mardi 14 octobre 2008 - par Laurence Bonzani, Serge Guérin, Safia Lebdi et Jean-Marc Pasquet

Crise financière en bas de chez moi

Avenue Parmentier, on pourrait tenir un siège de plusieurs siècles et y vivre en parfaite autarcie. Loin des flashs spéciaux, les ravages de la finance globale se répercutent sur cette « petite Champs-Élysées » encore populaire et très commerçante de l’Est parisien.

Il y a quelques semaines déjà, la fleuriste du numéro 133 m’avait indiqué un repli soudain vers le bouquet garni, au détriment de la créativité de la patronne. Aujourd’hui, c’est le serveur du restau-sashimi attenant qui vitupère sur le rush sur les formules-brochettes à 7,5 euros le midi. Plus bas, la pharmacie de l’angle, côté pair, indique une demande inhabituelle de médicaments génériques. C’est au 115, que le patron de « La Fauvette » se fait le plus prolixe. Le tenancier du café-brasserie, quartier général des parents d’élèves du réseau RESF, est formel : « le plat du jour n’est plus accompagné du quart de rouge ». On a beau ici tenir le sandwich à moins de 4 euros, le café à moins d’1,5 euros, rien n’y fait. Même le couscous « à partir de 11 euros » ne connaît plus les tensions habituelles du samedi midi. Pire encore, quelques clients fauchés prétextent une conso au comptoir pour aller siroter leur café dehors, debout, en gênant ceux de la terrasse. La crise du pouvoir d’achat ne fait pas que des malheureux.

Petit répit pour le thon rouge en cette fin d’année 2008. Plus proche, dans la vitrine de l’agence Orpi, les annonces immobilières sont toujours comme poisson dans l’eau. Le 25 à 30 m2 à 750 euros mensuel est toujours barré d’un « loué » et le petit deux-pièces « à rafraîchir » frôle toujours à la vente les 200 000 euros. A la supérette du coin, on croise toujours autant de visiteurs silencieux du soir. Les invendus du jour évitent de justesse les poubelles et trouvent place dans l’assiette d’heureux habitants. La chaîne de pizzas d’en face ne semble pas désemplir...

Mais c’est à la poste de la rue des Goncourt que se prend le mieux le pouls du quartier. Dans les files d’attente toujours dignes d’un capharnaüm, on sent comme une humeur plus fébrile qu’à l’accoutumée. Dans la courette de mon immeuble où les agents du tri font leur pause clope de 7 h 30, la discussion sur la multiplication des recommandés ces derniers temps m’avait mis sur la piste d’un indice. Dans la cantine turque à proximité où les rares ouvriers (du bâtiment) viennent avaler des plats copieux à bon marché, l’énigme n’a pas fait long feu. Des messieurs aux costumes sombres et portant des têtes inconnues somment les concierges de leur ouvrir les bas d’immeubles. Ils sont là. La dépression a déjà commencé.



16 réactions


  • Trashon Trashon 14 octobre 2008 14:29

     smiley vous avez encore des concierges vous ???


  • Plus robert que Redford 14 octobre 2008 14:32

    Sobre, mais efficace
    Continuez !


  • ASINUS 14 octobre 2008 15:00

    yep , de premiere !


  • Pierre de Vienne Pierre Gangloff 14 octobre 2008 15:02

    Bien vu, le réalisme contre l’abstraction. ( La seule abstraction que les libéraux acceptent : celle des chiffres). Cela sonne comme une chanson, une valse, sans musette ( elle est vide ).


  • Lisa SION 2 Lisa SION 14 octobre 2008 15:53

    " On a beau ici tenir le sandwich à moins de 4 euros, le café à moins d’1,5 euros, rien n’y fait. Même le couscous « à partir de 11 euros "

    Si l’on y regarde bien, l’Etat qui charge à mort en multipliant par deux le prix d’achat ( avant taxes de chaque matière première ) peut déja agir en soulageant d’autant le commerçant. En effet, la bouteille de Beaujolais nouveau que l’on trouve à trois euros dans le commerce, est vendue six euros au cafetier. C’est déja pour cette raison qu’il ne peut mettre le verre de douze centilitres à un euro et en vendre huit, avec ses frais et un bénéfice garanti.

    le café que l’on consomme à n’importe quelle heure impose une machine qui reste allumée toute la journée et est très souvent trop chaud. Dans d’autre dispositions, il pourrait être d’un prix de revient inférieur etpour l’occasion d’une qualité supérieure...et pour un euro.

    Je ne suis pas pour l’inflation. J’ai donc bloqué le prix de mes chambres depuis le trnsfert des prix à l’euro. Bien sûr, mes charges augmentent, mais ma clientèle également puisque je suis désormais quasiment le moins cher de toutes les chambres d’hôtes du département.

    A bon entendeur...bienvenue !


  • zepolo 14 octobre 2008 18:14

    je voudrais egalement feliciter M.Pasquet
    son article est bigrement efficace


  • Bernard Dugué Bernard Dugué 14 octobre 2008 18:41

    Rien à ajouter à cet billet auquel j’avais attribué un feu vert pour publication

    C’est du vécu et ça complète tous ces indices que nous pouvons signaler ici ou là. Certains se souviennent peut-être de mon billet où j’évoquais cet espace publicitaire vide pendant trois mois et ce resto peinant à afficher complet


    • ASINUS 14 octobre 2008 22:02

      vite un exorciste !je suis d accord avec P Reneve ,c est grave docteur ????


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 14 octobre 2008 22:39

      Bon, la prochaine fois, je fermerai ma gueule, Philippe Renève ne m’aime pas, pourtant, je ne lui en veux pas. Je crois qu’il ne me comprend pas et nos échanges n’ont en vérité, aucun intérêt


  • Parpaillot Parpaillot 14 octobre 2008 20:10

    @ l’Auteur :

    Votre article m’a plu, à moi aussi. Sobriété, juste ce qu’il faut pour laisser deviner le reste, les angoisses ...

    Cordialement !


  • aurelien1818 aurelien1818 14 octobre 2008 23:49

    Je reviens de 2 supermarchés auchan et carrefour, il y a en tout et pour tout une trentaine de clients dans tous le magasin.
    Il n’y a aucune file d’attente aux caisses, du jamais vu !

    Même ambiance hier au virgin sur les champs elysées, seulement quelques touristes. Apparemment les gens ont peur de dépenser.
    Il paraitrait aussi que les cafétiers ont perdu 30 % de leurs chiffres d’affaires.
    Question, combien de temps peut on tenir sans faire les courses ?


  • Mauvaisens 15 octobre 2008 00:26

    Bonsoir, j’ai adoré l’article.
    Mais bon , toutes villes ne sont pas pareilles.
    Moi je suis en relation avec une étude notariale pour acheter un bien, et si cette été c’était calme, cette semaine on m’a dit que c’était reparti. (pourtant aucune baisse de prix dans ce coin de bretagne)
    Une commerçante se plaignait l’année dernière de son chiffre d’affaire plat, au jourd’hui ,depuis 2 mois c’est reparti aussi.
    Donc va savoir avec ça !
    bonne soirée


  • lharmas 15 octobre 2008 11:53

    "Des messieurs aux costumes sombres et portant des têtes inconnues somment les concierges de leur ouvrir les bas d’immeubles. Ils sont là. La dépression a déjà commencé"

    C’est peut-être pas la peine de tant en rajouter, non ?

    A Toulouse il doit y avoir un micro-climat économique car les parkings d’hypermarchés sont pleins même en semaine. Au LeroyM, itou.
    Les gens font peut-être plus attention qu’avant et il est bon de l’observer, mais attention à rester juste et vrai.

    Et c’est un décroissant qui l’écrit.


  • sirius521 sirius521 15 octobre 2008 13:04

    Très bien rédigé, bravo, Amélie Poulain version récession...


  • Pépé le Moco 15 octobre 2008 23:47

    L’excès de consommation a été l’apanage des pays occidentaux, durant ces 40 dernières années.

    Peut-être que cette situation rendra certains concitoyens nationaux, plus respectueux des ressources terrestres qui sont limitées ?

    Peut-être, également, que ces derniers prendront enfin conscience qu’il y a 40 ans, 400 millions de personnes souffraient déjà de sous-alimentation. En 2005, cette population avait plus que doublé, soit 842 millions.

    Dans la situation actuelle, les citoyens français (même les commerçants) devraient faire preuve de magnanimité, et se demander si cette crise, en fin de compte, n’est pas bénéfique ?


  • Battement d’elle 19 octobre 2008 15:57

    @ l’auteur

    Géniale votre façon de relater les choses.... votre style est excellent !


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