jeudi 1er octobre 2015 - par Enjeux Electriques

L’EPR est mort, vive l’EPR !

Devenu le sujet des toutes les critiques, l’EPR est un véritable boulet pour Areva : trop cher, trop compliqué. Le réacteur nucléaire de troisième génération a contribué à conduire Areva au bord du précipice. Alors, faut-il abandonner ce projet ou est-il encore temps de réviser la copie ?

Une mauvaise gestion du projet

L’EPR, c’est avant tout le résultat d’une gestion hasardeuse d’Areva. A la tête de l’entreprise pendant plus de dix ans, Anne Lauvergeon a tout fait pour s’affranchir de la tutelle d’EDF. Ses relations avec Henri Proglio, l’ancien PDG d’EDF, étaient ainsi notoirement mauvaises. Malheureusement les logiques commerciales et industrielles ont été sacrifiées au cours de cette guerre des égos.

Dès l’origine, l’EPR a suscité des interrogations. Présenté comme le réacteur le plus sûr jamais conçu, il se caractérise par son extrême complexité. C’est aussi le réacteur le plus puissant jamais créé : 1650 MW. Pour donner un ordre d’idée, c’est la production totale d’électricité de l’Angola en 2011  ! La liste des pays capables d’accueillir un EPR est donc limitée, alors que des réacteurs d’une puissance moindre et plus simples peuvent équiper des pays qui ne disposent pas encore de centrales nucléaires. C’est par exemple la stratégie de la Russie qui a signé un contrat avec le Bangladesh (même si des réserves sur le sérieux du projet peuvent aussi être soulevées…). L’objectif de vendre une dizaine d’EPR entre 2005 et 2016 partait donc sur des bases très optimistes, surtout après l’échec du méga-contrat avec les Emirats Arabes Unis (remporté en 2009 par Kepco, groupe coréen).

Areva a également péché par orgueil, en voulant mener seule la construction d’un EPR en Finlande. L’entreprise n’avait en effet aucune expérience en tant qu’ensemblier. En clair, Areva n’est spécialisée que dans la fabrication du réacteur lui-même, pas dans la construction du reste de la centrale (BTP, raccordement au réseau, etc), tâche traditionnellement dévolue à EDF. Le dérapage du projet combiné à des clauses juridiques particulièrement défavorables ont ainsi conduit à un imbroglio juridique avec l’électricien finlandais TVO. Et ce risque juridique et financier (demande d’indemnités) n’est toujours pas levé.

Un EPR nouveau modèle

La situation de crise que connaît Areva depuis l’annonce de pertes abyssales fin 2014 a conduit le gouvernement à acter au cours de l’été une cession de l’activité « réacteur » (Areva NP) à EDF. De sorte, Areva se concentrera à l’avenir sur le cycle du combustible (extraction, raffinage, traitement des déchets). C’est donc in fine EDF qui hérite de l’épineuse question de l’EPR.

L’expérience d’EDF avec l’EPR est mitigée : accumulation de retards et de malfaçons à Flamanville, mais « seulement » un an de retard en Chine (Taishan 1 et 2). De même, l’énergéticien français a obtenu le contrat pour la construction de deux EPR à Hinkley Point, au Royaume Uni. En l’état, le bilan est maigre : les clients, déjà rares il y a dix ans, ne se pressent pas pour se faire connaître.

C’est dans ce contexte que Jean-Bernard Lévy a annoncé, lors d’une interview aux Echos le 22 septembre, que ses services planchaient sur un « EPR nouveau modèle  ». En réalité, ce chantier est engagé depuis au moins un an et demi. Henri Proglio (l’ancien PDG d’EDF) avait déjà fait part de ses critiques à l’égard de l’EPR et plaidé depuis plusieurs années pour un « nouveau modèle », moins puissant, plus simple et donc plus facile à exporter.

Luc Oursel, le successeur d’Anne Lauvergeon, avait lui aussi commencé à changer la stratégie d’Areva. En 2007, lorsqu’il est à la tête d’Areva NP, il tisse un partenariat avec Mitsubishi Heavy Industry (MHI) pour développer l’ATMEA 1, souvent présenté comme un « EPR de poche » (1 100 MW). Choix qui semble payant, puisque l’ATMEA 1 a été sélectionné par la Turquie en 2013. De leurs côtés, les concurrents, à commencer par Westinghouse, ont privilégié des réacteurs de moyenne puissance (entre 1 000 et 1 400 MW), et les ont commercialisés avec plus de succès (notamment en Chine).

La nouvelle offre française en matière de nucléaire commence donc à se dessiner : un « EPR NM » moins puissant (sans doute dans les 1 400 MW), avec en complément l’ATMEA 1 qui s’intégrera mieux dans les pays où le réseau électrique est plus modeste. Reste désormais à savoir si l’intégration de la division réacteur d’Areva au sein d’EDF se passera dans de bonnes conditions et si l’alliance avec MHI sera maintenue. 



10 réactions


  • Stéphane Lhomme Stéphane Lhomme 1er octobre 2015 08:24

    Ben voyons ! Plus le lobby nucléaire échoue, plus il veut qu’on le laisse essayer encore (« et vous allez voir, cette fois ça va marcher » ! Ouaf ouaf)

    Hélas, le ridicule ne tue pas et ces minables vont continuer à gaspiller des centaines de milliards en pure perte... (il est vrai que ce n’est pas leur argent mais le notre, c’est plus facile comme ça...°


    • aimable 1er octobre 2015 09:47

      @Stéphane Lhomme

      pas tout a fait , tant que cela dure , les ouvriers ne sont pas au chômage
       on peut appeler cela de l’aide aux entreprises
      mais je suis d’accord cela fait beaucoup par ouvrier


  • Le p’tit Charles 1er octobre 2015 09:19

    Un GAG à plus de 10 milliards d’euros.. ?
    Ce machin ne fonctionnera jamais...La gabegie des gouvernants encore une fois en première ligne...La France pays des « lumières »... ?


  • zygzornifle zygzornifle 1er octobre 2015 09:58

    c’est comme le PS mort mais toujours en vie même à l’état zombie ,toujours la pour pomper notre oseille....


  • christophe nicolas christophe nicolas 1er octobre 2015 12:09

    Normalement, les PDG d’EDF et d’Areva ont sur leur bureau les données qui leur permettent de comprendre comment reconvertir les centrales nucléaires et les combustibles par des réacteurs à fusion froide.


    Le circuit primaire des centrales nucléaires est pollué par le radiocobalt qui oblige l’exploitant à un long délai après l’arrêt avant d’envisager le démantèlement. Il doit garder beaucoup de personnel pendant cet arrêt ce qui fait que la centrale coûte sans produire. C’est un casse tête financier inextricable sans compter la gestion des déchets.

    Le remplacement d’un coeur à fission chaude par un coeur à fusion froide est tout à fait possible techniquement avec un niveau de production comparable, sans aucun risque d’accident, sans déchets supplémentaires. En plus, pendant ce temps d’exploitation, la centrale se décontaminerait naturellement puisque le radiocobalt à une demi durée de vie de l’ordre de 5 ans.

    Les décideurs peuvent tout à fait lancer la recherche et développement dans ce sens, en tout cas ils sont informés depuis peu. Les pays qui auront une énergie chère à cause d’options techniques désastreuses rameront face à ceux qui prendront les bonnes options et celui qui fera le pas le premier prendra la tête du peloton des leaders industriels de demain.

    • Homme de Boutx Homme de Boutx 10 décembre 2015 19:00

      @christophe nicolas
      les réacteurs à fusion froide, c’est la nouvelle version de l’esprit de serre du CO2 pour pomper du fric à la population crédule ? un peut comme les avions renifleurs !


  • joelim joelim 1er octobre 2015 16:51

    Voie de sortie toute trouvée : installer des millions de cages à rats dans la cuve inutilisable avec des pédaliers en aluminium et des distributeurs de gruyère. 


    Piéplu avec ses Shadoks était un visionnaire. Les gibis ont une grande gueule mais n’ont jamais fait marche quoi que ce soit.

  • vesjem vesjem 1er octobre 2015 17:01

    avec Jean-Bernard Lévy , on est sûr que les brevets sont dans de bonnes mains


  • rotule 1er octobre 2015 22:47

    Tant qu’il n’y a pas moyen d’éteindre et vider Fukuskima, il faut faire une pause. Ce qui veut dire arreter. Arreter tout, les risques sont trop grands !


  • rotule 1er octobre 2015 22:49

    Nucléophiles béats, ne pleurez pas les emplois perdus : les démantèlements vont vous occuper pendant les 100 prochaines années.


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