lundi 14 novembre 2005 - par Alain Hertoghe

Sévérité, égalité, compétitivité

Soyons terriblement audacieux, prédisons que la décrue engagée des violences urbaines est provisoirement définitive. Dès la nuit de samedi à dimanche, une situation presque normale prévalait en effet dans les banlieues françaises, pour reprendre l’expression malheureuse de Michel Gaudin, directeur général de la police nationale. On aurait préféré entendre "habituelle", car il est évidemment tout à fait anormal que 90 voitures flambent en moyenne dans les cités pauvres de France chaque nuit de l’année... C’est pourtant la scandaleuse réalité, comme un rapport des renseignements généraux nous l’a récemment appris : 28.000 voitures ont été incendiées dans les quartiers dits sensibles du 1er janvier au 31 octobre 2005 !

Donc, les banlieues ont retrouvé leur "niveau habituel" de violences urbaines. Pourquoi ? Certainement en raison de la fermeté répressive du gouvernement (couvre-feux, arrestations, condamnations, expulsions annoncées). Mais aussi, sans doute, parce que la criminalité organisée aimerait pouvoir retourner au business as usual. Et puis les élus, les associations, les habitants des quartiers ont mis tout leur poids dans la balance pour que le calme revienne. Enfin, n’excluons pas que la racaille soit fatiguée après avoir incendié quelque 8 000 véhicules, et aussi nombre de commerces, d’écoles, etc. Quinze jours de guérilla urbaine, ça use !

En tout cas, une fois l’état d’urgence passé, il est impératif que la sévérité reste de mise. Avec les voyous. Avec les parents des délinquants mineurs. Et avec les policiers. Tolérance zéro pour les délits comme pour les bavures. En ce sens, la suspension rapide, puis la mise en examen des policiers qui ont passé à tabac un jeune émeutier de La Courneuve, ont été exemplaires. Mais on aimerait être certain que la hiérarchie policière sera dorénavant aussi vigilante et expéditive quand les caméras ne tourneront pas, et quand les cités ne feront plus la une de l’actualité.

Sévérité, mais aussi égalité. Et sévérité au service de l’égalité. La tolérance zéro doit régner face aux actes/propos racistes et aux discrimations qui gangrènent la société française actuelle. Toutes les lois nécessaires existent. Encore faut-il avoir la volonté politique de les afficher, de les promouvoir et de les appliquer. A tout le monde : aux forces de l’ordre, aux administrations, aux chefs d’entreprise, aux propriétaires, mais aussi aux jeunes beurs et blacks qui cultivent trop souvent le racisme anti-Français.

L’intégration de la jeunesse française d’origine étrangère constitue indiscutablement le principal chantier pour réconcilier les banlieues avec le reste de la société. Mais cela demandera de reconnaître que le "modèle français" actuel ne digère pas son immigration récente. Il va falloir oser en débattre franchement. Et ne pas écarter l’hypothèse que, dans les domaines de l’éducation et de l’emploi, des mesures de discrimination positive soient éventuellement nécessaires pendant dix ou vingt ans, pour rattraper le temps perdu à célébrer une intégration à la française mythique.

Réussir à intégrer les enfants de l’immigration d’Afrique noire et du Maghreb - réussir à les éduquer et à les former pour qu’ils soient compétitifs - s’avère d’autant plus urgent et stratégique pour l’avenir que la France, à l’image de toute l’Europe, aura besoin, dans les prochaines années, de faire à nouveau appel à une importante main d’oeuvre étrangère. Et cela, pour compenser le vieillissement de sa population et répondre à la formidable concurrence économique des jeunesses d’Asie et d’Amérique. Sur ce sujet, débattre ne doit plus, non plus, être tabou. Car il faut préparer une politique d’immigration contrôlée et sélective.

Pour le reste, inutile de s’entêter à prolonger indéfiniment la dispendieuse politique de la ville. C’est un échec cuisant. Les plans de Jean-Louis Borloo pour la cohésion sociale et la rénovation urbaine, ainsi que les dernières mesures annoncées par Dominique de Villepin mais encore à financer, suffiront amplement à creuser le déficit public ! Ce dont la jeunesse des banlieues a besoin, c’est de croissance et d’emplois (non subsidiés). Et elle continuera à être la première à souffrir tant que les Français se refuseront à transformer en profondeur leur modèle économique et social en panne, pour monter dans le train de la mondialisation.



4 réactions


  • (---.---.104.68) 15 novembre 2005 01:50

    Merci à Alain qui nous propose, à travers ses lignes, un modèle plus qu’inspiré du modèle américain qui, lui, a parfaitement su intégré ses minorités étniques et qui fait triompher l’égalité blanc/noir. Moi, comme Alain je propose d’attirer la croissance en France en devenant un nouvel état américain. C’est vrai, misons tout sur le libéralisme ! Grace à lui il y a une croissance de 4% donc pas de ghetto. Si, par malheur, l’ouragan du siècle venait à frapper les Etats Unis, il n’ y aurait pas QUE des noirs parmi les victimes. Tout le monde sait que les condamnés à mort sont à part égale Blanc/Noirs dans ce modèle américain si bénéfique.... Alain vous parlez du libéralisme comme d’une religion, sans trop de recul. Moi je suis Français, je pense que notre système social a échoué mais je ne vois pas en quoi le systeme US est meilleur. Quant à « Sévérité, égalité, compétitivité » je vous le laisse, je vais garder le bon vieux « Liberté, Egalité, Fraternité. Je sais, elles sont ni »modernes« ni »en rupture", mais je les aime bien ces valeurs !


  • Calb (---.---.157.141) 17 novembre 2005 09:51

    Monsieur Hertoghe pense comme bon nombre de nos libéraux (il est de bon ton d’être libéral de nos jours et tant pis pour les millions de gens laissés sur le bord de la route) que c’est le modèle anglo-saxon qui a gagné, que voulez-vous ? 3% de croissance, nous seulement 2 (bouh les mauvais !) et 5% de chômeurs (moitié moins que nous !) Seulement eux ont 4 fois plus de pauvres, nombre d’anglais qui travaille a deux ou trois boulots et parfois ne dépasse pas le seuil de pauvreté ! enfin, toute une partie de la population (2%)est considérée comme inapte au travail et touche pour celà une allocation. Aux USA c’est 2% de la population qui est en prison ! et c’est vrai qu’il faut bien le reconnaitre les américains font tellment mieux que nous en matière d’intégration !!!! on voit le résultat tous les jours !! il suffit de regarder la couleur des soldats américains en Irak et de la comparer à celle des sénateurs pour se faire une petite idée du modèle d’intégration américain ! enfin, Monsieur Hertoghe, si prompt à donner des leçons d’antiracisme ou de tolérance zéro devrait commencer à se les appliquer à lui-même ! à force de reprendre sarkozy dans le texte, il va finir par écrire au Figaro...voire à Minute !!!


  • Adam (---.---.43.1) 21 novembre 2005 14:55

    Se dire journaliste (carte de presse) et être habillé par autant de lieux communs et de présupposés laisse perplexe.


  • Emile Red (---.---.80.13) 23 novembre 2005 10:20

    « Tant que les Français se refuseront à transformer en profondeur leur modèle économique et social en panne, pour monter dans le train de la mondialisation. »

    Je me pose souvent la question : les journalistes parfois savent-il encore analyser l’information ? Peut on nous présenter UN SEUL élément pertinent qui pourrait pousser le français à vouloir changer de société ?

    Chomage ? Je ne crois pas que le système U.S soit un exemple : 4% de croisance pour 5% de chomage + 2% de taulard + 2% d’indigents = 8% d’inactifs décomptés (connaissant les capacités à cacher les chiffres de l’admin Bush peut-on multiplier par 2 ? )

    Revenu moyen plutôt plus faible que chez nous.

    Seuil de pauvreté plus bas que notre RMI.

    Couverture médicale minimum ou nulle.

    Des millions de personnes agées obligées de travailler au delà de 70 ans.

    Les rues des bas quartiers jonchés de SDF.

    Aucune sécurité professionnlle.

    Entre 2 et 4 armes par habitants, le pays le moins sur du monde au kilomètre parcouru.

    Mépris total de l’intégrité physique des ouvriers.

    Protection top secret des activités pharmaceutiques.

    Corruption politico/financière, policière, militaire, judiciaire galopante.

    Système démocratique douteux.

    Liberté d’expression désastreuse.

    Laïcité absente.

    Médias à la solde de l’état ou des intérêts financiers.

    Peu ou pas de presse libre.

    J’en passe et des meilleures...

    Voilà le pays dont rève notre bien pensante droite réactionnaire.

    Entre rester en panne et reculer, les français ont assez de bon sens pour faire leur choix.


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