mercredi 30 avril 2014 - par Enjeux Electriques

Adieu Alstom, adieu la nouvelle France industrielle ?

C’est le feuilleton économique du mois voire de l’année, Alstom va-t-il être démantelé ? Et si oui, par qui ? L’Américain General Electric a lancé les hostilités la semaine dernière, rejoint ce week-end par l’Allemand Siemens. Pendant ce temps, le gouvernement, Arnaud Montebourg en tête, essaie de faire monter les enchères, sans qu’une véritable stratégie pour la France ne se dégage.

Connue pour ses TGV, la principale activité d’Alstom est en réalité l’énergie (73% du chiffre d’affaires). Spécialiste des turbines utilisées dans les centrales thermiques et les barrages hydroélectriques, Alstom s’est aussi lancée dans les éoliennes offshores et les réseaux électriques intelligents. Ce sont ces derniers qui attisent la convoitise de Jeffrey Immelt, le patron de General Electric, pleinement conscient du potentiel des smart grids comme nouvel eldorado industriel. Ces nouveaux types de réseaux sont en effet un passage obligé pour le développement des énergies renouvelables et la sécurisation des systèmes électriques.

Les réseaux électriques intelligents, le trésor d’Alstom

Géant mondial dans de nombreux domaines (l’énergie, mais aussi la finance, les moteurs d’avions, les équipements médicaux…), « GE » est un poids plume dans le domaine du transport d’électricité avec 3% des parts de marché mondiales, comparé aux 10% d’Alstom et aux 16% de Siemens. L’acquisition de la branche énergie d’Alstom permettrait donc de mettre la main sur la pépite Alstom Grid (19% du chiffre d’affaires), en pleine ascension : technologies de pointe et positions fortes sur les marchés dynamiques, notamment l’Inde, le Brésil et le Moyen-Orient.

A ce titre, les synergies attendues en cas d’absorption d’Alstom par General Electric sont bien plus évidentes que dans l’hypothèse d’un rachat par Siemens. L’Américain récupérerait des technologies et un outil industriel qui lui font défaut alors que l’Allemand, déjà présent sur les mêmes secteurs, risquerait de multiplier les doublons. Dans ces conditions, il y a bien moins à craindre pour les emplois français à court terme dans le scénario américain qu’allemand.

De Charybde en Scylla

Par contre à plus longue échéance, c’est la question de la pérennité de l’activité industrielle sur le sol français et de la souveraineté économique et technologique qui se pose. De fait, la « Nouvelle France Industrielle » chère à Arnaud Montebourg, repose en grande part sur le leadership français dans le domaine de l’électricité. La perte d’un maillon aussi essentiel qu’un des pionniers mondiaux des smart grids comme Alstom est donc de sinistre augure pour toute l’économie française.

Il faut ainsi méditer sur l’exemple d’Alcatel, l’entreprise-sœur d’Alstom spécialisée dans les télécoms qui a fusionné avec l’Américain Lucent en 2006. Bien que le siège social soit toujours en France, la fusion s’est accompagnée par une domination marquée des Américains, au sein de l’entreprise, mais aussi par l’ascendant politique de Washington. Aujourd’hui, cela se traduit par la fermeture des usines et centres R&D de ce côté-ci de l’Atlantique, alors que l’activité est maintenue aux Etats-Unis.

Le rachat par Siemens n’est guère plus engageant. Bien que la classe politique française, de droite comme de gauche, en appelle à un « Airbus de l’énergie », la situation est fort différente : Siemens et Berlin n’ont rien à retirer d’un partage du pouvoir. Au contraire, l’intérêt allemand est seulement d’empêcher General Electric de devenir encore plus puissant, et pour cela il faut faire disparaître le concurrent français.

L’abattement semble dominer les milieux politiques et économiques, il ne s’agit pas de « sauver » Alstom, mais seulement de limiter la casse. Cette ambiance est d’autant plus inquiétante qu’une question centrale pour l’avenir d’Alstom reste pour l’heure sans réponse : quelle est la situation économique réelle de l’entreprise ? Si le problème se limite à un problème de trésorerie, il faudrait peut-être réfléchir à d’autres alternatives que de brader le savoir-faire français…



25 réactions


  • claude-michel claude-michel 30 avril 2014 09:24

    J’avais prévenu que ce gouvernement laisserait filer cette cimpagnie...Ah...n’oubliez pas brave Français d’aller aux prochaines élections voter pour eux une nouvelle fois pour montrer votre attachement a leur incompétence.. !


  • stetienne stetienne 30 avril 2014 10:04

    la prochaine c est airbus


    • claude-michel claude-michel 30 avril 2014 10:34

      Y a déjà 5 constructeurs différents plus des centaines de sous traitants...Alors airbus reste plus grand chose.. ?


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 30 avril 2014 12:06

    Et l’on entend à nouveau l’expression « allier Siemens à Alstom pour créer un géant européen »...
    Après l’aventure Arcelor, le « géant européen de l’acier » et ses quelques années d’existence, quand j’entends ça j’ai envie de crier au secours !


  • Scual 30 avril 2014 12:48

    La vente de la France n’est rien de plus que de la trahison.

    Après avoir volé au peuple ses entreprises nationales, celles-ci sont désormais vendues aux concurrents étrangers défendant des intérêts divergents ? 

    Tout ce que cela m’inspire est interdit à dire sans tomber sous le coup de la loi...


    • Croa Croa 30 avril 2014 15:30

      T’as pourtant parfaitement le droit de dire qu’il faut mettre de l’huile dans la louisette et affûter sa lame pour tous ces traîtres ! smiley


    • Scual 30 avril 2014 16:29

      Non, on a pas le droit de dire ça...


  • unandeja 30 avril 2014 13:37

    et j’ajouterai que si la France est incapable de garder une entreprise stratégique comme Alstom, cela veut dire que toutesl es autres sociétés, moins stratégiques, seront démentelées sans bruit à coté.

    Sans parler de nationalisation, Alstom peut rester privée avec une montée temporaire au capital de la part de l’état...et si tout se passe bien, l’état fera même une + value lors de la renvente de ses parts....


    • Croa Croa 30 avril 2014 15:32

      C’est déjà fait en grande partie...

      Et sans bruit en effet ! smiley


    • unandeja 30 avril 2014 16:18

      et à priori pour un emploi industriel perdu on a environ 2 emplois de services perdus......dire que les gouvernement français se sontl ancés volontairement dans une politique de la France des services, sans industries....on le paie bien cher aujourd’hui....

      triste France smiley


  • zygzornifle zygzornifle 30 avril 2014 15:04

    A Belfort la future fermeture du site de l’Alstom va créer 2 postes de conseiller au Pole-Emploi, bel exemple de réussite pour le gouvernement ..... 


  • zygzornifle zygzornifle 30 avril 2014 15:08

    Suivez l’exemple de Montebourg et faites comme moi, achetez Français, je commande de suite 1 TGV, 1 rame de métro et 1 centrale nucléaire pour relancer l’entreprise .....


    • unandeja 30 avril 2014 16:23

      ça va pas être possib...j’ai fait ma déclaration d’impot et cette année encore elle augmenta dramatiquement....18% d’augmentation des impots pour un revenu en hausse d’environ 8%....

      mais je vais pas me plaindre l’an passé l’augmentation était d’environ 105%....
      (mais pas pour une augmentation de revenus de 100% je précise...)

      ....la courbe de la hausse est en baisse donc c’est une bonne nouvelle (c’est bon j’ai appris à parler socialiste)


  • alinea Alinea 30 avril 2014 17:49

    Non, non, il faut tordre le cou de Bouygues, c’est tout ! C’est lui le coupable ! Il y a un article sur ce site qui l’explique très bien, explication que j’ai entendue à la première info sur l’histoire, et diable ! impossible à retrouver ; Bouygues qui, je vous le rappelle a acheté à l’État ses 23 ou 29 pour cent de parts d’actions Alstom !!


    • Croa Croa 30 avril 2014 23:03

      Bouygues n’est coupable que de profiter de l’occasion. Ceux qui prétendent représenter le peuple et agir pour l’intérêt public sont coupables !


  • Graffias Graffias 30 avril 2014 17:58

    Bonjour La transaction a été réalisée en numeraire ... Les dirigeants d’Alstom avaient ils un pistolet sur leur tempe ? Ont ils été drogués ? Pourquoi n’ont ils pas attendu une meilleure offre de la part de Facebook ? ... non je plaisante. En tout cas en énergie renouvelable il ne nous restera plus que des mini centrales avec des peupliers broyés comme combustible si ça continue ... Tout cela me troue le c$ l


  • gogoRat gogoRat 30 avril 2014 18:01

     Pire  de brader le savoir-faire français , ce que font nos Importants, en France, c’est de casser la dynamique-même de ce savoir-faire : c’est de tuer systématiquement la moindre motivation naturelle des ’petits’ Français !
     L’économie et le jonglage avec les capitaux publics ne sont que des outils parmi bien d’autres pour arriver à l’émergence d’un Pierre Allio , d’un Michel Charot ... autant que d’un Bernard Tapie, d’un Jérôme Kerviel , ou d’un DSK !

    Jean Bodin disait : « Il n’est de richesse que d’hommes » ...

     Première réforme à faire, sans surcoût : apprendre à notre Justice (du droit du travail) à travailler correctement et dignement : en respectant des délais honnêtes et réalistes à tous les étages (conciliation - référé - prud’hommes - ) !
    ( Nota Bene : On a vu qu’au plus haut des niveaux judiciaires, il n’est pas impossible d’aller très vite ! ... 
     Pourquoi ne trouve-t-on aucune estimation des milliards d’€ qui se perdent par le gâchis de carrières brisées - ou de malfaisances ignorées avec complicité - par l’impéritie et l’inconséquence d’une « Justice » qui ne s’inquiète en fait que de dissuader les gens de signaler bogues ou abus dans les contrats de travail ? ....
    )

     Une piste de réforme ?
     Supprimer la mascarade ANPE/pole-emploi ... et en réaffecter les ressources publiques à un meilleur contrôle officiel - des contrats de travail - des attributions de postes - des marchés publics ...
     tout en révisant la signification de l’égalité en droit voulue par notre Constitution.

     ( Remarque :
     après que des générations d’ingénieurs chevronnés aient été tenus au secret professionnels le plus strict au sein de sociétés comme Alcatel , Alstom ... voilà que des individus capables de passer sans vergogne de la tête de n’importe quel ministère à la tête de n’importe quel autre se révèlent aptes à négocier en seulement quelques heures la braderie à l« étranger du fruit de toute cette expérimentation accumulée ! )

     Peu importe les miettes qui seront généreusement octroyées aux laissés pour compte : ils finiront, comme dans Germinal (page 244), par dire :
     »— Alors, monsieur le directeur, ... , nous sommes donc venus vous dire que, crever pour crever, nous préférons crever à ne rien faire. Ce sera de la fatigue de moins… "

     

     


  • Darks67 Darks67 30 avril 2014 20:44

    On ferme une usine ? Pas de problème, on embauche Poutine en intérim pour quelques heures et il règle le problème !!! Regardez la vidéo elle en vaux la peine, 1 minute 40, et vous comprendrez que nous avons que des pions qui nous gouvernent à la solde des états unis, Hollande, Pierre, Paul Jacques, rien n’y changera, il faut sortir de l’Otan et de l’Europe.

    https://www.youtube.com/watch?v=nJZYdiWkC7A


  • kalon 1er mai 2014 08:41

    Je pense qu’il faut voir cela autrement.

    Acheter à n’importe quel prix est un moyen pour les riches de se protéger contre une futur inflation qui sera dramatique pour les autres.
    Ce ne sera même pas une inflation démesurée mais bien la dévalorisation totale des monnaies supposés fortes alors que ces monnaies ne valent plus rien actuellement.
    Ainsi, dire qu’Alsthom vaut 10, 20 ou 100 milliards ne veut rien dire car ces milliards n’ont que la valeur que les possédants leur donnent !
    Et cette valeur est actuellement NULLE !
    De fait, la vraie valeur d’Alsthom ne peut être qu’Alsthom, elle même, c’est à dire une valeur industrielle et non monétaire !

    Pour être plus simple :
    Doit’on considérer que le jour ou le dollars ne vaudra plus rien, Alsthom, également, ne vaudra plus rien ?
    Bien sur que non ! smiley


  • kalon 1er mai 2014 08:50

    Ainsi, les fusion-acquisitions et achats massifs constatés actuellement ne seraient que la liquidation des « valeurs » monétaires avant leur effondrement total !

    Une industrie de pointe vaut mieux comme placement qu’acheter de l’or car une industrie produit de la valeur alors que l’or n’en produit pas smiley

    Ceci expliquerait la création massive de « faux dollars » par la « réserve fédérale américaine » qui n’a plus de réserve que le nom !

    Cela permet aux grands groupes financiers américains d’acquérir des vraies valeurs en échange de fausse monnaie ! smiley


  • zygzornifle zygzornifle 1er mai 2014 08:59

    Alstom est attaché sur l’autel des sacrifices, maintenant qui tiendra le couteau ?


  • kalon 1er mai 2014 09:00

    Ce qui permet également de comprendre que la politique monétaire de la BCE est faite dans le sens de dépouiller totalement les Européens de leurs valeurs industrielles !

     


    • gogoRat gogoRat 1er mai 2014 11:34

      se dépouiller de nos « valeurs » industrielles ne serait pas forcément un mal en regard de cette prophétie :
       « Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas » (de André Malraux)

       Tourné autrement : peut-être aurions-nous à « faire le deuil » d’un économicisme dépassé et mortel pour appliquer à des « valeurs » plus matures le fameux principe de l’analyse de la valeur ... en remplaçant la recherche de « produits » par une interrogation sincère sur nos quêtes fondamentales ...

      cf cette citation de « Citadelle » (par Saint-Exupéry« ) :
       » ... J’interdis aux marchands de vanter trop leur marchandises. Car ils se font vite pédagogues et t’enseignent comme but ce qui n’est par essence qu’un moyen, et te trompant ainsi sur la route à suivre les voilà bientôt qui te dégradent, car si leur musique est vulgaire ils te fabriquent pour te la vendre une âme vulgaire.

       Or, s’il est bon que les objets soient fondés pour servir les hommes il serait monstrueux que les hommes fussent fondés pour servir de poubelles aux objets. ..."


  • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 1er mai 2014 19:03

     @L’auteur.
    Très bon article. La solution existe : le Fonds souverain français.


    L’abattement semble dominer les milieux politiques et économiques, il ne s’agit pas de « sauver » Alstom, mais seulement de limiter la casse. Cette ambiance est d’autant plus inquiétante qu’une question centrale pour l’avenir d’Alstom reste pour l’heure sans réponse : quelle est la situation économique réelle de l’entreprise ? Si le problème se limite à un problème de trésorerie, il faudrait peut-être réfléchir à d’autres alternatives que de brader le savoir-faire français…

    @Kalon et Gogorat : très bien.
    @Dark67 : parfait

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