samedi 27 juillet - par Laurent Herblay

Ce que le Japon dit de notre « impasse budgétaire »

Lundi, la Cour des comptes a publié une note sur « la situation et les perspectives des finances publiques  ». Par-delà les questions que pose la date de publication de cette note, qui n’a pas pu embarrasser l’équipe sortante avant les élections, c’est un condensé de la pensée molle et conformiste qui échoue depuis des décennies en France. Pourtant, un pays a montré qu’il était parfaitement possible d’échapper à l’austérité, à condition de maîtriser sa politique monétaire : le Japon

 

Un faux problème rendu réel par l’euro

A tous les perroquets austéritaires qui veulent poursuivre l’appauvrissement des services publics et le recul de la solidarité nationale, beaucoup d’arguments pourraient être opposés, si tant est qu’on donnait la parole à des penseurs non conformistes. D’abord, on pourrait opposer que cela fait des décennies que nos dirigeants veulent atteindre un déficit de 3% du PIB, que cette quête semble sans fin, et que l’augmentation du niveau de la dette publique se poursuit. On pourrait en tirer deux conclusions. D’abord, que les effets pervers de l’austérité contribuent, relativement paradoxalement, à creuser les déficits et la dette, en asphyxiant nos économies et en paupérisant les Français, ce qui pourrait pousser à changer de logiciel. De plus, cela relativise grandement les cris d’alarme de l’Ifrap et compagnie, qui n’étaient pas moins alarmistes en 2013 et nous annonçaient la quasi faillite sans changement de cap.

Le niveau des déficits et de notre dette ne semble guère impressionner les marchés, qui continuent de prêter largement à la France, sans sembler véritablement se soucier d’un quelconque risque. La hausse des taux des deux dernières années a surtout à voir avec le rebond inflationniste temporaire orchestré par le mécanisme fou de fixation du prix de l’électricité dans l’UE. L’explosion des factures de cette ressource si fondamentale pour nos économies a été aggravée par l’effet d’aubaine que cela a créé pour des multinationales en position de force sur leurs marchés, qui en ont profité pour augmenter les prix au-delà de leurs coûts, et gonfler plus encore leurs profits. La BCE, avec son mandat à courte vue, a remonté plus que de raison et brutalement les taux, créant un renchérissement préoccupant du coût de la dette publique dans toute l’Europe, refusant de voir que la hausse de l’inflation n’était que conjoncturelle…

Normalement, nos pays ne devraient pas s’inquiéter de la situation. En effet, la décennie 2010 nous a permis d’expérimenter une monétisation des dettes publiques raisonnable mais décisive, y compris dans la zone euro. Début 2022, plus du quart de notre dette publique, à l’époque 741 milliards sur 2813, était détenue par la Banque de France (671) et la BCE (70). Ce faisant, cette dette est parfaitement virtuelle puisqu’elle revient à détenir une créance sur nous-même et les intérêts que nous payons sont payés à nous-même… En clair, la situation n’est pas aussi inquiétante qu’elle n’en a l’air sur le front de la dette publique. Plutôt que parler des plus de 3000 milliards de dettes publique, nous devrions parler d’environ 2400 milliards de dette publique nette, sensiblement sous les 100% du PIB. Tout le problème est qu’aujourd’hui, la monétisation des dettes publiques de la zone euro a été stoppée et que certains poussaient même à une revente de ces titres par les banques centrales, sans que rien ne justifie cela pourtant.

En outre, un cas montre qu’il est possible de mener des opérations de monétisation encore plus importantes : le Japon de Shinzo Abe. En 2012, ce pays affronte une dette de plus de 200% du PIB et un déficit budgétaire bien plus important que le nôtre (9,8% du PIB sur cette année). Le pays cherche également à lutter contre la déflation produite par une demande intérieure trop faible. Le Premier ministre décide alors de mener une politique massive de rachat de la dette publique par la Banque du Japon, à hauteur de plus de 10% du PIB tous les ans depuis. Même si cela est ignoré par les grands médias, aujourd’hui, largement plus de la moitié de la dette publique du pays (250% du PIB) est détenue par la banque centrale, ce qui signifie que la dette nette du pays est finalement proche de celle des pays européens. C’est une voie originale de désendettement, qui n’a pas produit de dérapage inflationniste, ce qui a probablement décidé les pays européens à pratiquer ce type de politique il y a quelques années, à moindre échelle.

Par-delà la révoltante absence de débat sur cette question économique fondamentale, même si nous avons vu qu’il était possible de mener une telle politique dans la zone euro, bien des questions se posent. En effet, si le Japon a pu mener cette politique, c’est aussi parce qu’il a sa monnaie, et une banque centrale qui suit les décisions du gouvernement. Dans la zone euro, mener une telle poltique suppose non seulement l’accord des autres pays, mais aussi des technocrates de la BCE… En outre, il est absurde de vouloir mener la même politique monétaire dans un ensemble aussi hétéroclite. Si les Allemands ne voulaient pas monétiser, cela devrait être leur seul choix. Mais si les Italiens et les Français le souhaitaient, alors, nous devrions pouvoir mener cette politique de désendettement à bon compte, quand elle est bien mesurée. Il est évident que les besoins de Berlin ne sont pas ceux de Rome et de Paris.

Revoilà les vices de forme de cette monnaie unique. Le plus petit dénominateur commun est une politique bien trop austéritaire et sortie du cadre démocratique. Plutôt que répéter les politiques qui ont échoué depuis 40 ans, nous pourrions suivre l’exemple du Japon, nous désendetter, tout en relançant les investissements publics. Mais pour cela, il faudrait non seulement quitter la monnaie unique européenne, mais aussi rompre avec la prétendue indépendance des banques centrales



8 réactions


  • amiaplacidus amiaplacidus 27 juillet 10:21

    Comparer le Japon est la France est une hérésie économique.

    .

    La dette publique japonaise est une dette interne : ce sont les Japonais qui prêtent à l’administration japonaise.

    .

    La dette publique française est une dette externe : ce sont, en grande partie, des étrangers qui financent cette dette.


    • pasglop 27 juillet 19:12

      @amiaplacidus
      Oui, mais la banque centrale japonaise est ... japonaise, et donc sous l’autorité du gouvernement.
      Le fait que les dettes publiques européennes soient en grande partie externes est un choix politique, qui, structurellement échappe à l’autorité des gouvernements.


    • titi titi 27 juillet 19:55

      @pasglop

      "échappe à l’autorité des gouvernements.

      "

      Dès qu’un gouvernement présente un budget déficitaire, alors la situation lui échappe.

      Euro ou pas euro.


    • Doume65 27 juillet 22:15

      @titi
      pasglop n’a pas dit que la situation échappe au gouvernement. Il a parlé du choix politique. Et si ce choix lui échappe, c’est bien parce que le pays a adopté l’Euro. Tu as encore pollué le forum pour énoncer une bêtise. Dommage.


    • amiaplacidus amiaplacidus 28 juillet 09:19

      @amiaplacidus :

      Comparer le Japon est la France est une hérésie économique.


      Comparer le Japon ET la France est une hérésie économique.

      Décidément, hier, ce n’était pas mon jour.


    • titi titi 29 juillet 13:52

      @Doume65

      "Il a parlé du choix politique. Et si ce choix lui échappe, c’est bien parce que le pays a adopté l’Euro

      "

      De quel choix politique tu parles ?

      Celui de financer un état providence sans en avoir les moyens ?

      Je veux bien que tu m’expliques en quoi l’euro empêche de faire ce que tous les gouvernements font depuis 43 ans.


    • Doume65 29 juillet 20:14

      @titi
      « Je veux bien que tu m’expliques en quoi l’euro empêche de faire ce que tous les gouvernements font depuis 43 ans »
      Un bon point pour ta rhétoriques. Tu es fort là-dessus ! Tu réussis en deux post à faire dire deux fois à tes détracteurs ce qu’ils n’ont pas dit. Je n’ai jamais parlé de ce que les gouvernement font depuis 43 ans.
      Si tu voulais honnêtement me comprendre, tu aurais posé une question ressemblant à « je ne vois pas ce que le fait d’être dans l’Euro change »
      Et j’aurais pu te répondre : « D’une part la France pourrait choisir sa politique monétaire et d’autre part la banque centrale serait la banque de France et non la BCE, ce qui donnerait plus d’indépendance à la France. »


  • Jean Keim Jean Keim 30 juillet 08:59

    Dans l’évolution des monnaies, il a fallu passer par des stades divers comme l’acceptation du billet de banque qui tout auréolé de son image iconique, n’a pourtant que l’exacte valeur que nous lui attribuons, cette image a été forgée et imposée par ceux qui avaient intérêt à ce qu’il en fût ainsi ; la monnaie permet plus aisément la spéculation qui si ‘’elle enrichit les riches, appauvrit les pauvres’’ le dire est une tautologie.

    Une addiction comme par exemple l’alcoolisme ne peut être soignée que par un sevrage, peut-être devrions-nous envisager une sorte de sevrage vis-à-vis de l’argent-fric...


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