lundi 7 novembre 2011 - par Patrick LOUART

La philosophie peut-elle être une réponse humaniste à la mondialisation ?

La philosophie, l'humanisme, la mondialisation, ou comment relier le complexe et le compréhensible. Cet article va tenter d'apporter un éclairage sur un concept ambivalent.

Une question fondamentale se pose en ce qui concerne le mythe de la mondialisation supposée heureuse, car il nous faut bien débuter par elle.

Aussi, commençons par la question permettant de mettre en lumière les caractéristiques qui permettent de construire une mondialisation, soi-disant nécessaire, soi-disant inéluctable ?

La réponse peut difficilement se résumer tant un nombre de concepts important convergent vers le cœur du système : à commencer par le règne sans partage de la loi du marché, l’égoïsme et par la même occasion l’égotisme ; l’individualisme, le capitalisme d’accumulation, foncièrement différent de celui, historique ou même social qui s’est développé dans le nord de la France et de l’Europe ; le libéralisme sans mécanique de freinage, l’hypertrophie mercantile, le dogme de la croissance infinie hissée au rang d’un rêve qui se voudrait atteignable par tous ; la frénésie consumériste, le nivellement des classes moyennes par le bas dans un marché de l’emploi déstructuré par les déséquilibres du coût mondial du travail, ce qui provoque une lutte sans merci pour le maintien sans concession de la situation sociale de classe au-dessus de celle des plus défavorisés ; la généralisation sournoise de la détestation de l’impôt, y compris par les plus défavorisés qui sont les premiers bénéficiaires du reversement indirect, et, sous un autre angle de vision, le darwinisme économique ; la résurgence d’un féodalisme, économique cette fois-ci, d’une chevalerie contemporaine flanquée de codes d’honneur s’appuyant sur l’apparence extérieure des grands prêtres de la religion financière internationale ; la gestion organisée de la frustration qui développe un sens aigu de l’envie de posséder oui, car le sentiment de possession participe de la construction idéologique mondialisée et du renforcement du sentiment de puissance que traduit le mythe prométhéen d’un Homme à l’égal de Dieu, ressemblant force, beauté, courage, grandeur, intelligence, richesse et puissance…, et peut-être même immortalité ! Dans ce capharnaüm mondialisé, la réponse aux caractéristiques qui permettent de construire une mondialisation s’allonge. On y trouve également, la permanence du progrès technologique en tant que facteur supposé d’amélioration de la vie ; la dépense compulsive favorisée, voire décomplexée, presque institutionnalisée, vantant les mérites déstructurant de la consommation à crédit, l’immédiateté du plaisir et du bonheur, éphémère mirage aussi nocif pour les moins entraînés à saisir le sens corrompu de cette forme de consommation qu’aux initiés de la chose consumériste mondialisée ; la cupidité cachée sous les traits d’une envie salutaire, le mouvement rapide du progrès entrainant la frénétique quête d’un « j’existe parce que je suis dans l’immédiat d’un présent qui par définition ne peut exister  », et le saint des saints, parce qu’il faut mettre un terme à cette calamiteuse énumération : « le culte du podium », et sa dévotion stupéfiante que voue aux winners compétiteurs, l’establishment planétaire qui écarte d’un revers de main les quasi 100% de l’humanité. Comment ne pas replacer dans ce contexte la citation d’Albert Memmi qui, dans son dictionnaire personnel, disait qu’il était urgent de remettre « L’homme à la place des idoles » ; Ce concept semble autrement plus délicat à manier, car, par un tour de bonneteau, les nouvelles idoles n’ont rien du Veau d’Or, mais sont désormais humaines et idolâtrées comme des divinités.

En fait, « Être premier ou n’être pas », telle pourrait être la devise de l’humanité mondialisée et non de la mondialisation humanisée.

La mondialisation s’appuie sur cette liste, parce qu’elle recherche quels peuvent être les outils rudimentaires applicables par les plus ignorants de la chose économique sans que ceux-ci ne s’interrogent trop sur le sens caché du modèle économique dominateur.

Mais comment le fait-elle ?

La mondialisation abuse des ficelles de massification les plus vulgaires. Elle use du passionnel, de l’émotionnel et de l’affectif avec l’arrogante supériorité de celle qui s’autoproclame nourricière et généreuse. Autant d’éléments psychologiques propres à l’espèce humaine - pour l’instant - qui s’opposent à la Raison qui tente, elle, de dépasser les arcanes de la psyché humaine encline, par manque de formation, à se laisser tourmenter par les plaisirs bon marché de l’ignorance. Ces fondamentaux psychologiques sont les ressorts cachés de cette forme de complot économique, car ils recèlent en eux une puissance réelle.

Trop de Raison amènerait donc à tuer dans l’œuf un projet qu’en d’autres temps j’ai appelé la Babel Economique. Pour construire cette mondialisation rêvée par les libéraux au rang desquels Smith et Ricardo font figure d’amuseur de trottoir, l’usage outrancier des machines à rêver, les Deus ex machina, que sont la télé réalité, les techniques de peopolisation, les méthodes de starisation, les machines à générer du trash, du voyeurisme, de l’évènementiel, du populaire de masse, constituent un agrégat qui permet de créer du rêve low cost. Cet armement déformant, transforme le modèle économique occidental en gigantesque supermarché du bonheur premier prix. Il construit de toute pièce des règles économico-sociétales qui rendent nécessaire, voire indispensable à notre regard contemporain, ce qui ne l’est pas. L’objectif, planétaire sous-jacent s’appuie sur la nécessité de discréditer l’impôt, la répartition, la redistribution directe ou indirecte, la socialisation de l’économie, pour perpétuer durablement le libéralisme régalien de l’état gendarme. Et la Raison éclairante dans tout ce fatras hétéroclite est, selon moi, l’obstacle majeur qui se dresse face au projet néo-libéral mondialisé. Et cette Raison précisément, dans notre civilisation occidentale, puise sa substance première dans la philosophie antique et dans l’humanisme de la Renaissance.

Malheureusement, la philosophie est un outil sans manche. Donnez par exemple à un citoyen lambda une bicyclette sans guidon et sans chaine pour se déplacer et observez son comportement. Il aura tôt fait de chercher un autre moyen de locomotion et une autre méthode qui vont lui procurer plus rapidement un plaisir individuel, une souffrance presque nulle, une rapidité de déplacement et au total, un gain social avantageux. La philosophie c’est cela : un vélo sans guidon et sans chaine ! Tellement difficile à manœuvrer pour trouver sa route, tellement lent même lorsqu’on a réussi à forger soi-même un guidon, qu’il devient urgent de se débarrasser au plus vite de ce véhicule rebutant, pour s’en aller trouver le parfum facile et séduisant des gratifications immédiates, qui feront de vous le Geek le plus apprécié de votre pâté de maison et le plus interconnecté dans le cloud computing.

Depuis bien longtemps désormais, nous savons que les pouvoirs publics, efficacement écrasés par l’économique donnent volontairement à la jeunesse, un vélo philosophique dépourvu de guidon et de toute transmission d’énergie vers la roue arrière. On peut, à ce titre, revendiquer la théorie du complot si fortement récusée par l’optimisme humain qui ne voit là que l’arbitraire protubérance phénoménologique de cerveaux mités par une paranoïa mal soignée. Pourtant, nous sommes contraints de constater que cette internationale économique unilatérale, (Davos, le B20, la Trilatérale), se trouve dispensée de rendre des comptes et d’offrir des contres-parties. Or, c’est l’usage possible… nécessaire de la pratique philosophique qui peut redonner du sens au dévoiement planifié des devenirs individuels et au déficit de contrôle que nous exerçons sur nous-même. N’est-ce pas là quelque chose d’éminemment subversif ? La philosophie, comme la bicyclette, est l’instrument de la pensée humaine qui se déplace en silence. Par conséquent, elle est d’autant plus facile à museler qu’elle avance sans bruit et qu’elle est contingentée dans les apprentissages éducatifs.

En tant qu’outil de savoir et de compréhension du monde, mal enseignée et insuffisamment pratiquée, la philosophie ne permet plus de faire jaillir naturellement le début d’un chemin vers la connaissance ! Pourtant, les humanités comme on les appelait naguère, possédaient cette somme de savoirs qui les rendaient intéressantes, parce qu’ambivalentes, parce qu’attractives, alors qu’elles décapaient, déjà à l’époque, le conformisme ambiant. D’abord le mot même d’humanités est utilisé pour rassembler ce qui est de l’ordre de la pensée et sans l’ombre d’un doute ce qui en est extrait, i.e la création. Ce jus de la pensée humaine crée une littérature engagée, une philosophie majeure, une poésie essentielle et fragile et un art érotique. Il est, à l’évidence, l’excipient corrosif le plus agressif, reliant entre eux les principes actifs de la compréhension. Et on commence là, à effleurer ce qui dérange l’invisible construction économique, citée plus haut, celle d’une civilisation archaïque qui cherche à perpétuer sa domination enclose dans un cultuel judéo-chrétien qui, de toute façon, même s’il s’éloigne inexorablement du cœur initial de sa pratique croyante, n’en demeure pas moins puissamment inclus dans les inconscients collectifs. Déranger les structures économiques n’est pas neutre, raison pour laquelle, elles prennent un soin tout méthodique à éradiquer les humanités parce qu’elles sont subversives ! 

Dès lors, on comprend mieux ce qui pose problème. « La philosophie peut-elle être une réponse humaniste à la mondialisation » ? Elle peut l’être, comment pourrait-on douter du contraire.

Analysons le phénomène à travers un postulat. Que peut procurer la philosophie mis à part l’amour de la sagesse et du savoir comme le résume son étymologie grecque ? Si nous avons franchi là, la marche primordiale dans la compréhension nécessaire du mot, l’ascension n’est pas terminée. Or, ce jus intellectuel, qu’il m’est précieux de nommer « éjaculation cérébrale », se résume à la notion d’éclaboussure de vie et d’ensemencement citoyen.

En effet, la philosophie crée du sens là où l’univers humain construit en est dépourvu. Son essence même, suscite de la curiosité intellectuelle dans les espaces où une morale fallacieuse sortie d’un corpus dogmatique, interprète l’existence de l’humanité à travers le prisme déformant des monothéismes flagellateurs. Jean Pic de la Mirandole, philosophe et théologien, décline, en pleine Renaissance italienne, un humanisme dont le résumé, bien sûr imparfait, tente à travers l’annonce d’une seule idée de présenter ce qui constitue la vision constructive de l’homme : « l’homme est le seul être qui n’a reçu aucun propre et qui, contrairement aux autres créatures, doit conquérir par lui-même sa propre forme  ». Il place ainsi l’homme au cœur d’une imperfection majeure ce qui pour un théologien reste assez évident. Mais allant encore au-delà, il le destine à être l’unique artisan de sa propre construction, écartant en cela un surnaturel divin censé modeler le corps et l’esprit.

Construire son soi, dont l’enveloppe extérieure n’a de cesse de refléter l’intérieur, serait la meilleure façon de travailler à l’amélioration de l’espèce humaine. Mais cela demande la conscientisation de sa réflexion. Et la philosophie en ce sens est une aide précieuse parce qu’elle peut être créatrice de cette posture fabriquant l’humanisme. Parce qu’il y a édification, la philosophie est l’inverse du statique, du stérile, du définitif. Puisque la pensée est déjà un mouvement, celui de l’esprit, penser c’est fabriquer de l’action, c’est chercher à comprendre le complexe.

Alors, à mesure que nous nous acheminons vers la conclusion, que pouvons-nous tirer de tout cela. 

Et bien, que la démonstration se résume pour partie à une projection, à un mouvement physique universel. Ainsi, la philosophie n’est-elle pas, primo : l’expression cérébrale d’un principe de mouvement et en même temps, la propension à fabriquer de la connaissance par la quête, assez désespérée d’ailleurs, d’une réponse plausible face au questionnement de l’inconnu. N’est-elle pas, par-delà les doctrines moralisantes, une réponse positive à la question énoncée qui ancre la philosophie dans son écrin fondateur : l’acte de création ? Deuxio : ne projette-t-elle pas l’humanisme comme une posture idéale, constructiviste et jamais achevée, face à l’idée doctrinaire de la mondialisation libérale dont son acte artistique (sous-entendu créateur) se situe à l’inverse du rassemblement universaliste ? Réponse oui !

Ainsi, si le savoir découlant de la posture philosophique crée de l’humanisme, alors, la philosophie est elle-même acte de création, donc mouvement humain universel. De cette hypothèse naît la caractéristique d’opposition fondamentale avec la mondialisation omnipotente. En effet, le paradigme nauséeux d’une pensée unique statique, fige la création ou l’enserre dans un filet mercantile réducteur.

 Patrick LOUART



1 réactions


  • mcjb 7 novembre 2011 15:30
    il suffit de lire Friedrich Nietzsche pour s’en convaincre
     
     
    Aurore
    Réflexions sur les préjugés moraux
     
     
    grand visionnnaire, il a su prevoir que l’homme ne pourrait dominer son destin que quand il dominerait sa production litteraire depuis les premiers ecrits sur des caouilloux ou toutes formes de support qui resistent au temps
     
    or cette production litteraire est le fondement meme de la morale et bien sur bdes chiffres qui l’accompagnent
     
    autant de peuples autant de morales, en effet la morale est differente pour un peule qui vit ou non en societe , il n’y a qu’a voir le nombre de tribus en lybie et c’est partout dans le monde, et pourtant toutes acquert une façon de vivre en rapport avec la nature et leurs besoins essentiels pour se nourrir afin de survivre et de prosperer 
     
     
     
    la demarche est donc difficile mais alletante quel est le fil tenu qui relie toute l’humanite bien sur on pense tout- de suite aux tables de la loi dee moise mais elles sont imparfaites aussi le legislateur a voulu les completer
     
    les legislateurs sont tous les prophetes qui ont permis d’ecrire les livres religieux et moraux, mais aussi tous les philosophes qui ont permis une meilleure comphrension des textes, ca va de confucius a kant en passant par st augustin st thomas les vertus etc etc
     
    il n’y a pas de lacune en droit chaque peuple chaque humain depend d’une source de d roit qu’elle soit religieuse ou morale , alors il reste a expliquer pourquoi certains gouvernements transgressent le droit,c’est une question qui pourrait se resoudre tres facilement si les etats entre eux se communiquaient leurs sources de droit , avec internet et tous les reseaux il me semble que cela devrait etre possible afin qu’enfin des peuples entiers ne perissent pas sous les coups de dirigeants incompetents et ignares

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