vendredi 26 octobre 2007 - par ÇaDérange

Autre exemple de distorsion de concurrence : France télécom...

J’ai déjà eu l’occasion de vous signaler les entraves à la concurrence que la SNCF puis GDF avaient fait subir aux nouveaux arrivants sur leur marché (messages du 5 septembre puis du 11 octobre) du fait de la propriété ou de l’exploitation de leurs réseaux respectifs.Ce qui me paraissait particulièrement gênant dans ces pratiques, c’est qu’elles donnent du corps à l’opinion de la Commission de Bruxelles que la possession des réseaux et la production des "produits" qui circulent sur ces réseaux devraient être totalement indépendants les uns des autres, au moment même où ce sujet est en discussion serrée entre la Commission et les pays membres. Alors que nos opérateurs historiques tiennent à cette maîtrise des réseaux comme à la prunelle de leurs yeux.

Malheureusement, en voici un autre exemple dans nos entreprises nationales, puisqu’il s’agit de France Télécom qui vient de "prendre" 45 millions d’euros d’amende supplementaire pour entrave à la concurence par abus de position dominantecanalblog219 dans les années 2001/2002 par le Conseil de la concurrence français. Il s’agissait à l’époque de freiner l’arrivée de Club Internet et de Liberty Surf sur le marché de l’ADSL.

Ce que reproche le Conseil de la concurrence à l’opérateur historique, c’est d’avoir "pratiqué la discrimination et le dénigrement à l’encontre des concurrents, ce qui a contribué à élever des barrières à l’entrée et a été un des facteurs de la lente pénétration du haut débit en France". Circonstance aggravante, France Télécom n’a pas contesté les faits et s’est engagé à changer de comportement ce qui lui a valu d’ailleurs une ristourne sur sa pénalité...

Au total ce sont 470 millions d’euros que France Télécom a dû payer comme pénalités suite à des actions en justice sur différents sujets pour des abus de position dominante (voir ci-contre).

Alors que pas plus tard que mi-octobre, la commissaire en charge des télécommunications, Viviane Reding, a fait approuver par la Commission de proposer aux pays membres de créer une autorité européenne des télécoms, l’ETMA pour European Telecom Market Authority, dont un des rôles sera de donner un avis sur les séparations fonctionnelles entre gestion des réseaux et commercialisation des services. Nul doute que cette nouvelle condamnation amènera de l’eau au moulin des partisans de la séparation...

Et alors qu’un autre facteur, technique cette fois, plaide également pour une séparation des réseaux. Il s’agit en l’occurrence de l’énormité des investissements à effectuer pour mettre en place le très haut débit et la fibre optique (30 milliards d’euros en France) sur lesquels chaque opérateur planche en ce moment. Une entité commune régie par l’Etat, comme il existe RFF pour les réseaux ferrés, permettrait sans nul doute de partager les investissements entre opérateurs plutot que de les multiplier en les juxtaposant.

Dommage pour France Télécom d’avoir voulu empêcher à toute force la concurrence d’entrer dans son pré carré, elle risque d’en payer le prix maintenant.On les comprend, c’est une posture commerciale classique, mais la résistance jusqu’au-boutiste dans une Union européenne dont le credo est l’économie de marché est un comportement du passé.

NB : La condamnation de France Télécom, par la Cour de Justice de Luxembourg, à rembourser 1 milliard d’euros à l’Etat français, qui apparaît dans la presse pour trop perçu de subventions n’est qu’une mesure temporaire qui ne présume pas d’une autre distorsion de concurrence éventuelle. Elle est dû au caractère non suspensif de l’appel qu’a fait France Télécom du premier jugement, le jugment sur le fond étant attendu pour 2008. Ce sont plutôt les services de l’Etat qui sont en cause pour leur manque d’action à récupérer ces montants depuis 2004. Ils sont de ce fait sous la menace d’une procédure d’infraction devant la justice européenne mais ce qui me paraît le plus ennuyeux, c’est que cela semble montrer une collusion entre l’Etat et France Télecom. Un exemple de plus de la république des copains ?



4 réactions


  • stephanemot stephanemot 26 octobre 2007 15:33

    FT a longtemps eu une approche assez microsoftienne de la concurrence et en subit logiquement les consequences.


  • Céphale Céphale 26 octobre 2007 19:30

    Il est impossible qu’il y ait une libre concurrence entre les opérateurs du téléphone, puisque le Groupe France Telecom, comme les autres opérateurs historiques, a une double casquette. D’une part, il est concepteur et installateur de réseau, d’autre part, il est exploitant et commerçant de services.

    Le même problème se pose pour EDF et la SNCF. Comme France Telecom, ce sont des services publics. A ce titre, ils ont pour mission de préparer l’avenir au prix de lourds investissements dans la recherche et le développement dont les effets n’apparaissent qu’après plusieurs années. Les autres opérateurs n’ont ni le désir ni les moyens de le faire. En outre il est économiquement contre-productif de doubler les réseaux.

    La politique de démantèlement des services publics menée par Bruxelles nous oblige à vivre dans cette situation. Les usagers en sont les premières victimes, puisque cette concurrence entre les commerçants du téléphone, Bouygues, SFR, etc. n’a eu pour conséquence que de faire monter les prix sans améliorer la qualité du service.


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 26 octobre 2007 21:30

      Bonjour,

      Vous avez tout à fait raison de faire remarquer que l’ouverture qui s’est exercée dans la téléphonie mobile a abouti à... une entente illicite sur le dos des consommateurs (arrêt de la Cour de Cassation en juin 2007) !

      On a bon dos ensuite d’accuser France Télécom de pratiques monopolistiques puisque plusieurs acteurs peuvent très bien mettre en coupe réglée un marché. La peur de voir Free rentrer dans le marché de la téléphonie mobile est à ce titre symptomatique d’une peur de devoir avouer que les prix sont artificiellement gonflés dans ce domaine : la Commission Européenne elle même s’est émue de la situation concernant par exemple le prix des télécommunications à l’étranger (roaming).

      Cordialement


  • fkl... 27 octobre 2007 18:32

    Quand on sépare la distribution du produit distribué, on aboutit à un paradoxe. La distribution devient monopolistique sauf si on démantèle le réseau comme pour l’eau et ce n’est pas le meilleur exemple en matière de baisse des prix.

    De plus le distributeur n’a plus qu’une recette, celle de l’acheminement (péage) et bien sûr l’autorité chargée de surveiller tout ça impose la baisse des coûts et le respect de la concurrence, alors comment investir lourdement sans avoir le monopôle qui garantie la rentabilité sur le long terme ? Je ne suis pas farouche à la concurrence mais remplacer une idéologie par une autre ne m’emballe pas vraiment. A une certaine époque la création d’ EDF- GDF- FT a permis la croissance.

    Pour l’énergie je ne suis pas convaincu de l’opportunité d’ouvrir à la concurrence. L’histoire parlera.


Réagir