lundi 15 juin 2009 - par Raphaël

L’aveuglement dogmatique de nos dirigeants politiques face à la crise du lait

Ces derniers jours, la crise du lait s’est durcie en réaction à la chute brutale des cours (-30% par rapport à l’an dernier). On a assisté ici et là aux blocages de plate-forme de distribution, aux déversements de fumier ou aux renversements de chariot. Cette crise supplémentaire démontre, s’il s’en fallait, que la concurrence libre et non faussée ne peut avoir réponse à tout et qu’elle ne peut s’appliquer à tous les marchés sans une réglementation stricte.

Attardons-nous un instant sur ce chiffre : 30%. Comment réagirions-nous si nos rentrées d’argent fluctuaient de plus ou moins 30% selon les années et qu’elles ne permettaient même plus de supporter nos dépenses courantes ? Une telle situation de précarité serait impensable pour nombre d’entre nous ; il en est de même pour les producteurs laitiers, mais aussi pour tous les agriculteurs de manière générale : producteurs de porc ou de viande bovine, dont les cours sont désormais soumis aux seules lois du marché.

Il est un dogme profondément enraciné parmi les élites qui nous gouvernent : la concurrence non réglementée est le seul gage d’efficacité économique permettant de garantir une rigueur dans la compression des coûts et de ne conserver que les acteurs les plus économiquement performants. C’est ce projet qui se met en place dans le cadre de la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) avec la suppression des quotas laitiers en 2015 et dans l’intervalle, l’augmentation progressive des quotas. Dans le même temps, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a dénoncé pour entrave à la concurrence, l’instauration de prix de référence par l’interprofession (CNIEL) ce qui s’est traduit par une négociation directe entre producteurs et industriels et une baisse régulière des prix payés aux producteurs... jusqu’à atteindre un prix de vente inférieur au coût de production...

Pourquoi autant d’obstination dans cette volonté de libéralisation totale des échanges ? Pourquoi vouloir livrer bon gré mal gré nos agriculteurs à l’instabilité des marchés mondiaux dont les cours peuvent varier du simple au double ?

Devant un tel déni de réalité : instabilité des cours entraînant de facto la fragilisation des filières agricoles, caractère particulier de l’alimentation, précarité des producteurs et perte de cohésion sociale... une seule réponse s’impose à l’esprit : nos élites sont enfermées dans l’idéologie libérale et sont devenues sourdes à la légitime volonté de stabilité économique des peuples (non-prise en compte des résultats du référendum). Pis, la victoire des conservateurs au dernières élections européennes n’augure pas de changements décisifs dans les années à venir. Que faire alors ? Dans une démocratie, la réponse est sans appel : seuls les débats d’idées et la persuasion quelque soit la forme sont de rigueur... Quelque soit la forme...



15 réactions


  • geko 15 juin 2009 10:26

    AVEC grosso modo 5 acteurs qui se répartissent le territoire, IL N’Y A PAS DE CONCURRENCE !

    "Mais de concurrence véritable, il n’y en a guère de possible sur le marché de la grande distribution. Autre marché, autre situation d’oligopole, où cinq géants pèsent de tout leur poids, non pas pour faire baisser les prix au consommateur comme le clament certains, mais bien plus pour faire baisser les prix des petits fournisseurs. En proposant de dérèglementer le marché, notamment par l’abrogation de la loi Galland, « le rapport Attali ne fait que reprendre les revendications d’Edouard Leclerc et de ses amis, sans aucune contrepartie pour les fournisseurs. Au nom du pouvoir d’achat, il accélère et codifie la concurrence déloyale. C’est un vrai renforcement des rentes de la grande distribution », se désole Christian Jacquiau, auteur des Coulisses de la grande distribution (Albin Michel). Le rapport constate que les législations en place n’ont pas permis de protéger les fournisseurs et le petit commerce des grosses enseignes, mais ne propose aucun garde-fou solide pour y remédier. En proposant d’étendre (si cela est encore possible) la part du territoire desservie par les hypers, les décisions du rapport changeraient peut-être la France, mais elles permettraient surtout d’engraisser un peu plus les rentes des acteurs surpuissants sur ce marché fermé à tout nouvel entrant." Ces rentes qui ne gênent pas Attali


  • iris 15 juin 2009 10:29

    si les salariés faisent le quart de ce que font les agriculteurs ils y en auraient beaucoup en prison
    je ne dit pas cela contre les agriculteurs mais contre notre justice-


  • plancherDesVaches 15 juin 2009 10:32

    Je m’excuse, mais non.
    Non, ce n’est pas dogmatique.

    C’est être féodé au pouvoir financier. Et toute la pub et la comm pour soit-disant rectifier un système qui nous entraine vers une situation grave n’y changera rien.

    Les politiques n’ont plus de pouvoir, si ce n’est celui de faire passer la pilule à leurs électeurs.


    • Olivier from Madinina Olivier from Madinina 15 juin 2009 18:20

      Malheureusement, c’est bien cela la réalité.

      Les politiques (et les états, sauf peut-être la Chine, en partie) ne sont plus aujourd’hui les décideurs en matière économique, financière et sociale. Une simple lecture attentive des faits de ces derniers mois à propos de la crise financière/éconnomique en fait une démonstration irrémédiable. Ce ne sont même pas les entreprises (au sens personne morale) qui ont ce pouvoir. Ce sont les gros opérateurs des marchés financiers qui détiennent tous les pouvoirs. Dont le plus important reste la possibilité de réduire à néant quasiment n’importe quelle société ou n’importe quel état par un simple jeu de spéculation.

      Les états se contentent de répondre aux attentes de ces dictateurs planétaires d’un nouveau genre, et tentent de maquiller ces réponses pour les rendre, sinon acceptable, du moins envisageable pour les citoyens.

      Le capitalisme financier absolu est là, comme l’air que nous respirons, tout autour de nous. Rien de ce que nous faisons lui échappe et ne lui rapporte pas dime.


    • plancherDesVaches 16 juin 2009 12:42

      Merci Olivier d’abonder dans mon propos.

      Suite :
      Un coup de gueule pour commencer : LES ARTICLES INTERESSANTS SONT TROP VITE MIS AU RANCARD.

      Ensuite CECI :
      http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/06/16/ce-n-est-pas-en-partant-des-marges-qu-on-trouvera-les-solutions-pour-l-agriculture_1207262_3234.html
      « Nos marges, ce sont nos emplois » dixit Le président de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution Jérôme Bédier,

      Et vous voyez, de façon claire, le chantage à l’emploi....

      Y’a mieux..... :
      « Nous sommes la seule profession aussi attaquée. C’est paradoxal alors que les résultats 2008 des distributeurs sont en baisse de 20% à 30%. »

      Il ne vous aura pas échappé qu’il parle de RESULTAT.
      Et donc, je lui rappelle que la crise est là et que DONC les CHIFFRES D’AFFAIRE ont baissé. Ce qui explique évidemment une partie de chute du résultat.

      Et il serait de bon ton que l’on connaisse aussi les PROVISIONS (qui viennent en déduction du résultat). Car si ces messieurs ont largement provisionné des « pertes » car leur chiffre d’affaire allait encore baisser, cela expliquerait AUSSI la chute de résultat.

      Bref, comme dit ce cher monsieur :
      « on est en train de remettre en cause la légitimité même de notre métier de commerçant ! »
      .......qui est de gagner le maximum d’argent.


    • raphael 16 juin 2009 14:25

      Je prône un syndicalisme puissant : unifié en France et en Europe. Pas d’accord sur un prix directeur - on stoppe jusqu’à nouvel ordre l’approvisionnement - il faut combattre avec des entités de même taille (Carrefour est une entreprise mondiale). En parallèle, les syndicats pourraient, par exemple, mettre en place un fond (avec toute transparence) en cas de conflit dur pour indemniser les producteurs. Si les politiques n’ont plus le pouvoir, les syndicats doivent prendre le relais (Sur le même thème http://raphael.lesdemocrates.fr/2009/05/10/pour-le-retour-a-un-syndicalisme-fort/).


    • plancherDesVaches 16 juin 2009 14:57

      Je n’irais pas voir votre site, car il est politique. Et la politique, actuellement, on sait ce qu’elle vaut.

      La FNSEA n’est pas claire dans l’histoire. Comme disait un pote agriculteur du Sud-Ouest : ils défendent les gros....
      Et ils sont bien à droite, donc....


  • Francis, agnotologue JL 15 juin 2009 10:56

    Bonjour, vous écrivez : « Il est un dogme profondément enraciné parmi les élites qui nous gouvernent »

    Vous devriez écrire : « Il est un dogme profondément enraciné parmi les élites autoproclamées qui nous oppriment ».

    Un bon dirigeant politique ne gouverne pas les citoyens, mais les affaires politiques du pays. Un mauvais dirigeant politique opprime les citoyens au profit des oligarques.

    « La principale mission d’un gouvernement est de protéger la minorité riche contre la majorité » (principe énoncé par James Madison)


  • Pourquoi ??? 15 juin 2009 12:09

    Casser l’industrie, casser les services publics, casser la filière agricole...

    Tout celà ne relève t-il pas de la même logique ?


  • hand87 15 juin 2009 15:11

    Casser ? Non , réformer, moderniser .... :)


    • plancherDesVaches 15 juin 2009 15:16

      Comme le Notre Président :

      En plein 1929, il faut continuer le libéralisme qui nous a mené à une catastrophe.

      Et encore, on est qu’au début. Il n’y a que quelques millions de chômeurs.


  • tmd 15 juin 2009 16:51

    Les producteurs de lait veulent pouvoir vivre de leur production. Très bien, pourquoi pas. Mais alors que dire des producteurs topinambours ? Pourquoi n’ont ils pas droit eux aussi à un soutien financier et à la protection de l’État ? Et les producteurs de poireaux ? Quid des producteurs de lait de toilette ?

    De quel droit est-ce que les producteurs de lait de vache aurait plus droit au soutien que les autres ?


  • Croa Croa 15 juin 2009 19:14

    « Pourquoi autant d’obstination dans cette volonté de libéralisation totale des échanges ? »
    Il n’y a pas à chercher bien loin : Parce que cela assure les droits d’usure de l’oligarchie qui dirige l’Europe en coulisse ! Des droits qui vont finir par nous mettre tous sur la paille !

    Et pour que l’investissement rapporte un max, quoi de plus logique que de démanteler tout ce qui le freine ! C’est donc volontairement et dans le dernier quart du XXe siècle que nos élus fantoches se sont lancés dans le grand chantier que fût la déréglementation du commerce et des services.
    La « libération » des prix devait profiter à tous… Tu parles ! Cela a bien évidemment supprimé des intermédiaires (ça oui !) mais sans faire baisser aucun prix (fallait tout de même pas rêver !), dévitalisé les centres-villes, encouragé les dé localisations et pour finir étranglé les petits producteurs. Les producteurs de lait morflent donc les derniers et je me demande s’il faut les plaindre (Ils n’étaient pas dans la rue lorsque le prix du beurre a été multiplié par deux au crémier afin de consentir une grosse remise à Monsieur Leclerc.)

    La libération des prix est certainement la « réforme » la plus coûteuse en nombre d’emplois que nos élites aient jamais inventés, gauche et droite confondu : Pour ce qui est de détruire ils sont aussi forts les uns que les autres ! Et tous aussi cancre : S’ils avaient lu Zola (et « au bonheur des dames ») ils sauraient pourquoi les prix étaient réglementés !

    Pour sortir de ça rien de plus simple : Il faudrait reconstruire l’encadrement des prix qui existait autrefois ! Au lieu de reconnaître leurs erreurs c’est le grand guignol qui se remet en scène. Nos « élites » lèvent les bras au ciel, crient au scandale et ordonnent aux patrons du grand commerce une négociation immédiate.

     Comme s’ils n’étaient pas eux-même responsables de tous ce gâchis !


    • raphael 16 juin 2009 09:41

      « Pour sortir de ça rien de plus simple [...] »

      Oui mais comment ? Quand de gauche comme de droite, on a légitimé la dérèglementation, quand le parlement est de majorité conservatrice, quand ...

      D’autre part, comme le faisait remarquer un commentaire précédent le pouvoir est féodé au pouvoir financier qui est non démocratique : OMC, FMI, etc.

      Un premier élément de réponse que j’apporte en fin d’article est le travail sur la persuasion. Il faut user de tous les stratagèmes pour persuader le plus grand nombre sans tomber dans l’opposition systématique et non-productive d’aujourd’hui qui discrédite les bonnes volontés...

      Des propositions ?


  • tchoo 16 juin 2009 09:14

    C’est effectivement un rapport de force :
    que peuvent les agriculteurs face à 4 ou 5 centrale d’achats qui monopolise le marché ?

    s’unir et être solidaire.

    c’est malheureusement peut souvent le cas.

    Une anecdote : il y a une dizaine d’année, M.E. Leclerc dans une assemblée agricole expliquait comme se passait les négo sur le lait.
    Il sortait, quelques jours avant, d’une réunion où il avait été décidé que le prix du lait offert aux centrales d’achats ne serait pas inférieur à 1.20F (0.19€, c’est vous dire les difficultés actuelles des producteurs de lait avec le prix offert).
    Le lendemain, de cette réunion, les centrales d’achat de leclerc avait des propositions de prix à 1,15F.
    Vrai ou pas vrai, cette anecdote démontre que fasse à une position monopolistique, si il n’y a pas une volonté politique de casser celle-ci (et il n’y en pas, c’est même le contraire) la seule réponse, c’est de créer la même chose en face, pour faire poids.
    Cette situation est aggravée aujourd’hui avec les offres de production des autres pays européens à moindre cout ( lors de l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans l’Europe, l’objectif était d’amener ces pays au niveau de vie du reste de l’Europe. Cet objectif semble aujourd’hui être perdu) mais aussi de certains pays du monde comme la Chine.
    Il va falloir que les producteurs de lait français revendiquent la mention du pays de provenance sur les emballages, à nous consomateurs de privilégiés ce qui nous semblent juste.


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