jeudi 17 janvier 2019 - par Laurent Herblay

10 ans après (1/6) : ces leçons totalement oubliées

Il y a 10 ans, le monde sombrait dans la pire crise purement économique depuis 80 ans. Une finance folle a fait perdre leur logement à 9 millions de ménages outre-Atlantique, envoyé des dizaines de millions d’autres au chômage dans le monde, et trouvé le moyen de se faire sauver par les Etats ! Dix ans après, malgré d’innombrables analyses des ressorts de cette crise, aucune leçon ne semble avoit été tirée.

 

Un système s’est sauvé, sans même changer
 
Ce qui est assez frappant aujourd’hui, c’est que presque tout le monde s’accorde pour dire que rien, ou presque, a changé, comme le dit David Cayla dans un bon papier sur FigaroVox. Et, plus marquant encore que cette analyse robuste d’un économiste hétérodoxe, c’est la relative unanimité des média, y compris les plus libéraux, comme The Economist, pour qui « le monde n’a pas tiré les leçons de la crise financière ». Car si David Cayla pointe les incohérences et les leçons qui n’ont pas été tirées depuis 2008, notamment sur la « démondialisation  », ce qui est effarant, c’est que, finalement, beaucoup ne semblent pas s’en émouvoir, comme si les risques étaient moins importants qu’en 2007.
 
Pourtant, comme il le rappelle, Stiglitz disait en 2009 : « il y a aussi une prise de conscience que le capitalisme actuel qui consiste à privatiser les profits et mutualiser les pertes n’est pas un capitalisme qui assure le bien-être des populations du monde entier  ». N’est-il pas effarant que ces constats, alors largement partagés, n’aient pas permis un changement de politique ? Dix ans après, le montant des dettes accumulées dans l’économie a augmenté, les banques battent des records de profit, et les rémunérations dans la finance ont dépassé le sommet atteint en 2007… Et parallèlement, les règles qui président au système financier n’ont pas été fondamentalement modifiées.
 
Malheureusement, ceci était assez prévisible, même au cœur de la crise d’il y a dix ans. La lecture donnée à l’effondrement du système financier était peu propice à une véritable remise en question. En effet, la lecture systémique de la crise avait été trop rapidement éclipsée par le procès de comportements individuels, de Madoff à Kerviel, laissant penser à certains que le système économique n’était pas le responsable. On peut aussi y voir le fruit d’une faillite politique, aucun grand parti n’ayant porté une véritable alternative au tournant des années 2010, Obama notamment, ne faisant que sauver l’ancien monde sans rien changer de véritablement significatif, y compris avec son Obamacare.
 
Le constat de The Economist est sévère : « beaucoup de leçons ont été ‘désaprises’ », notant que « l’Etat n’avait pas d’autre choix que soutenir les banques, mais il a pris la mauvaise décision d’abandonner les ménages insolvables  ». La bible des élites globalisées pointe les risques immobiliers. Il est clair que toute remontée des taux, suite à une remontée des prix provoquée par la hausse du prix des matières premières, pourrait provoquer un nouvel effondrement des prix. The Economist pointe aussi les risques liés au dollar, les dettes étrangères en dollar ayant doublé par rapport à 2008, et à la zone euro, dont le caractère profondément dysfonctionnel est, de toutes les façons, incorrigible
 
Dans un autre papier, The Economist se penche sur la finance, soutenant que les réformes ont rendu les banques plus solides, pesant sur leur cours de bourse peu dynamique. Mais bien des déséquilibres ont persisté, y compris les salaires des patrons des grandes institutions financières, des 24 millions de dollars du patron de Goldman Sachs aux 43 de celui d’AIGThe Economist pointe qu’après avoir plongé de 50% dans les zones les plus spéculatives de 2008 à 2011, les prix de l’immobilier ont fini par dépasser leurs records, y compris en Floride. Pire, l’hebdomadaire oublie d’y ajouter les autres bulles en développement, qui font peser le risque que la prochaine crise soit l’addition de 2008 et 2001…
 
 
Dix ans après, alors que beaucoup pointent que les prémices d’une nouvelle crise apparaissent de plus en plus clairement, il est effarant de constater que tant de dysfonctionnements sont encore là, souvent même encore plus marqués. C’est sur quoi je reviendrai dans les prochains jours : des inégalités aux bulles financières en passant, plus globalement par les failles du système oligo-libéral.


2 réactions


  • Odin Odin 17 janvier 2019 15:15

    Si, de nouvelles mesures ont été prises.

    Lors de la prochaine crise, à venir, les banques qui auront des difficultés pourront taxer les comptes bancaires des clients au dessus de 100.000 € pour éviter la faillite.

    On appelle cela la  chypriotisation de la finance, ou comment privatiser les profits et mutualiser les pertes.


  • Rincevent Rincevent 18 janvier 2019 15:04

    Cette barre des 100 000 € est née d’un constat : lors de la dernière crise, c’est de l’argent public qui sauvé des banques privées. Nos ‘’responsables’’ ne veulent plus de ça pour une prochaine fois, ne serait-ce que parce que les caisses sont vides et que nous ne disposons plus d’une planche à billets nationale. Donc, ils pensent que c’est aux actionnaires de ces banques de… banquer, comme dans n’importe quelle autre entreprise. C’est une plutôt vertueux (et logique), sauf que le déposant lambda (vous, moi) est considéré aussi comme un actionnaire !

    En effet, il faut savoir que, quant vous déposez votre argent à la banque, il ne vous appartient plus vraiment. En fait, vous lui avez prêté (pour qu’elle le prête à d’autres) et votre relevé bancaire est une reconnaissance de dette de sa part. En cas de faillite, vous serez inscrit comme créditeur mais loin, très loin derrière les prioritaires, comme l’État, les organismes sociaux, etc. Autant dire que vous aurez peu de chance d’en revoir jamais la couleur...

    Quant à la ’’sécurité’’ des 100 000 premiers euros, le fond de résolution, censé les garantir, ne serait probablement pas à la hauteur en cas de krach généralisé.


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