mercredi 18 avril 2007 - par Aimé FAY

La dette ! La dette ! Est-ce vraiment le bon sujet ?

En 1980, Raymond Barre, Premier ministre de la France, tel un cabri sur sa chaise, disait : « La France va droit dans le mur ... La France vit au-dessus de ses moyens ... ». Effectivement la dette de notre pays était catastrophique, selon lui. Elle atteignait la somme colossale de 64 milliards d’euros. Soit 15 % du PIB ! Nous nous demandions si le meilleur économiste de France, comme l’appelait le président Giscard, disait vraiment la vérité ou s’il se moquait de nous, pauvres incultes en économie, car cette matière, pourtant si essentielle, n’était déjà pas enseignée à l’école primaire, ni au collège.

C’est peut-être à partir de ces années-là que les Français ont commencé à écouter leurs politiques d’une façon soupçonneuse. A minimiser leurs propos. A s’en moquer même. Propos, qui souvent n’avaient d’intérêt que la mise en place d’une politique d’austérité. Politique d’inspiration monétariste, issue du célèbre prix Nobel d’économie Milton Friedman.

Aujourd’hui encore, ils crient "au loup !". Les politiques bien sûr. Tous, chacun de leur côté. Mais ensemble. La dette atteint désormais 63,9% du PIB. Est-ce supportable ? Est-ce hors des normes ? Sommes-nous les seuls des pays riches à avoir cette hauteur de dette publique ? Pourquoi les politiques français mettent-ils en avant notre dette, qui est la leur finalement ?

Supportable  ? La maison France a dégagé en 2006 un revenu économique de 1 800 milliards d’euros environ. C’est sa création de richesse. Sa valeur ajoutée. Son PIB. Et elle doit quelques 1 150 milliards d’euros, pour lequel elle rembourse chaque année 50 milliards. Soit 3 % de ce qu’elle gagne, environ. Est-ce vraiment et sincèrement insupportable ? Quel ménage, qui gagnerait 1 800 euros par mois trouverait insupportable de rembourser 50 euros pour ce qu’il doit, même si c’est pour rembourser une dette dite de fonctionnement ? Aucun ! Mais le ménage "France", si !

Alors, soyons sérieux. Notre dette est très supportable. Même Raymond Barre ne sait plus quoi dire. En d’autres temps, pas si loin pourtant, avec une telle dette, il aurait déjà fait appel au FMI, qui lui aurait répondu : "Du calme cher ami, beaucoup de pays sont dans votre situation ... ".

Hors des normes ? Le pacte de stabilité de l’Union européenne prévoit un critère de bonne gestion de la dette, qui ne doit pas dépasser 60 % du PIB. A 59,99 % on ne dit rien. Au-delà de 80 % on fait un rappel à l’orthodoxie financière. C’est tout !

Avec 63,9%, la France est dans la bonne moyenne de la classe. Des pays comme l’Italie, la Grèce, la Belgique avoisinent ou dépassent les 100% ! Avec une dette de 1 500 milliards d’euros, l’Allemagne dépasse aussi les 60 %. Et, les États-Unis ne sont pas en reste, leur dette publique atteignait 66 % en 2005 selon l’Ocde.

La mise en avant de la dette  ? En période électorale c’est pratique de dire que la dette pose problème et est la cause de tout. Cela permet à la personne qui sera élue de justifier la future austérité de sa politique économique et sociale. Les uns diront : "Pour résorber la dette qui nous a été laissée par le précédent gouvernement, il faut diminuer le nombre de fonctionnaires". Les autres : "Pour résorber la dette laissée par nos prédécesseurs irresponsables, il ne faut surtout pas alléger les prélèvements obligatoires. Voire même, il conviendra peut-être de les augmenter si ...".

C’est tellement plus simple de dire "Je vais réduire ceci ou cela". Tout le monde peut le dire et même le faire. Cela ne demande aucune imagination et surtout aucune compétence spécifique, même économique - c’est bien, car celle-ci n’est toujours pas enseignée à l’école de 2007, comme le prouve, en l’espèce et chaque jour, le faible niveau économique de beaucoup de politiciens.

Ce qui demande de l’imagination, de l’intelligence politique et économique, c’est de dire comment la France va faire pour enfin s’accrocher au train de la supercroissance mondiale qui entoure notre pays de tous les côtés.

C’est cela le vrai sujet d’aujourd’hui ! Celui que l’on va demander à notre futur gouvernement de réussir. Au-delà des incantations qui ne trompent plus personne depuis trente ans - surtout celles dont les autres auraient été la cause -, c’est finalement sur sa capacité à mettre en œuvre une véritable politique de croissance économique,qu’il devra rapidement être jugé.

Alors, Mesdames et Messieurs les postulants à la fonction suprême, c’est de cela qu’il faut nous parler. La dette, on connaît bien. Comment la diminuer en ne créant aucune croissance, on connaît aussi. Tout le monde peut "couper" dans les dépenses. C’est facile ! Il n’y a qu’à faire !

Mais, ce que l’on ne sait pas encore, et pourtant à quelques jours de votre élection, c’est comment vous aller enfin accrocher notre pays à la croissance planétaire ! 3 % de croissance nouvelle, c’est cinquante milliards de plus dans les caisses de la richesse nationale. Exactement ce que nous coûte, chaque année, la trop fameuse dette. 3 %, ce n’est pas vraiment beaucoup, quand tout le monde fait entre 3,5 et 10 !

Alors, au travail madame la Présidente / monsieur le Président ! Le challenge, votre challenge, le vrai, celui qui mérite débat, il est là devant vous et il s’appelle "croissance" et non "dette" !



14 réactions


  • Gyom 18 avril 2007 13:54

    Bonjour. Si le PIB est de 1800 milliards, les dépenses de l’état sont de 270 milliards environ. Dont 40 de déficit qui se rajoute chaque année au montant total. L’impot sur le revenu, qui est la 2eme source de revenus de l’état ne suffit plus à couvrir les interets de la dette.

    Pour comparer avec un ménage « réel », le « ménage » France gagne 2300€, en dépense 2700€, dont 400€ de remboursement, et son découvert est de 11000€.

    Dans cette situation, est il raisonnable de demander un nouveau crédit à sa banque pour essayer de créer de la croissance ? De mon point de vue, nous sommes en train de rembourser les crédits des gouvernements précédents qui ont essayé sans trop de succès la même démarche.


    • Skof 18 avril 2007 16:57

      Encore un excellent article de l’auteur. Toujours très ditactique. Effectivement, la dette du pays est bien dans le moyenne dans pays occidentaux. Cependant j’aurais aimé qu’il donne qlq pistes de réflexion. A suivre alors.


  • snoopy86 18 avril 2007 13:57

    @ l’auteur

    Vos comparaisons sont parfois malvenues

    La dette dont il s’agit est la dette publique et non la dette de la « maison France » selon votre expression. La dette globale de la France est infiniment supérieure... Le rapprochement au PIB est une norme comparative qui ne permet guère d’apprécier notre solvabilité.

    Il convient de rapprocher cette dette publique non pas du PIB mais des recettes publiques.

    Attachons nous aux seules recettes et dettes de L’Etat :

    recettes 2006 : 226 milliards d’euros

    dette : environ 900 milliards d’euros soit 4 années de revenu

    service de la dette : 39 à 40 milliards d’euros nous ne sommes plus à 3% des revenus mais à 17%...

    Le service annuel de la dette correspond grosso-modo au déficit budgétaire, à 75% de l’impôt sur le revenu, à plus de deux fois la TIPP, à 12 fois les revenus de l’ISF, à deux fois le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur...

    Et nous sommes dans une période de taux faibles !!!

    La situation n’est pas encore dramatique mais pourrait le devenir si nous ne mettons pas fin à cette spirale


  • bobmatou 18 avril 2007 15:27

    À l’auteur de cet article, merci de ne plus publier ce genre de désinformation à l’avenir, car la dette est un sujet grave auquel vous n’avez vraisemblablement pas compris grand-chose.

    Avant d’écrire votre prochain article sur le sujet, je vous suggère la lecture de la synthèse du rapport Pébereau que vous pourrez trouver ici :

    http://www.finances.gouv.fr/performance/cout_politique/caracteristiques/per bereau.htm

    Merci aux autres lecteurs pour leurs réponses à cet article !

    bobmatou


    • Cosmic Dancer Cosmic Dancer 18 avril 2007 16:53

      @ Léon

      J’ai perdu le fil ( smiley sur lequel vous parliez de Marine Le Pen, mais je vous convie à lire le com que je viens de laisser sur mon article d’hier.

      Bien cordialement, et j’espère à bientôt pour une discussion sereine.

      Amitiés à Philippe Renève au passage.


  • plus de transparence 18 avril 2007 16:32

    cette dette soulève de très grosses questions, et c’est peut-être pour cela qu’on s’en tient généralement aux banalités.

    un article précédent d’agoravox souligne certaines dérives du système monétaire actuel (long mais très intéressant) :

    http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=7852

    cet article insiste sur les bénéfices de l’étalon or, mais d’autres vont plus loin, et veulent rendre la monnaie aux citoyens (car elle est aujourd’hui aux mains de banques privées... le saviez vous ?).

    la course à la croissance (exponentielle, donc vraissemblablement impossible) est conditionnée par l’exigence d’intérêts sur les sommes prétées... ce n’est qu’une conséquence parmi d’autres...

    Question subsidiaire : qui perçoit ces intérêts de la dette ? la réponse immédiate est « tous les épargnants », mais savez vous dans quelles proportion ? sont-il français ou non ? y a-t-il un « actionnaire » majoritaire, qui aurait alors un sacré pouvoir ...

    la dette des pays du tiers monde permet aux pays développer de les mener par le bout du nez par l’entremise du FMI et de la banque mondiale. EN SERAIT-IL DE MEME POUR NOUS ? smiley

    pour approfondir ces questions tabou

    http://www.rezocitoyen.org/article.php3?id_article=2996

    http://forums.france5.fr/cdanslair/Economie/liberer-monnaie-sujet_169_1.htm


  • Rdlm 18 avril 2007 19:09

    Question subsidiaire : qui perçoit ces intérêts de la dette ? la réponse immédiate est « tous les épargnants », mais savez vous dans quelles proportion ? sont-il français ou non ? y a-t-il un « actionnaire » majoritaire, qui aurait alors un sacré pouvoir ...

    Réponse ici : La dette en 20 questions

    Et plus précisément : la dette enriche à 60% les étranger :


  • chmoll chmoll 19 avril 2007 08:51

    pour moi, raymond barre,est le seul jusqu’à présent qui a été dans la réalité, aussi bien dans ses dires que dans ses actions

    à mon avis c’est la seule personne parmis tous ces poiticiens,qui aurait pu remonter votre pays

    avec des sacrifices certes(mais l’étendu des dégats) perso j’aurais suivis raymond barre, les yeux fermés


  • fredm fredm 19 avril 2007 11:09

    En réalité, le seul critère intéressant est la notation de la France. Pour l’instant, on est AAA (ou AAA+ ?). Tout va bien donc.

    Par contre, si jamais on venait à baisser à AA, là, il faudra commencer à s’inquiéter sérieusement... Toute la question est donc de savoir si il y a un risque de ce côté ou pas.

    Pour ceux qui ne connaissent pas cette notation, il s’agit d’une note donnée aux Etats par des agences privées internationales et destinée avant tout aux investisseurs institutionnels qui « achètent » les obligations émises par les Etats. Lorsque la note descend en dessous de BBB, l’obligation est considérée comme pourrie et plus aucun investisseur n’achète.


  • Leonard 19 avril 2007 11:50

    Ne pas oublier que les chiffres de ’06 pour les recettes inclues les ventes d’etat comme les autoroutes et autres bijoux de famille qui ne viendront plus jamais grossir artificiellement ces chiffres.

    Ces ventes sont aussi reportees pour falcifier les chiffres des investissements etrangers en France.

    Sinon Gyom a tout a fait resumer ce que j’aurais pu ecrire.


  • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 19 avril 2007 12:07

    Excellent article : le fétichisme de la dette empoisonne le débat politique, lequel devrait porter avant tout sur la croissance économique et sociale, indissociables.

    Faire de la réduction de la dette un but en soi sans parler de l’usage qu’on en fait en vue de préparer l’avenir est une escroquerie intellectuelle et politique : un dette peut rapporter plus qu’elle ne coûte ; tout économiste basique sait cela. De plus la dette provient du fait que l’on préfère emprunter que de maintenir, voire, si cela est nécessaire à la croissance sociale, d’augmenter la recette des impôts et des prélèvements obligatoires. C’est un choix politique et pas économique. En ce qui me concerne je suis pour que l’on augmente mes impôts pour financer le développement des services publics (formation, recherche, santé..) en vue de dynamiser notre société et la sortir du marasme et de la démobilisation générée par la méfiance sociale que provoquent les inégalités et les discriminations..

    De plus dépenses de fonctionnements et dépenses d’investissements (suivez mon regard) sont indissociables pour développer le service public et le dynamisme sociétal, et cela pour une très bonne raison : ils se confondent. Il est donc absurde de réclamer de meilleurs services publics et des réductions d’impôts ; ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas lutter contre de gaspillage de l’argent public.

    Au diable l’avarice et les avaricieux qui nous bassinent avec : « la dette, la dette » comme Harpagon allait répétant : « Ma cassette, ma cassette »..


  • Leonard 19 avril 2007 12:59

    " Au diable l’avarice et les avaricieux qui nous bassinent avec : « la dette, la dette » comme Harpagon allait répétant : « Ma cassette, ma cassette ».. "

    C’est une belle tranche de n’importe quoi tout ca. Au moins Harpagon peut le monter son argent alors que la dette ... ben il y a pas d’argent a montrer. La faille fatale dans votre texte c’est que les bailleurs ne veulent plus donner d’argent a la France.


    • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 19 avril 2007 13:51

      Qu’en savez-vous ?

      La France est partout considérée comme un pays solvable et d’abord par les français qui prêtent de l’argent à l’état pour « sécuriser » leurs investissements. Depuis quand un état aussi riche que la France (6ème puissance mondiale) peut-il faire faillite avec la possibilité qui est la sienne de lever l’impôt ?

      Vous semblez confondre l’économie d’une entreprise privée avec celle d’un état. Peut-être seriez vous d’accord pour privatiser l’état ? Je vous fais remarquer qu’il serait alors une entreprise monopoliste particulièrement rentable pour ce motif....


    • Fred 24 avril 2007 19:15

      En fait, la dette appartient a 56% a des non-residents.


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