La peste ou le choléra, la grande réinitialisation ou la grande austérité, tel sera le choix post-pandémie
« La meilleure façon de prévoir l’avenir est de le créer » c’est probablement cet adage de Peter Drucker qui résume le mieux la démarche conjointe du livre visionnaire à vocation autoréalisatrice de Klaus Schwab et Thierry Malleret, des thèmes débattus à l’assemblée annuelle des élites mondiales économico-financière politiques à Davos et du rapport du G30 paru en ce début d’année.
La grande réinitialisation
L’idée maitresse de l’ouvrage « the Great Reset » est que le phénomène de la pandémie du CoViD-19 est l’occasion rêvée pour accélérer des transformations latentes dans le monde industrialisé. Il prône le fait que les grands dirigeants sont ceux qui ont compris qu’il faut profiter de ce moment anxiogène pour faire passer des réformes fondamentales, systémiques et durables qu’ils n’arrivaient pas à faire passer jusque là. Les risques sanitaires, démographiques, écologiques et financiers sont des opportunités politiques uniques pour élargir le champ de l’autorité de l’état.
Mais quelles sont ces réformes ?
La surveillance généralisée des populations, pas comme en Chine, d’une façon pénalisante, mais plutôt comme cela se fait à Singapour avec une approche bienveillante. Il insiste sur l’utilisation des technologies qui permettent de supprimer toutes formes de distances vis-à-vis de l’autorité, les idées qu’il distille sont subtilement liberticides. Les propositions énumérées sont de nature à sauver le capitalisme affaibli par trop de libertés et propriétés individuelles. Il vise à retrouver des espaces de profit la ou la consommation est appelée à diminuer en favorisant un capitalisme fondé sur l’économie circulaire plutôt que sur la propriété privée. En fait le principe serait que chacun soit locataire temporaire du bien dont il a l’usage, abandonnant de la sorte l’idée de propriété individuelle.
Cette approche est, d’après la lecture des auteurs, fondamentalement éco-responsable puisque la réutilisation d’un même bien par plusieurs personnes est de nature à ne pas être écocide. L’économie verte est donc un vecteur important de l’applicabilité de cette philosophie à laquelle souscrit complétement l’EU avec l’adoption d’un système de classification à l’échelle de l’Europe pour les investissements durablesii (taxonomie).
En matière de restauration, seules survivront les grandes chaines d’alimentation (McDonald’s, Starbucks, …) au détriment des restaurateurs indépendants qui sont autant de villages gaulois qui résistent à l’envahissement des grandes chaines à enseigne unique. La tradition gastronomique locale est, quelque part, un obstacle à la mondialisation débridée chère aux membres du Forum de DAVOS.
L’euro numérique articulé sur la blockchain et soutenu par la BCE va voir le jour dans les prochains mois mettant progressivement fin à la discrétion que confère l’argent liquide.
Le livre se termine sur ce dilemme aux élans d’économie planifiée : « Nous sommes maintenant à la croisée des chemins. Une seule voie nous mènera à un monde meilleur : plus inclusif, plus équitable et plus respectueux de Mère Nature. L'autre nous emmènera dans un monde qui ressemble à celui que nous venons de quitter - mais pire encore et constamment assaillie de mauvaises surprises. ».
La grande austérité
En réponse à cette vision, une analyse opposée de la façon dont nous pourrions nous faire restructurer est faite, par des acteurs importants des banques centrales regroupés dans le club des G30 et sous le leadership de Mr. Draghi (Ex-Président de la BCE et probablement futur 1er ministre Italieniv) et Raghuram Rajan (Ex-Président de la Reserve Bank of India) .
En fait c’est, en apparence, une confrontation entre ceux qui veulent une grande réinitialisation avec une remise à zéro des compteurs contre ceux qui veulent une austérité et le remboursement de la dette. Bref tout un programme très optimiste.
Force est de constater que l’augmentation de la masse monétaire conséquente aux QE (assouplissement quantitatif ) et plans d’injection CoViD-19 ont créé de l’inflation. Cette inflation est actuellement surtout visible sur les actifs financiers et immobiliers mais pas (encore) dans l’économie productive qui doit s’attendre à un effondrement structurel et ses conséquences aggravantes sur l’emploi, la production, la demande, les défauts des trésoreries d’entreprise et privée, surendettements et probablement l’hyperinflation si rien n’est fait.
A ce constat général, le rapport du G30 ajoute le fait que il y a un ciblage inadéquat de l’aide publique, qui ne permet pas d’adapter suffisamment la réponse politique aux situations des entreprises et une focalisation excessive sur l’octroi de crédits, qui risque de surcharger les entreprises de dettes, favorisant une utilisation inefficace des ressources, et engendrant des problèmes futurs de capacité d’autofinancement.
Le rapport fait mention d’une prise de décision excessive de la part des gouvernements et une utilisation sous-optimale de l’expertise du secteur privé qui pourrait être utilisé pour mieux orienter le soutien.
Il renvoie aussi à un niveau de dépense publiques qui seraient insoutenable sur la durée potentielle de la crise économique en cours.
Face à ces évidences le rapport met en perspective des objectifs clairs qui visent à baisser l’intervention de l’état pour que le poids de la dette reste supportable. La préservation du secteur financier est aussi à l’ordre du jour mais en dernier ressort après avoirs laisser ses acteurs supporter les pertes. Les entreprises « Zombie » doivent être laissées à leur destin funeste. Le rapport épingle la nécessité d’anticiper et influencer les nouveaux marchés et les modes de consommation, les changements d’usage. Tout doit être fait pour éviter les crises politiques et sociales latentes en tenant également compte des préoccupations environnementales.
La question qui se pose évidemment est : comment atteindre ces objectifs ?
Il faut s’appuyer sur l’expertise du secteur privé en favorisant les rachats des entreprises par des acteurs privés en développant des systèmes de renforcement des fonds propres pour les laisser agir. Il faut également passer d’une intervention directe à une intervention de réassurance à l’image de la création des « bad bank » lors de la crise des « subprime ». Les acteurs du privé doivent supporter une grosse part des pertes. Il s’agit en fait de réserver un équilibre précaire en laissant agir les lois du marché tout en intervenant en cas de coût sociaux trop importants. Il va également falloir avoir le courage de laisser faire faillite plutôt que de restructurer à tout prix. La dépolitisation des réponses d’accompagnement de la crise est une priorité pour les rédacteurs du rapport. Néanmoins il ne faudra exclure aucune intervention du type nationalisation ou subvention le cas échéant.
Il est clair que, pour le G30, nous n’avons plus les moyens du « quoi qu’il en coûte » cher à Mario Draghi.
Et l’histoire nous enseigne que la théorie du ruissellement chère à Tacher et Reagan ne fait son œuvre.
Pour conclure, sous le couvert d’un titre percutant le livre « la grande réinitialisation » ne fait que perpétrer dans la continuité l’objectif des membres du Forum de DAVOS : « laissez-nous faire, nous allons nous auto-réguler » tandis que sous l’apparence de la bienveillance le G30 propose de continuer à appliquer les recettes d’austérités dont on connait déjà les avantages et, parfois, les conséquences désastreuse. La capacité des humains a se réinventer aurait-elle atteint ses limites ?
Fort de ces lectures et analyses plus idéologique que factuelles, et afin de contrer les conséquences douloureuses de la crise CoViD-19 sur nos sociétés et préparer notre futur quotidien « normal », le Think Tank Harmoniav voudrait proposer trois axes de résolutions faciles à mettre en œuvre et surtout indolores pour les citoyens, le tissus productif et entrepreneurial de la société :
· L’application de la micro taxevi sur toutes les transactions digitalisées afin d’assurer le financement des affres de la crise sans avoir recours au crédit, voire rembourser le principal de la dette.
· L’exonération de l’ISOC (en BE) ou IS(en FR) pour les PME qui rachètent d’autres PME en difficultés à concurrence des fonds propres injectés par le repreneur.
· Autoriser rapidement les faillites pour toutes les PME, commerces, restaurants, artisans et si l’entreprise est viable, transfert des dettes vers un organisme public qui étalera le remboursement sur 25 ou 30 ans afin que la capacité d’autofinancement soit suffisante pour la pérenniser sainement.
· Aligner tous les statuts employés, indépendants, ouvriers sur celui des fonctionnaires.
· Allouer un revenu universel égal au seuil de pauvreté pour tous les citoyens dès l’atteinte de la majorité légale.
Le vrai défi auquel nous soumet cette pandémie n’est-il pas d’éprouver notre capacité à structurer notre intelligence collective pour la rendre opérable ?
Harmonia = Groupe de réflexion humaniste transpartisan adresser vos questions ici : [email protected]