lundi 29 avril - par Sylvain Rakotoarison

Agences de notation Moody’s et Fitch : la France n’est pas dégradée !

« Cette décision doit nous inviter à redoubler de détermination pour rétablir nos finances publiques et tenir l’objectif fixé par le Président de la République : être sous les 3 % de déficit en 2027. » (communiqué de Bruno Le Maire, le 27 avril 2024).

Ce vendredi 26 avril 2024, dans la soirée, le gouvernement français attendait avec une certaine anxiété la décision des deux agences de notation américaine Moody's et Fitch sur leur appréciation de la dette française.

Les notations de ces agences sont d'une grande importance financière pour la France et pour tous les États endettés (donc quasiment tous), dans la mesure où une dégradation de la note signifierait un risque considéré comme plus élevé de prêter à l'État en question, et donc, par effet mécanique, cela augmenterait les taux d'intérêt (le risque est toujours récompensé par le retour sur investissement).

Tout ce qu'un État paie pour la charge de sa dette est de l'argent que les contribuables n'utilisent pas pour leurs propres objectifs. En France, elle est le premier poste budgétaire, avec l'éducation, bien avant la défense. En 2023, on estime qu'au final, la charge de la dette publique de la France (les seuls intérêts) sera de 55,5 milliards d'euros (au lieu des 51,7 milliards d'euros prévus dans la loi de finances pour 2023). La loi de finances pour 2024 la prévoit à 52,2 milliards d'euros.

Il y a une certaine contradiction chez certains qui veulent dénigrer le gouvernement quand la note est dégradée, tout en voulant faire table rase de la dette. En dénigrant un pays dégradé, on accepte le principe de l'économie mondialisée qui veut que l'on ne prête pas gratuitement et que les prêteurs puissent rentabiliser leur financement. Si la charge de la dette est si lourde dans certains États, en particulier en France, ce n'est pas en raison d'une quelconque méchante finance internationale (dont nous sommes bien contents qu'elle soit là pour financer nos besoins de fonctionnement, c'est-à-dire nos retraités, nos personnels soignants, nos enseignants, nos policiers, etc.), c'est surtout que nous avons vécu au-dessus de nos capacités financières depuis plus d'une quarantaine d'années et que nous avons reporté l'addition (très salée) aux générations futures (merci à elles).

C'est pour cela que la meilleure souveraineté, la meilleure indépendance nationale, c'est encore de ne pas avoir à emprunter sur les marchés financiers internationaux, en d'autres termes, soit d'autofinancer soi-même ses emprunts (comme le fait le Japon), soit ne plus avoir de budget en déficit et rembourser définitivement sa dette (c'est plus sain). Ce serait plus sain mais cela signifierait ne plus faire de clientélisme, ne plus distribuer de l'argent à chaque catégorie qui revendique son bout de gras, et surtout, réduire la redistribution actuelle (bref, faire 144,5 milliards d'euros d'économies, le montant du déficit public prévu par la loi de finances pour 2024).

En raison d'une croissance plus faible que celle prévue dans la loi de finance pour 2023, la situation budgétaire de la France n'est pas très bonne, du moins, si on regarde les chiffres brut. Le déficit public de la France a dérapé en 2023, se hissant à 5,5% du PIB au lieu des 4,9% prévus. La dette atteint un niveau énorme, 110,6% du PIB, soit 3 000 milliards d'euros, soit environ 45 000 euros par Français, bébés compris ! C'est énorme mais elle s'explique aussi par les crises multiples que la France a traversé depuis six ans : crise des gilets jaunes, la crise du covid-19, le quoi-qu'il-en-coûte et le plan de relance, enfin, par le crise inflationniste consécutive à la montée du prix de l'énergie et aux pénuries provenant de la guerre en Ukraine. 110,6%, c'est 22 points du PIB en plus de la moyenne de la dette publique des pays de la zone euro (selon la dernière note des économistes de l'agence Rebond).



Pour autant, la situation de la France est loin d'être médiocre. Au contraire, depuis plusieurs années, la France est le pays le plus attractif économiquement de l'Europe, attirant vers elle de nombreux investisseurs étrangers. Depuis plusieurs années, on a plus d'entreprises industrielles qui se créent que d'entreprises industrielles qui ferment, avec un nombre de créations d'emplois industriels inédit depuis des décennies. Le chômage, s'il n'est pas jugulé (loin de là !), est maintenant à un taux assez faible (entre 7% et 8%), ce qui est nettement moins que du temps de François Hollande dont on évitera les analyses économiques actuelles qui sont particulièrement amnésiques en ce qui concerne sa gestion déplorable des finances publiques (avec une hausse de 70 milliards d'euros de prélèvements obligatoires !). De plus, les dépenses publiques continuent malgré tout à baisser par rapport au PIB : 59,6% du PIB en 2021 ; 58,8% du PIB en 2022 ; 57,3% du PIB en 2023. Le problème actuel provient d'une baisse de 21 milliards d'euros de recettes par rapport à ce qui avait été prévu dans la loi de finances pour 2023, en raison d'une baisse de la croissance.

Donc, malgré ce passage un peu difficile pour les finances publiques (qui va avoir pour conséquence des coups de rabot de 10 à 20 milliards d'euros, encore en débat pour la loi de finances de 2025, ce qui n'est pas rien), l'économie de la France d'Emmanuel Macron reste saine, le pays est attractif et c'est la raison pour laquelle le Président de la République ne voudrait surtout pas retourner aux mauvais réflexes de ses prédécesseurs en taxant encore plus l'activité économique, car cela viendrait gâcher tous ses efforts de redressement économique depuis 2017.

Cette analyse, que je fais, que certains font, que le "Spiegel" n'a pas hésité à faire en automne dernier en considérant la France en meilleure santé économique que l'Allemagne, elle est confirmée ce vendredi par les deux agences de notation Moody's et Fitch. On peut penser raisonnablement que leur appréciation se fait en dehors de tout esprit politicien ou de toute arrière-pensée électorale, puisque ces agences doivent préserver leur grande réputation dans les milieux financiers.

En effet, quelles sont ces appréciations annoncées ce 26 avril 2024 ? L'agence de notation Moody's a maintenu la note actuelle de la France, à savoir AA2, avec une perspective stable, jugeant que le risque de défaut de paiement de la dette était très faible et improbable. Quant à l'agence de notation Fitch, moins attendue car elle l'avait déjà annoncé implicitement au début du mois, elle a maintenu également sa note actuelle, à savoir AA–, avec une perspective stable, prenant le même chemin que Moddy's. Les deux confirment que prêter à la France est un bon placement, sans risque de déroute financière, car la France a de solides atouts économiques.

Loin de fanfaronner, le Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a profité de cs annonces, qui ont eu de quoi soulager le gouvernement français, pour rappeler les objectifs financiers des prochaines années, à savoir le 3% du PIB de déficit public en 2027. Il a raison de montrer sa volonté de sérieux budgétaire, car il manque encore l'appréciation de la troisième grande agence de notation S&P qui donnera sa note de la France le 31 mai 2024, soit quelques jours avant les élections européennes...


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (27 avril 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Agences de notation Moody's et Fitch : la France n'est pas dégradée !
Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".

 

 



16 réactions


  • Sirius Brutus 29 avril 08:43

    Vous souvenez-vous des subprimes ?


    "Dis moi qui te paie, je te dirais qui tu es"

    Les agences de notation sont financées par les banques américaines qui leur demandent d’évaluer la crédibilité d’un emprunteur, pour un prêt immobilier par exemple.

    Quel serait l’intérêt pour une banque de payer une agence si elle mettait des mauvaises notes ?

    Une banque américaine qui a accordé un prêt immobilier à un ménage, lui fait rapidement obtenir la note AAA ce qui donne une valeur « sûre » à ce prêt. Et la banque pourra créer des dérivés complexes qu’elle revendra à des investisseurs : c’est le principe de la bulle financière, vendre et revendre du vide, mais gagner de l’argent…

    Les prêteurs, donc les banques, ne vérifient plus la capacité de remboursement de leurs emprunteurs, car elle revendent directement ce prêt immobilier à des investisseurs privés ou étrangers ou se remboursent en vendant le bien hypothéqué à un prix dérisoire. Or, Les banques pratiquent avec les états la même technique qu’avec les ménages. Il faut seulement savoir ce qui est hypothéqué.

    Comme en plus, les agences de notation ne sont pas responsables si la notation est erronée, elles mettent à tous ces prêts immobiliers la note maximale, ce qui permet aux banques de s’échanger des prêts immobiliers, les taux d’intérêt évolutifs eux augmentent, et on se retrouve à devoir rembourser le prêt pour sa maison 6 000$ tous les mois, au lieu des 1 000$ prévus. C’est ça qu’on a appelé un subprime.

    L’agence de notation a tout simplement permis aux traders de spéculer sur des crédits de familles modestes et les états surendettés en accordant ces notes maximales.

    Pourquoi le gouvernement et les gouvernements européens s’acharnent-ils à ne pas se faire dégrader par ces agences ? Une dégradation augmente-t-elle le taux d’emprunt comme l’expliquent les « experts » des médias ?.

    Non, parce qu’en fait, la décision du taux d’emprunt se fait par une négociation entre le créancier et le débiteur, pas par l’agence de notation, et en fait ; les créanciers se comportent déjà comme si la France avait été dégradée, du fait de sa dette, et de sa capacité à la rembourser. Le problème est donc déjà réglé.

    Conséquences ?

    Les états européens font une course à la meilleure note qui modèle leur politique budgétaire en sacrifiant des parts de budget dans l’éducation et la santé par exemple pour ne pas se faire dégrader ! Du coup, ces agences contrôlent politiquement et économiquement ces pays qui obéissent au pied et à la lettre à ces institutions !

    Quoi d’étonnant quand un chef d’état est lui-même un ancien trader et « young leader » ?


    • pasglop 29 avril 09:49

      @Brutus
      Faut pas démoraliser Rakoto dès le Lundi matin.
      Déjà qu’Agoravox est en rade la moitié du temps...


    • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 29 avril 10:05

      @Brutus
       
       c’est intéressant, mais si les banques ont intérêt à ne pas dégrader la note de l’État, pourquoi celui-ci se rendrait-il impopulaire en taillant dans les dépenses sociales ? Je pense qu’il a d’autres motivations que celle d’obtenir un bonne note.
       


    • Sirius Brutus 29 avril 11:38

      @Francis, agnotologue
      rien n’est simple, mais le gouvernement choisit ses priorités bugétaires en fonction dela classe sociale qu’il sert, et pour avoir les voix des autres, il donne un peu de mou avant les élections et utilise la stratégie du barrage pour compléter, en brandissant l’es icone du « réflexe républicain » et de la « solidarité nationale ».
      une fois que la place est occupée, on repart comme en 14 et on donne aux banquiers la contrepartie de leur mansuétude à en trasnavser une partie dans les portefeuilles de leurs copains et une aumône pour les élus.


    • Seth 29 avril 11:49

      @pasglop

      Déjà qu’Agoravox est en rade la moitié du temps...

      C’est le miracle de la « protection » par cloudfare. Ca coupe régulièrement l’accès au site. Tous les sites l’utilisant ont le même pbm. C’est de la daube.


    • pasglop 29 avril 12:12

      @Seth
      Apparemment, Agoravox est en effet hébergé chez Cloudflare :

      nserver : alexa.ns.cloudflare.com
      nserver : harley.ns.cloudflare.com

      Je n’ai pas Cloudflare comme DNS.


  • Rappel ;

    MARGIN CALL ...


    Pour survivre à Wall Street, sois le premier, le meilleur ou triche. La dernière nuit d’une équipe de traders, avant le crash. Pour sauver leur peau, un seul moyen : ruiner les autres…



  • zygzornifle zygzornifle 29 avril 10:49

    Macron est arrivé truquer le résultat ....


  • Seth 29 avril 11:54

    La macronie pavoise dur ! Ca prouve que l’anusologue de Bercy est achtement compétent. smiley


  • sylvain sylvain 29 avril 12:24

    on est toujours de bons eleves alors, ca fait plaisir. C’est certainement le seul avantage d’un macron, ou plus generalement d’une oligarchie infeodee : notre maitre est content, nous sommes dociles.


  • ETTORE ETTORE 29 avril 12:52

    C’est un peu comme vous, Rakoto, non ?

    A quoi cela sert il de vous « dégrader », si votre agence de CON-notation vous encourage, encore et encore, à continuer à vous grad(U)er tout seul, et cela, tant que votre « dégradation », est graduée, en conséquence de cause..... De servitude ?


  • Seth 29 avril 15:37

    Je viens de remarquer le point d’exclamation en fin du titre. Du coup je ne sais pas si rakoko se choque ou se réjouit. D’après vous ?.... smiley

    Manque une émoticône pour qu’on en saisisse vraiment le sens. smiley


  • cassandre4 cassandre4 29 avril 17:10

    Les <<agences de notations>> savent à quel point les Français sont taxables et corvéables à merci !.. (un vrais troupeau de moutons !..) et que la crainte de la guerre (distllée par Macron !..) les rend veules et dociles !..


  • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 30 avril 11:25

    Les agences de notation ont été très contente d’entendre Macronix vouloir jouer à économie-de-guerre-on-all-planet-market, simplement.


  • Parrhesia Parrhesia 30 avril 18:48

    >>> La France n’est pas dégradée... <<<

    Ce sont précisément les nouvelles bizarreries de la logique et de la morale du capitalisme exclusivement financier et de ses monnaies non indexées !!!

    J’essplique (comme disais feu Georges Marchais).

    a) Par soumission au capitalisme exclusivement financier, la France s’endette un peu plus chaque jour dans des aventures guerrières et autres décisions intérieures et extérieures on ne peut plus contestables !

    b) Pour satisfaire le besoin de monnaie ainsi créé, les autorités financières décident arbitrairement et sans contrôle aucun de créer des suppléments de monnaie de singe non indexée.

    c) Les Agences de notation récompensent ensuite les restes de la France en lui maintenant sa bonne note bidon.

    d) Les autorités mondialistes utilisent enfin cet endettement supplémentaire pour augmenter la dépendance des restes de la France vis à vis du N.O.M. dans tous les domaines.

    Et hop ! Le tour est joué ! C’est comme cela que les restes de la France (et quelques autres collègues) sont passés du coup sous autorité mondialiste.


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