Y a-t-il un citoyen dans la voiture ?
Le civisme (au volant), une notion largement oubliée, symptôme d’une société malade ?
Signe des temps ? Le comportement des automobilistes a de quoi inquiéter. Malgré les incitations à la prudence routière, rappelées à grand renfort de publicité, et de mises en garde, d’agitation du drapeau rouge que constituent le gendarme et le policier, je ne vois pas tellement d’amélioration dans la manière de conduire des Français.
Certes, il m’apparaît que le Français a "levé le pied". Il roule moins vite sur les autoroutes, ralentit quand il aperçoit les panneaux de limitation de vitesse, plus souvent d’ailleurs quand il soupçonne la présence d’un radar. Toutefois, son comportement vis-à-vis des autres conducteurs n’a pas changé, lui ; il a même empiré. Je citerai pêle-mêle quelques attitudes qui témoignent d’un manque de civisme évident et, pire, d’un mépris flagrant d’autrui, comme si le conducteur était seul sur la route : oubli du clignotant lors d’un changement de direction, tendance à accélérer lorsqu’un feu passe à l’orange, utilisation "violente" du klaxon lorsqu’un autre conducteur ne roule pas assez vite, franchissement de lignes blanches, dépassement des véhicules par la droite, zigzag entre les véhicules sur des routes à plusieurs voies, téléphone au volant, tendance à coller au pare-chocs de la voiture précédente avec volonté manifeste de la forcer à rouler plus vite ou à "dégager du milieu", utilisation abusive des feux antibrouillard et des phares antibrouillard qui ne font qu’éblouir les autres, j’en oublie sans doute.
Ces comportements, répréhensibles mais avant tout dangereux, témoignent d’un mépris profond des autres. Comme si le conducteur, forcément pressé et tout à fait maître de son véhicule, considérait que l’autre n’existait pas ou, pire, qu’il était gênant, qu’il le dérangeait. Ils témoignent aussi d’un individualisme exacerbé, phénomène qui se développe dans notre société où la notion de respect d’autrui semble avoir disparu, ou s’être diluée dans une notion plus vaste et plus inquiétante, la cohabitation forcée.
À l’heure où l’on remet en cause la notion d’éducation, où l’on jette l’anathème sur des familles incapables d’éduquer convenablement leurs enfants, où la télévision nous abreuve d’émissions absurdes vantant les mérites de l’éducation d’antan, des "bonnes manières" et des codes sociaux, il serait peut-être bon que chacun s’interroge sur son propre comportement, notamment au volant, comportement révélateur entre tous. Ces défauts au volant sont significatifs d’une évolution des mentalités, où le "chacun pour soi" semble être devenu la règle, et le respect d’autrui, l’exception. Appliquer quelques corrections à sa façon de se comporter en société permettrait sans doute que ne règne pas, dans ce pays, un manque de civisme préjudiciable à tous, et dont les manifestations au volant ne sont qu’un des syndromes d’une atteinte plus grave dans la vie de tous les jours.