lundi 15 mars 2010 - par
Baisses/hausses des impôts locaux : quand l’Etat se défausse sur les collectivités
« Donnez nous vos suffrages, et nous promettons, une fois à la tête des régions, de ne pas augmenter les impôts ».
Voici, en substance, que ce que le parti de la majorité présidentielle et ses alliés martèlent depuis le début de la campagne des régionales. Une promesse électorale qui ne coûte pas beaucoup aux candidats, au sens où d’une part il n’est nullement question de baisser des impôts fiscaux abusifs, mais seulement de les maintenir au niveau actuel, et d’autre part de se contenter de promettre un statu quo sur l’impôt, sans se prononcer sur les taxes. Ce qui permettra, in fine, en cas de succès électoral, aux candidats de l’union de la majorité présidentielle, de se dédouaner auprès des électeurs, quand se rajouteront aux prélèvements des contribuables locaux ou/nationaux la taxe carbone ou/et la contribution locale censée remplacer la taxe professionnelle.
Cet engagement peu mobilisateur et fort peu coûteux, est cependant doublement intéressant, au sens où manifestement les élus – toute tendance politique – jouent ou surfent sur l’ignorance des citoyens, en matière de fiscalité et d’organisation du territoire, pour mieux cacher les vrais raisons de la hausse exponentielle des prélèvements (impôts + taxes) au niveau local comme national.
Il convient, en effet, de se rappeler que la France a choisi comme régime politique la République. Une République, qui depuis les lois sur la décentralisation de 1982 à nos jours et la révision constitutionnelle de 2003, est décentralisée. Ce qui signifie que les élus nationaux transferts aux collectivités territoriales (UE, régions, départements, (communautés de) communes, etc.) un certain nombre de compétences (et non de souveraineté ou de pouvoir : la chose est interdite aux élus nationaux) que l’Etat s’estime être (pour des raisons diverses et pas toujours bien justifiées, sinon une démission volontaire pour des raisons financières ou/et économiques) moins capables que la ou les collectivité(s) à assumer.
Il en résulte donc que les collectivités territoriales agissent en lieu et place de l’Etat, et sous son contrôle. Car la décentralisation n’a absolument rien à voir avec le fédéralisme, voire même avec une administration à l’espagnol. Autrement dit, les collectivités territoriales sont libres de déterminer des politiques liées à leurs compétences – pour les régions ces compétences sont essentiellement la gestion des lycées, les transports, et la formation professionnelle (75% du budget, au moins, leur est consacré) auxquelles s’ajoutent des compétences sociales et économiques (définition de plans directeurs pour favoriser la croissance de la région) – mais elles dépendent, pour leurs ressources, de la manne publique via une dotation de l’Etat qui représente pas moins de 60% de leur budget et des impôts locaux, qui ne sont pas déterminés par elles, mais par le Législateur seul. (Le pouvoir législatif n’étant pas transférable dans un système « décentralisé » mais pas « fédéraliste » ou « d’autonomies » à la manière espagnole.
Les élus locaux sont, dès lors, très marginalement responsables des « impôts » ou « taxes » qui frappent leur administration, dès lors qu’ils ne font, in fine, que prélever – c’est-à-dire fixer des taux, eux-mêmes encadrés par le Législateur via la loi des finances (en fait le Gouvernement, étant donné les étroites marges du Parlement en la matière : le Gouvernement peut, en effet, contraindre le Parlement à voter le projet de loi des finances en recourant aux privilèges que lui octroie, en la circonstance, la Constitution de 58) – les impôts et taxes, qui en respect de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, sont déterminés par le Législateur qui est seul à pouvoir créer ou supprimer des prélèvements, seul à pouvoir fixer l’assiette de l’impôts, seul à pouvoir exonérer d’impôts certaines catégories de contribuables, et seul encore à pouvoir fixer et encadrer la durée des prélèvements. Et tout aussi seul à détenir le monopole de la fiscalité : opportunité des prélèvements, utilité de ces derniers, et suite à donner à un impôt « stupide »…Tout dépend, exclusivement, du Législateur.
Autant dire que si les collectivités territoriales, à bon droit, peuvent être jugées sur les taux d’imposition qu’elles fixent – mais qui sont strictement encadrés par le Législateur, via des mécanismes qui expliquent certains choix locaux – mais qu’elles ne déterminent pas (ce qui fausse dès lors les comparaisons avec les landers allemands ou les autonomies espagnoles, sans parler des Etats américains, qui avec plus ou moins de marges sont directement responsables des impôts locaux, au sens où ils déterminent ces derniers, et ne font pas que les prélever, autrement dit les collecter) et sur la manière dont elle effectue la redistribution de l’impôts et des taxes, via leurs choix politiques effectués dans le cadre des compétences qui leur ont été transférées ou/et des compétences qu’elles partagent via des financements croisés – quand plusieurs collectivités s’inscrivent dans un projet commun, qu’elles n’auraient pu réaliser seules – on ne saurait imputer aux dites collectivités des choix faits par l’Etat, qui contraignent ces dernières à augmenter ou baisser les prélèvements locaux, et cela quels que puissent être, à cet égard, les taux d’imposition pratiqués par lesdites collectivités.
Xavier Bertrand promet aux électeurs, pour les régionales, de maintenir les impôts à leur niveau. Une promesse qui n’engage que lui, et qui ne saurait être tenu, sans le concours du Parlement.
Or…Si le parti présidentiel est majoritaire à l’Assemblée Nationale et trouve une majorité au sein du Sénat, on peut douter que le Législateur se sente engager par des engagements locaux pris par des candidats, qui n’ont qu’une marge très étroite sur la question – les taux d’imposition : lesquels sont encadrés par le Législateur – puisque la France n’est pas un Etat fédéraliste.
Voter pour l’UMP et ses alliés ne changeraient donc rien, au plan local, à la situation. Car le principal responsable des impositions locales, est avant tout le Légisateur, qui détermine les prélèvements…Ne laissant, in fine, aux collectivités territoriales, que le soin de répartir ces derniers, au niveau local.
Les électeurs – et surtout les contribuables – seraient donc bien inspirer de renvoyer la balle au chef de l’UMP : « nous avons voté pour vous aux législatives et à la présidentielle : qu’attendez vous pour réformer le système fiscal » !
Assumer le poids conséquent de l’Etat dans la fiscalité locale ou rendre "fédérale" - en donnant aux élus locaux la possibilité de déterminer leurs ressources (les impôts et taxes) et pas seulement la fixation des taux - voilà un choix courageux que devrait prendre la majorité UMP/NC.
Mais le prendra-t-elle, si elle détient, ne serait ce qu’une région sur le territoire ? On peut en douter.