mardi 11 mai 2010 - par bisane

De l’utilisation faite par les sociétés de crédit du “traitement des situations de surendettement”

Les sociétés de crédits usent (et abusent parfois !) des recours et appels qu’autorise la procédure liée au surendettement, à moindres frais… pour elles !
Des recours qui contribuent à ralentir le traitement des dossiers de surendettement, à engorger les commissions de surendettement (Banque de France) et les tribunaux, et participent largement à la précarisation des foyers en situation de surendettement.
Quelques réflexions sur le sujet, qui font suite à la remarque faite par la Cour des Comptes concernant ces procédures, qui bénéficient autant (mais autrement !) aux “établissements financiers prêteurs” qu’aux surendettés eux-mêmes…

Quelques semaines après le vote par le Sénat de la Réforme du Crédit à la Consommation, me voilà prise d’un élan inexorable de rebondir sur ce qu’a dénoncé la Cour des Comptes dans son rapport sur le surendettement...

La Cour des Comptes souligne en effet que les établissements financiers prêteurs le sont aussi [bénéficiaires de la procédure], la procédure leur permettant d’économiser des coûts de contentieux et organisant à peu de frais le traitement de défaillances souvent imputables à des octrois de crédit imprudents.
Et suggère de mettre en place un dispositif de participation des établissements de crédit aux coûts de fonctionnement des commissions.

Rassurez-vous, ce n’est absolument pas prévu dans la réforme citée plus haut !
Et pourtant...

Participant régulièrement depuis environ un an à un forum concernant le surendettement (et les surendettés !), je suis de plus en plus éberluée, irritée, outrée, par l’utilisation abusive pratiquée par certains organismes de crédits de ces procédures, et des recours possibles.

Passe encore en effet que ces sociétés s’élèvent contre la recevabilité d’un dossier, au prétexte que l’emprunteur n’est pas de bonne foi, ou s’est endetté volontairement.
Ces recours sont fréquents lorsque le dossier contient un rachat de crédit, dont le contrat stipule, écrit en tout petit, et bien souvent passé sous silence, que l’emprunteur s’engage à ne pas souscrire d’autres crédits.
Lesquels “racheteurs de crédits” oublient un peu facilement que s’ils diminuent de fait les mensualités, le coût du crédit lui-même s’avère, au final, à peu près équivalent à celui du départ. Et ont tendance à négliger leur responsabilité concernant leur obligation de conseil, d’information et de mise en garde ! A noter que la Cour des Comptes elle-même parle “d’octroi de crédits imprudents”…
D’une manière générale, l’autre raison invoquée pour un recours contre la recevabilité est la présence d’un bien immobilier, même si celui-ci est en cours d’acquisition, et fait donc aussi l’objet d’un emprunt.

Mais les organismes prêteurs peuvent aussi faire traîner la procédure de différentes manières :

- en ne répondant pas lors de ce qu’il est convenu d’appeler la “phase de négociation amiable”, où la commission de surendettement contacte chacun des créanciers pour lui proposer un plan conventionnel de redressement… ce qui fait allonger les délais de traitement, et monopolise l’énergie d’un gestionnaire de la Commission de Surendettement pour pas grand chose

- étape suivante : refus de ce plan amiable, qui aboutit généralement à ce que la commission de surendettement établisse des recommandations… c’est-à-dire un plan qui ressemble de très près au plan amiable ! Quelques semaines de traitement supplémentaires… pour pas grand chose !

- dernière étape : refus de ces mesures recommandées, qui obligent à une comparution devant le JEX (Juge de l’Exécution)… et font gagner encore quelques semaines supplémentaires ! Cette dernière étape aboutit en tout état de cause à ce que le KEX impose des “recommandations forcées”, qui ressemblent généralement beaucoup aux recommandations, qui elles-mêmes s’apparentent largement au plan amiable...

Autant dire que ces différents recours aboutissent généralement à ce que le requérant ne gagne au final que quelques cacahuètes... en monnaie de singe ?

Mais, vous demandez-vous peut-être, en quoi cela me pose-t-il problème ?

Eh bien, tout d’abord, cela me pose le même que celui que j’ai évoqué dans la Chronique d’un Surendettement. Il semble bien que les professionnels prennent en effet un malin plaisir à retarder la décision finale, pour des raisons qui paraissent souvent tout à fait futiles. N’empêche que ces atermoiements prolongent les procédures, et encombrent les tribunaux, souvent pour pas grand chose. Comment s’étonner alors que la Justice soit particulièrement lente, en France ? Et qu’au-delà de l’insatisfaction des justiciables, cela représente un coût, pour la Société toute entière, et donc pour le contribuable.
Nul doute que si des sanctions étaient prises contre des recours "abusifs", ou des ralentissements volontaires et injustifiés, les économies réalisées seraient bien plus conséquentes que la réorganisation territoriale (réforme de la carte judiciaire) menée par Mme Dati !
Et satisferaient davantage le justiciable lambda.

Ensuite, et c’est plus pernicieux, parce que dans le cas particulier des procédures de surendettement, comme le souligne la Cour des Comptes, toutes ces “démarches” et stratégies sont absolument gratuites pour les sociétés de crédits et autres banques (en dehors des avocats éventuels), et qu’elles y auraient sans doute moins recours si elles devaient mettre la main au porte-monnaie... ou au porte-feuilles !
Mais surtout, parce que pendant tous ces délais, les intérêts liés aux différents prêts et crédits continuent de courir. Quand on sait que ceux des crédits revolving frôlent le taux d’usure (voire le dépassent quand on y inclut les assurances), on peut légitimement s’interroger sur la raison réelle de la multiplication de ces recours…

A quand une évaluation du coût pour la Société de ces recours “gratuits”, dans tous les sens du terme ?
Car j’ai oublié de vous dire qu’il reste une dernière possibilité d’appel, après les “recommandations forcées” : il s’agit de la procédure civile, qui mène donc au tribunal, comme dans n’importe quel litige de cet ordre. Or, très curieusement, cette possibilité n’est utilisée que très exceptionnellement !
Mais cela n’a certainement rien à voir avec le fait que celle-ci ait un coût….

Et je passe sous silence le côté humain de la chose, à savoir que ces délais interminables laissent les surendettés dans une situation d’attente, de doute, d’inquiétude, d’incertitude, qui sont inadmissibles… quand ils ne sont pas justifiés !
D’autant qu’entre-temps, ces mêmes surendettés continuent de recevoir des relances tant téléphoniques que par courrier, qui ne peuvent que les déstabiliser encore plus.

 

Article d’origine : De l’utilisation du "traitement des situations de surendettement" par les sociétés de crédit




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