jeudi 9 octobre 2008 - par Mathias Delfe

La crise du capitalisme, une chance pour l’écologie politique ?

A Paris comme à Tokyo ou à New York, les pouvoirs publics et les milieux économiques s’efforcent avec un certain pathétisme de circonscrire l’actuelle crise au seul secteur financier, comme si les autres fondamentaux de l’activité économique demeuraient solides.
Or, ainsi que les cours des Bourses le démontrent presque tous les jours, et ce, non pas depuis la récente faillite ou tout comme de quelques-uns des principaux établissements financiers américains, mais depuis au moins le début de l’année, dans leur quasi-totalité les entreprises cotées ont vu la valeur de leurs actions chuter de 30 % à plus de 70 %.
Et pas seulement les banques ou les compagnies d’assurances, mais encore la construction, la distribution, l’automobile, la sidérurgie, les médias, l’industrie du luxe même, quoiqu’elle soit dynamisée par la demande des nouveaux riches des économies émergentes, au moins jusqu’à ce que la déferlante baissière les atteigne.
 
Manifestement, nous sommes confrontés à une crise systémique et pas seulement, comme l’élite gouvernante aimerait nous le faire croire à défaut d’y souscrire elle-même, à un dysfonctionnement sectoriel, grave mais limité.
 
C’est toute l’activité économique des grandes puissances historiques qui est touchée, et cela depuis près d’un an, de sorte que l’affaire des « subprimes » ou prêts hypothécaires à risques, d’où viendrait tout le mal, ne serait qu’un effet et non la cause du vaste mouvement récessionniste qui se dessine, lui-même initié autant par un probable phénomène de saturation de consommateurs par ailleurs à bout de ressources que par la rapacité des actionnaires qui, à force d’exigences de rendement exorbitantes, ont fini par scier la branche d’où ils comptaient tirer leur bénéfice annuel à deux chiffres.
 
« La croissance verte » dont se gargarisaient les VRP du Grenelle de l’environnement, loin d’être une florissante perspective économique, n’a jamais été qu’un oxymoron* publicitaire.
A titre d’exemple, une petite voiture, ça consomme peu de carburant et peu de pneus, ça ne revient ni trop cher à assurer ni à réparer, autrement dit c’est dans une certaine mesure respectueux de l’environnement, mais, pour la croissance, vous pouvez repasser : en termes de rentabilité, hormis l’acquéreur, tous les acteurs de la filière automobile plongent profondément, le constructeur, le manufacturier de pneumatiques, les compagnies pétrolières et d’assurances, la puissance publique enfin – Etat, collectivités régionales et locales qui voit fondre ses différentes recettes fiscales.
 
Dans le marasme et l’incertitude actuels, dans ce moment dialectique marxien, quand tout peut basculer vers un inconnu ou se maintenir à bout de souffle, une société écologique peut apparaître à la fois comme une chance à saisir et comme un nouvel horizon pour une humanité en manque d’idéal, à condition qu’on veuille bien admettre que l’accumulation, la spéculation « verte » sont ontologiquement impossibles.
Une société soucieuse de préserver l’environnement naturel sera sans doute une société du mieux, mais aussi, et nécessairement, du moins.
Un système axé sur la décroissance, donc, dans lequel il faudra réévaluer ou réinventer les rôles de chacun d’entre nous.
Sommes-nous prêts à l’assumer ?
 
* ou contradiction logique.


9 réactions


  • Bernard Dugué Bernard Dugué 9 octobre 2008 12:50

    Salut Jean-Michel,

    Je suis un adepte de la croissance verte, comme toi d’ailleurs

    Sur mon balcon, je fais pousser du basilic, un palmier, des hibiscus, un diplagénia... magique !


  • Marc Viot idoine 9 octobre 2008 13:50

    >Sommes-nous prêts à l’assumer ?

    Oui, je vous l’accorde l’ouragan réclame souvent la vie des victimes.


  • Lucie Vivien 9 octobre 2008 14:41

    "un probable phénomène de saturation de consommateurs"
    Sans doute car nous vivons dans une société où le mot "croissance " est doté de toutes les vertus ; On essaie donc par tous les moyens, y compris des crédits à taux variables hasardeux pour le citoyen ordinaire, de le faire acheter et consommer toujours plus, même quand il n’en a plus envie. On voit le cercle vicieux dans lequel nous nous sommes enfermés : emprunter pour consommer pour produire pour vendre pour consommer. Que l’un des maillons de la chaîne casse, tout s’écroule ... et peut-être les prisonniers se libèrent-ils...


  • Asp Explorer Asp Explorer 9 octobre 2008 22:53

    Ou alors peut-être que cette crise va être l’occasion de remettre au centre des débats la seule vraie question d’importance, qui est la question sociale, et reléguer dans l’arrière-plan toutes ces lubies sottes de bobos gavés de fric et amateurs de films catastrophes.

    Qui sait, parfois, les miracles arrivent et l’homme retrouve la raison.


  • Cug Cug 10 octobre 2008 09:19

    Avant de faire de l’écologie politique il faut faire de l’économie politique !


  • geko 10 octobre 2008 09:50

    Sommes-nous prêts à l’assumer ? Déjà beaucoup l’assument dans un système toujours axé sur la vérité divine concurrence-profit !

    Celui qui voulait nous fourguer les crédits hypothécaires assument bien son néo-libéralisme ou comment le vice fait l’éloge de la vertue :

    Les caisses sont vides mais pas pour renflouer une banque qui joue au poker et fait déjà raquer le citoyen à la gamelle des impôts locaux ! 

    Les caisses sont vides mais pas pour financer la recherche sur la bagnole propre à hauteur de 400 patates pour les grands libéraux assembleurs, grands pratiquants du dumping social, qui nous ferons payer leur merde au prix cher !

    Ce qu’on nous demande d’assumer c’est de passer deux fois à la caisse pour ces mêmes pourris qui n’assument pas les règles du jeu qu’ils ont fixé !

    Pensez vous sincèrement que les "gens" qui gouvernent ce monde vont recouvrer la raison ?


    • Viva verde Viva verde 10 octobre 2008 12:36

      Je crois qu’il faut tout simplement engager le processus de décroissance.


    • Τυφῶν בעל Perkele borntofrag 10 octobre 2008 22:19

      Vous voulez dire l’appauvrissement collectif ?
      Quand les gros maigrissent, les maigre meurent.

      Vous pensez que l’argent ne fait pas le bonheur ? Qu’il est inutile, nocif ? Rendez le.

      Typhon


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