sommes en cette fin de décembre qu’au tour de chauffe. La campagne n’est pas encore officiellement ouverte.
Le Caïd de Neuilly la Crapuleuse triche, comme d’hab’, en multipliant des déplacements officiels de Chef de l’Etat, payés par tous les contribuables, mais il ne rencontre que des salles d’UMPistes triés sur le volet, encartés, encadrés, moutons bêlants et chauffés pour applaudir leur champion qui n’arrête pas de les trahir. Mais le masochisme n’étant toujours pas interdit, c’est leur droit le plus strict d’en redemander encore.
Et moi, comme tout « bon citoyen », je m’apprête à aller voter pour désigner un monarque quasi absolu pour les cinq prochaines années. Sans enthousiasme aucun.
Et même si ce n’est pas mon candidat qui est élu, je devrai me plier à la volonté populaire manipulée par les médias, car nous serions, paraît-il, en démocratie.
Comme le dit si bien Sollers : « La démocratie, c'est d'abord la parole. » Point de logos, point de démocratie.
Ce qui a pour conséquence cette fameuse saillie : « La dictature, c’est tais-toi et obéis ; la démocratie, c’est cause toujours et obéis aussi ! »
Quand on sait qu’aujourd’hui, encore plus qu’hier, n’a des chances de réussir que celui qui saura lever les fonds nécessaires à sa campagne, et que ce sont les plus riches, les plus nantis qui versent les chèques décisifs en attendant un retour sur leur investissement, on peut se demander si la démocratie représentative n’est pas une lamentable farce à leurrer les pleupleus.
D’ailleurs, l’on sait qu’il existe des « petits » et des « grands » candidats. La qualification de ces candidats n’ayant rien à voir avec la grandeur de leurs idées et arguments. Ce serait même le contraire.
Un candidat est un « produit » que l’on nous vend, et cela depuis Nixon. C’est dire ! D’où l’importance fabuleuse des « conseillers en communication » qui dirigent le « produit », lui disent comment s’habiller, comment répondre, comment sourire, où aller, qui rencontrer, comment réagir, qui inviter, qui détester, même qu’on se demande si cela s’arrête ou non à la porte des toilettes.
Un « petit » candidat n’a aucune chance d’accéder au poste suprême. Donc, il sert de soupape de sécurité, permet aux gens de se faire plaisir au premier tour, et l’affaire est pliée au second tour puisqu’il ne peut y avoir que deux candidats.
Peut-on imaginer qu’arrivent au deuxième tour, deux « petits » candidats ? Ce serait cocasse, croquignolet, jouissif au plus haut point. Mais cela relève du rêve.
Or, une campagne présidentielle tient aussi du rêve.
Le mode d’emploi des candidats consiste à enchanter les électeurs, à les flatter, à les rassembler sur des idées, des « promesses qui n’engagent que ceux qui y croient » pour reprendre une « pasqualinade ».
La démocratie est l’antichambre de la démagogie que renforce la société du spectacle dans laquelle nous pataugeons depuis l’arrivée de la télévision.
Réduire la démocratie à des déplacements dominicaux dans des écoles et des mairies transformées en lieux de votes, c’est vraiment se moquer des gens. Et c’est ce qui explique, en partie, la désaffection des citoyens, transformés en consommateurs, pour la « res publica » et la démocratie.
« La démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une urne, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus puis à se désintéresser, s'abstenir, se taire pendant cinq ans. Elle est action continuelle du citoyen non seulement sur les affaires de l'Etat, mais sur celles de la région, de la commune, de la coopérative, de l'association, de la profession. Si cette présence vigilante ne se fait pas sentir, les gouvernements (quels que soient les principes dont ils se recommandent), les corps organisés, les fonctionnaires, les élus, en butte aux pressions de toute sorte de groupes, sont abandonnés à leur propre faiblesse et cèdent bientôt, soit aux tentations de l'arbitraire, soit à la routine et aux droits acquis ... La démocratie n'est efficace que si elle existe partout et en tout temps. » Pierre MENDES-France
Or, avons-nous le temps, l’envie, les moyens de participer plus activement à la vie du pays ?
Le système économico-politique en place épuise les salariés, prône depuis des années l’individualisme exacerbé, institue la compétition entre les entreprises, entre les états, mais aussi entre les individus eux-mêmes.
Quant à ceux qui sont abandonnés sur le bord du chemin, qu’ils se débrouillent ! « Salauds de pauvres » comme le sous entend l’inénarrable Wauquiez.
Pour peu que les salariés veuillent se défendre, s’unissent, luttent, et le patronat en transes, le gouvernement en furie, la presse quasi unanime hurlent à « la prise d’otages », à « l’irresponsabilité des syndicats » quand on ne condamne pas les responsables syndicaux à des carrières moins rémunératrices, à des blocages de promotions, à des accusations de fautes professionnelles afin de les licencier en les marquant au fer rouge, ce qui les empêchera de retrouver du boulot.
La démocratie vivante n’a rien de confortable, c’est une lutte de chaque jour. C’est pourquoi, en abandonnant leurs droits à des représentants qui ne représentent, le plus souvent, qu’eux-mêmes, les citoyens se lavent les mains des décisions, ils les subissent en râlant, mais plus d’un serait paniqué à l’idée d’assumer des responsabilités et de prendre les décisions qui s’imposent.
Les votations suisses peuvent sembler une approche plus réelle de la démocratie puisqu’il s’agit de la démocratie directe.
La Suisse, petit pays, par le nombre d’habitants, riche par le nombre de résidents réfugiés fiscaux et de ses banques peut se permettre d’agir ainsi.
Avec plus de soixante millions de citoyens, la France n’a guère les moyens de pratiquer nationalement la démocratie directe. D’autant que le recours au referendum, sous de Gaulle, s’accompagnait d’un plébiscite implicite.
Or, depuis l’ère sarkosyenne, lorsqu’il arrive, au cours d’un referendum, que le « peuple souverain » ne réponde pas positivement à la question posée, ce n’est pas le chef de l’Etat qui rentre chez lui, mais le peuple qui est désavoué puisqu’on lui vole son vote et, contre sa volonté, ses représentants élus qui vivent sur une autre planète, annulent le vote négatif.
S’il n’y avait pas des traites à payer, une menace sur les emplois, des vieilles douleurs à gérer par de vieux corps, il y aurait de quoi descendre dans la rue.
Mais quoique jeune, le peuple français n’a pas la jeunesse des peuples arabes. Enfin, pas encore. Et, l’on croit que l’on pourra toujours régler le compte de nos élus si décevants aux prochaines élections.
D’où une vie politique ponctuée de rendez-vous électoraux qui permettent aux citoyens d’avoir l’illusion de s’exprimer et de partager le pouvoir.
Grande illusion qu’il faut dénoncer et remplacer par d’autres règles du jeu démocratique en passant par une Assemblée Constituante chargée de mettre au point une nouvelle Constitution.
Cela urge !
Une constitution démocratique bien sûr, puisque « La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous. » Winston CHURCHILL
Quoi faire ?
A commencer par revoir l’élection des députés de telle sorte qu’une majorité puisse se dégager, mais que toutes les formations politiques puissent être représentées. Cela existe en Allemagne. Une part de proportionnelle mettrait fin à l’actuel scandale qui peut donner une majorité de sièges à l’Assemblée pour une formation qui est minoritaire en voix.
Une révision du Sénat serait aussi nécessaire. Nos pères sénateurs ne sont pas plus sages que nos députés puisqu’ils sont souvent d’anciens députés, or, « le temps ne fait rien à l’affaire… » comme le chantait G. Brassens. Pourquoi ne pas leur adjoindre le tiers des sièges à des citoyens « ordinaires » tirés au sort ?
Deux impératifs permettraient de changer pendant quelque temps, l’oligarchie politique actuelle : parité hommes femmes obligatoire dans les deux assemblées et cumul des mandats réduit à deux, un mandat local et un mandat national sous condition que le mandat local ne concerne que des maires de communes de moins de 5 000 hab.
Conseillers généraux et régionaux ne sauraient être aussi députés ou sénateurs.
Quant au statut du Président de la République, j’opterai volontiers pour un retour à la Constitution de la IVe République, où il était l’émanation du Congrès. Redevenu arbitre, incarnation de la France et non plus chef de bande, sa fonction s’en trouverait restaurée.
Le seul homme politique italien qui me semble avoir garder sa dignité dans la période récente, est justement le Président de la République, M. Napolitano.
La politique serait menée par le Premier Ministre et ses ministres, ayant reçu la confiance de l’Assemblée Nationale, donc issus de cette majorité de l’Assemblée.
Enfin, la mise en place d’une justice vraiment indépendante du pouvoir politique, surveillée par la vigilance des citoyens qui pourraient saisir le Conseil Supérieur de la Magistrature si jamais le parquet se laissait aller à des manœuvres partisanes, constituerait une véritable révolution.
C’est ce que j’attends des candidats qui viennent m’offrir leurs services.
J’attends.
Et depuis longtemps.
J’espère avec quelques autres, être un jour entendu.
Peut-être faut-il crier plus fort ?