mercredi 13 février 2013 - par scripta manent

La BCE à François Hollande : touchez pas au grisbi !

Le 5 février 2013, François Hollande a fait une déclaration iconoclaste aux yeux de certains : il a suggéré que la zone euro se donne un objectif à moyen terme pour le cours de l'euro.

Deux considérations en particulier militent en faveur de cette suggestion :

- globalement, l'euro a atteint un niveau qui pénalise les exportations de la zone ;

- la succession des crises économiques, ainsi que leur violence et leur coût croissants, nous ont appris que l'autorégulation par le marché était un mythe et qu'il ne devait donc pas être interdit à la puissance publique de réagir en cas de dérive du cours des changes.

Les tirs de barrage n'ont pas tardé, de la part des " pays vertueux du nord de l'Europe " (air connu), dont la balance commerciale est déjà excédentaire, et de la part de la BCE qui n'apprécie pas que l'on piétine ainsi ses plates-bandes.

Dans la première catégorie on trouve en toute première ligne l'Allemagne, dont la politique de bas salaires menée depuis une dizaine d'années peut s'assimiler à une " dévaluation interne " (de l'ordre de 20 %). Ce sont alors les salariés qui font les frais du regain de compétitivité.

Jörg Asmussen, membre du Directoire de la BCE, rejoint cette école de pensée, lorsqu'il déclare, dans un entretien accordé au journal allemand Handelsblatt, en réponse à François Hollande : " Le cœur du problème se situe à l'intérieur du pays et non pas dans les taux de change." Pour le cas où François Hollande n'aurait pas bien compris, Jörg Asmussen enfonce le clou en encourageant la France a faire plus en matière de rigueur. Bon prince, il nous décerne tout de même un accessit : " Je suis content que le gouvernement français ait fait de l'amélioration de sa compétitivité une question centrale."

 Il n'y a aucune raison d'opposer ainsi les mesures "internes" et les mesures d'ordre monétaire ou de change. Elles font, les unes comme les autres, partie du clavier dont doit pouvoir jouer la puissance publique, sans pour autant céder à la facilité.

Le cours des monnaies est dépendant de "fondamentaux économiques" mais aussi, et de plus en plus, de mécanismes purement spéculatifs mettant en jeu d'énormes masses d'argent sur l'ensemble de la planète. Avec la dérégulation des mouvements de capitaux, les fonds spéculatifs ont toute latitude pour jouer sur les monnaies, avec une force de frappe considérable. Dans le même temps, les Etats devraient se contenter de regarder le match ? Non, merci. François Hollande a raison : le cours de l'euro n'est pas un sujet tabou.

 www.citoyensunisdeurope.eu

 Pour accéder à l'article du Handelsblatt (en allemand ...) : http://www.handelsblatt.com/politik/international/notenbanker-asmussen-draengt-auf-schnelle-hilfe-fuer-zypern/7763016.html]Handelsblatt



28 réactions


  • pidgin 13 février 2013 11:17

    Que craignent les pays dits « vertueux » de la zone euro si la BCE (prudente par nature) laisse baisser l’euro avec doigté ?
    L’inflation chez eux ? Ces pays la surveilleront avec leurs propres moyens car ils sont motivés pour cela.
    Effectivement, le sujet ne doit pas être tabou.


    • scripta manent scripta manent 13 février 2013 12:15

      C’est en effet la crainte de l’inflation qui est derrière tout cela. On peut le comprendre car une hausse excessive des prix annulerait les effets d’une politique de change. Pour l’Allemagne en particulier, traumatisée par le souvenir de l’inflation galopante qui l’a affectée dans les années 30, ce sujet est tabou,
      Tout cela est en effet une question de « doigté ». Un zeste d’inflation aurait des effets positifs. Il permettrait notamment d’alléger dans la durée et de façon « homéopathique » la charge de la dette publique : autre proposition iconoclaste, mais il se pourrait que l’on y vienne tout de même. 
       


  • paul 13 février 2013 13:10

    « Hollande a raison, le cours de l’euro n’est pas un sujet tabou », beau principe, mais il n’ a pas bronché pour la réduction du budget de l’UE, contrairement à ses déclarations d’avant mai 2012 .
     Et il découvre ce dont tout le monde se doutait : l’objectif 3 % du PIB en 2013 ne sera pas tenu .


    • scripta manent scripta manent 13 février 2013 13:31

      Oui, la France a, de fait, accepté la réduction du budget de l’UE. Le ver était dans le fruit depuis que l’Allemagne et la France avaient soutenu, en 2012, l’initiative du Royaume-Uni demandant un blocage du budget de l’UE à son niveau actuel. Les espérances du Royaume-Uni ont été plus que comblées : on ne se contente pas de bloquer, on réduit.
      Pour ce qui est des « 3% », personne ne « découvre » quoi que ce soit. C’est une répartition des rôles : il y a ceux qui, pour la galerie, soutiennent que l’objectif sera tenu et il y a ceux à qui l’on demande de préparer l’opinion, les médias, les agences de notation ...


  • taktak 13 février 2013 15:12

    L’Euro est un outil entièrement au main de la classe dominante pour contraindre les états, y compris et surtout ceux qui seraient tenté d’appliquer une politique de gauche s’opposant à renforcer l’exploitation des travailleurs et à presser les peuples comme des citrons, y compris si cette politique est issue du choix démocratique par les urnes , pour contraindre les états disais-je à l’austérité et à l’écrasement des salaires.

    L’UE c’est l’outil qui permet de mettre en concurence les peuples d’europe, l’Euro et sa BCE indépendante des peuples mais sous le controle de la classe dominante, c’est la presse qui permet d’extraire jusqu’à la dernière goute les profits issus du travail des peuples.

    Si on veut une politique au service du peuple, de la Nation, c’est à dire une politique au service de la classe des travailleurs (y compris les privés de travail), il est indispensable de sortir de l’Euro, de sortir de l’UE.

    On ne peut dire comme P Laurent - celui qui préfere comme symbole l’étoile à moitié vide et sans éclat du parti européen PGE aux outils représentant le travail - que « on doit défendre l’euro qui est notre monaie » et prétendre faire une politique qui ferait la « place au peuple » et placerait « l’humain d’abord ». Place au peuple cela signifie lui rendre toute sa souveraineté et ne pas en déléguer une part à une UE qui est construite contre les peuples, lui rendre également sa souveraineté monétaire. Vous avez très bien montré dans votre article que la souveraineté monétaire est indispensable pour pouvoir conduire une politique de gauche, au service des travailleurs et de la Nation. Bien sûr, il s’agit d’une condition non suffisante. Et sortir de l’euro pour une monnaie commune adossée à l’allemagne toujours sous le contrôle des capitalistes comme le propose le FN c’est bonnet blanc et blanc bonnet que de ce que propose les tenants de l’UE.


  • Traroth Traroth 13 février 2013 15:39

    J’aimerais bien que Hollande vienne nous reparler du fameux « pacte de croissance » qu’il a prétendu avoir « arraché » comme une concession en échange de la ratification de l’infâme « règle d’or »...


  • ctadirke 13 février 2013 16:29

    La BCE obéit au Bilderberg et au CFR qu’on retrouve BCE du côté de chez Goldman Sachs dont Dragghi est ancien (ou toujours ???) employé

    http://www.france.attac.org/articles/goldman-sachs-prend-officiellement-la-tete-de-la-bce

    Lisez aussi, au moins sur Internet « La Banque : comment Goldman Sachs dirige
    le monde » écrit par le correspondant du Monde à Londres, Marc Roche
    http://www.dailymotion.com/video/xj6n7f_la-banque-comment-goldman-sachs-dirige-le-monde_news

    Et terminez comme digestif par
    http://www.dailymotion.com/video/xv622i_le-complot-de-goldman-sachs_fun

    Et s’il vous reste encore de la place
    http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/20130119trib000743488/goldman-sachs-les-dirigeants-empochent-plus-de-100-millions-de-bonus-en-actions.html


    • scripta manent scripta manent 13 février 2013 18:37

      Certes, certes, mais la plupart des Etats européens n’ont attendu ni l’UE ni la BCE pour adhérer au culte de l’indépendance des banques centrales. En ce qui concerne la France, cela date de 1993. Quant à l’interdiction de recourir à la Banque centrale pour le financement du secteur public, elle est encore bien antérieure. Le ver était dans le fruit ...


    • Mirose 14 mars 2013 21:40

      Bonnes références pour comprendre et expliquer à nos concitoyens que la crise n’est pas une fatalité !

      Il est regrettable que le peuple ne sache pas qui nous gouverne....qui est à la tête de la BCE, FMI, l’UE et les grandes organisations Européennes et Mondiales, les multinationales, les financiers, certains politiques, tous les Présidents français (sauf de Gaule) ont été en relation avec le groupe Bilderberg ! Marianne a publié votre com. c’est un fait rare ! sur d’autres sites les com. parlant du Bilderberg sont proscrits. Merci Marianne


  • Tzecoatl Claude Simon 13 février 2013 19:24

    « Dans la première catégorie on trouve en toute première ligne l’Allemagne, dont la politique de bas salaires menée depuis une dizaine d’années peut s’assimiler à une » dévaluation interne « (de l’ordre de 20 %). Ce sont alors les salariés qui font les frais du regain de compétitivité. »

    Puisqu’il est impossible de négocier avec l’Allemagne, je propose notre propre dévaluation interne : demandons à la banque de France d’imprimer en euros 20% de la masse monétaire en circulation en France afin de réduire notre déficit public ou toute autre fin utile.

    • scripta manent scripta manent 13 février 2013 19:51

      On peut discuter du pourcentage et des modalités, mais le principe mérite que l’on s’y attarde.
      Et c’est techniquement possible ! Chaque banque centrale nationale du « réseau » que constitue en fait la BCE peut effectivement imprimer des billets. C’est précisément pour cela que l’on peut repérer les billets selon l’Etat d’émission. 


  • bigglop bigglop 13 février 2013 20:08

    Bonsoir à tous,
     
    Merci @Scripta pour cet excellent article :

    Envolée de l’Euro : on redécouvre qu’une monnaie unique n’est efficiente que dans une « zone économique, monétaire optimale », or l’Eurozone est tout sauf optimale avec écarts structurels des différents membres. Je ne partage pas cette théorie de R Mundell.
    Avec la dévaluation compétitive du Yen, l’Allemagne se trouve en concurrence avec un pays qui produit les mêmes biens industriels et à terme, elle va perdre des parts de marché sans pouvoir les récupérer sur le marché intra-européen qui entre en récession.
    Pour le dollar, à travers ses différents QE (émission de fausse monnaie) essaie de soutenir artificiellement l’activité tout en dévaluant, sans le dire, sa propre monnaie.


  • HELIOS HELIOS 14 février 2013 01:31

    L’euro n’a pas un cours excessif, encore un mensonge....

    L’Euro, plus il est fort, plus il favorise les peuples européens...
     
    N’oublions pas que nos economies, dont les exportations françaises, se font a l’interieur de la zone euro, donc le cours n’a pas d’effet !
    Lorsqu’elles se font a l’exterieur, dans 66% des cas elles se font avec des etats qui nous achetent moins que ce que nous leurs vendons et cela ne changera rien.

    Un euro fort ne defavorise QUE les multinationales qui reimportent en Europe, le produits qu’elles ont délocalisés.

    Un euro faible rencheri ce que nous importons des matieres premieres a l’energie... mais cela ne concerne que les citoyens et les petites entreprises productives.Mes multinationales vont se gaver un peu plus car elles n’importent pas, elles fabriquent hors de la zone euro et délocalisent dans des paradis fiscaux leurs benefices.


    • bigglop bigglop 14 février 2013 03:07

      @Helios, analyse trop simple.

      Tout d’abord l’eurozone n’a que 17 membres et l’Union Européenne 27 membres dont 10 possèdent encore leur propre monnaie.

      Là est le piège de la monnaie unique pour une zone qui comporte des déséquilibres structurels entre partenaires.(et pour ceux qui sont hors-zone ?)

      Pourquoi, par exemple, EADS pour Airbus veut construire une usine à Mobile ?

      Tiens, une petite info sur EADS où ça « pue » de plus en plus pour savoir qui va la contrôler


    • scripta manent scripta manent 14 février 2013 10:16

      @ HELIOS

      « N’oublions pas que nos economies, dont les exportations françaises, se font a l’interieur de la zone euro, donc le cours n’a pas d’effet !  » Dîtes-vous.
      Et bien si, il va falloir oublier cela : en 2011, la zone euro a représenté moins de la moitié des exportations françaises, 47,5 % pour être précis. Et encore moins pour l’Allemagne : 39,7 %.
      Je pourrais continuer à commenter mais le reste est du même ordre de rigueur.


  • Jason Jason 14 février 2013 10:40

    Bonjour,

     « globalement, l’euro a atteint un niveau qui pénalise les exportations de la zone ; » Mais pas pour tout le monde. L’Allemagne s’en porte très bien. Et dans la guerre des monnaies, le Dollar va rester bas si, comme le fait la FED, les USA continuent d’injecter dans l’économie 40 milliards de $ par mois. C’est une fuite en avant dont on ne voit pas la fin. Pour les USA, l’Europe, c’est une autre planète.

    Le vrai problème, c’est qu’une monnaie nationale sert de référence principale pour l’économie mondiale. C’est pas F. Hollande qui peut changer ça. Ce n’est pas l’Euro qui est élevé, c’est le Dollar qui fout le camp. Et, attention à la casse !


    • scripta manent scripta manent 14 février 2013 11:03

      Bonjour Jason
      Je suis globalement d’accord avec votre analyse. ce n’est effectivement pas François Hollande qui peut changer cela à lui tout seul, d’autant plus que la « détermination farouche » qu’il a affichée pendant sa campagne électorale semble s’être sérieusement émoussée. Par contre, l’Union européenne aurait plus de poids pour agir. Encore faudrait-il qu’il y ait « union ».
      Un point cependant. Quand vous dîtes « L’Allemagne s’en porte très bien », il me semble que vous sous-estimez les effets sociaux de la « dévaluation interne » sur une fraction croissante de la population allemande : aumônes salariales et précarisation. Il y a la façade et puis il y a l’arrière cuisine. 


    • Jason Jason 14 février 2013 14:11

      Bonjour Scripta,
      Oui, d’accord, j’aurais dû nuancer mon propos. La dévaluation interne, en écrasant les salaires, compense l’Euro fort. Seule l’Allemagne officielle, celle du PIB roi et de l’excès de la balance commerciale peut dire qu’elle s’en tire bien. Mais cela est au prix de la montée de la pauvreté et de l’accroissement de la précarité de l’emploi, sans parler de la stagnation démographique (mais c’est une autre question sur le long terme).

      Le tandem Merkel-Draghi reste aux manettes et Hollande ne peut se livrer qu’à des incantations. Par contre, ses discours ont le mérite d’externaliser pour un temps les sources du problême économique français. La France n’ayant pas grand chose à exporter garde ses problèmes, l’Euro fort ou faible devant le Dollar n’y changera rien.


    • scripta manent scripta manent 14 février 2013 21:07

      @ Bigglop
      Intéressant, ce décompte « exhaustif » et sans concession des dettes publiques. On aboutit ainsi à des ratios « dettes / PIB » qui font froid dans le dos, et c’est bien sûr le but de l’opération.
      Ceci dit, comptabiliser une garantie au même titre qu’une véritable dette, peut se discuter.
      A creuser ...


  • pidgin 14 février 2013 12:09

    Le niveau du dollar est un outil de politique commerciale abondamment utilisé par les E.U.. Ils auraient tort de s’en priver puisque des raisons historiques leur ont donné ce privilège.
    Seules de très fortes turbulences pourraient changer cette situation.
    Les E.U. jouent de toute la palette que leur donne leur puissance et Obama dans son discours sur l’état de l’Union vient de reprendre l’offensive sur le libre-échange qu’ils veulent obtenir avec l’Europe. En effet, l’OMC n’avançant plus, il reste les accords bilatéraux.
    Le niveau de l’euro, les accords tarifaires, de coopération etc ... sont un jeu complexe à penser globalement au service d’une stratégie européenne.


    • scripta manent scripta manent 14 février 2013 21:13

      @ Pidgin
      Oui, et le problème c’est que l’Europe n’est pas du tout, en l’état actuel des institutions et des comportements des gouvernements nationaux, en situation de définir une stratégie cohérente pour ce jeu complexe. Ce n’est pas le spectacle consternant du récent débat budgétaire qui pourrait nous convaincre du contraire.


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