mardi 24 février 2009 - par BUISINE Albert-Henri

Le fleuve Congo

Etats des lieux du transport fluvial en RD Congo : "Pistes et solutions"

Présentation du fleuve Congo.

Le fleuve Zaïre – nommé ainsi par le Président Mobutu de 1971 à 1997, du nom donné au 16ème siècle par les Portugais –Congo, depuis, est le plus grand fleuve de la partie ouest de l’Afrique centrale, il sert de frontière naturelle entre notre pays et la République du Congo.
 
Avec ses 4700 km de longueur, le fleuve Congo est le deuxième plus long fleuve d’Afrique après le Nil. Avec ses affluents, il irrigue la deuxième plus grande foret tropicale humide au monde. Il détient, en outre, par son débit, le second rang mondial après l’Amazone et, est le deuxième bassin versant en terme d’importance.
 
S’agissant du bief moyen qui va de Kinshasa à Kisangani, il totalise 13 450 Km de voies navigables en y ajoutant ses affluents dont la rivière Kassaï. Le tirant d’eau varie entre 1.3m et 2m.
 
Le fleuve s’écoule vers l’ouest depuis Kisangani, juste au bas des chutes Wagenia, puis s’écoule peu à peu vers le sud ouest en passant par Mbandaka, se joignant à l’Oubangui puis se précipitant dans le pool Malebo. Kinshasa et Brazzaville se situant de chaque coté du fleuve à ce niveau, sont les portes d’entrées vers les cataractes, collectivement connues, sous le nom de chutes Livingstone. Le Congo s’ébroue ensuite en direction de Matadi et Boma, puis accède enfin à l’océan atlantique, vers la petite ville de Moanda.
 
La largeur de son lit est très variable, au confluent de l’Oubangui, cette dernière peut atteindre jusqu’à 15 Km, environ 23 Km au pool Malebo et moins de 2 Km à Kinshasa.
De par sa position médiane de l’équateur, le débit du fleuve est stable et, est de fait navigable tout au long de l’année et, en toute saison. Ce qui représente un phénomène unique au monde ; en effet, 1/3 du bassin du fleuve se trouve dans l’hémisphère nord et 2/3 dans l’hémisphère sud. Conséquence : la saison sèche de l’hémisphère nord apparait vers le mois de janvier, alors que dans l’hémisphère sud, elle n’apparait que vers juillet. Il y a donc une opposition entre le régime de l’Oubangui au nord et celui du Kassaï au sud. Le Haut Congo (Zaïre), appelé Lualaba, connait d’abord un régime d’hémisphère sud qui s’atténue près de Kisangani. En aval de cette ville, le régime s’inverse grâce à l’apport des eaux des rivières venant du nord, dont l’importance devient prépondérante en aval du confluent de l’Oubangui. Il en résulte que le fleuve Congo, en aval de Kisangani est caractérisé par un régime d’une certaine régularité.
 
Dans un pays comme la République Démocratique du Congo, où la construction et l’entretien des routes terrestres sont très couteuses et dévastatrices pour notre environnement (déboisage, destruction de la faune et la flore…), et cela, aussi bien dans le relief tourmenté de la ceinture montagneuse qui borde la cuvette centrale marécageuse que dans cette cuvette même, la nécessité s’est très vite fait ressentir d’organiser un trafic plus rentable, plus abordable et plus écologique sur le fleuve.

C’est dans cette optique que l’exploitation intensive du fleuve, par le Royaume de Belgique, s’est opérée. Aujourd’hui, le trafic de ces centaines de tonnes de marchandises ne sont plus que réduites à leur simple expression. La crise financière internationale qui vient d’ébranler les économies puissantes aidant, a entrainé une chute considérable des volumes de marchandise transportés dans le secteur fluvial, à titre d’exemple l’arrêt brutal de la filière forestière. Les effets de cette crise ont des implications sur les autres secteurs de l’économie congolaise, notamment les brasseries, les télécommunications, les cimentiers, les commerces généraux et sur les prévisions d’exportations.
 
Les tronçons navigables du bassin, du fait des caractéristiques géographiques et hydrologiques mentionnées plus haut nécessitent un entretien continu et indispensable afin d’assurer la navigabilité sécurisée. Il ya en premier lieu, le grand écart entre le débit d’étiage et celui des hautes eaux, résultats des précipitations de la zone climatique Aw dans laquelle nous nous situons. Mais également, de cet écart de débit le remaniement de la morphologie du fond du lit du fleuve est perpétuel. Les bancs de sable changent de volume et se déplacent sous l’influence d’un débit variable. Devons nous ajouter entre autres obstacles à la navigation les snags, la végétation aquatique flottante et la prolifération de la jacinthe d’eau qui semble avoir trouvé en notre fleuve des conditions optimales de développement.
 
La Régie des Voies Fluviales, en charge du balisage et de la sécurisation du fleuve, se trouve limité dans ses moyens d’intervention faute de ressources financières suffisantes. Les travaux de balisage récemment effectués s’avèrent inadaptés, inappropriés et inefficaces face aux défis de la navigation fluviale et aux réalités de terrain. Les conséquences de l’impraticabilité du fleuve Congo sont considérables.

Caractéristiques du réseau

Les freins et obstacles à la libre circulation des biens et des personnes par voies fluviales et lacustres limitent de manière drastique, la capacité du gouvernement à atteindre ses objectifs. D’une part dans la réalisation de ces 5 chantiers et d’autre part, dans la réalisation de ces objectifs de croissance économique à court et moyen terme.
Tel est le postulat de base. En effet, fort de ses 13 450 km de voies navigables, le fleuve Congo et ses affluents assurent naturellement et historiquement la desserte de toutes les provinces de la République.
 
En effet, cette desserte se présente de la façon suivante.
- Matadi/Kinshasa/Lubumbashi
- Lubumbashi/Kindu/Kisangani
- Kisangani/Kinshasa/Matadi

Elle s’articule autour du réseau routier, ferroviaire, aéroportuaire, maritime, fluviale et lacustre interfacés, cependant cet interface vital, colonne vertébrale d’une économie ralentie n’est plus assuré, son financement et son entretien reposant presque intégralement sur l’Etat et entreprises publiques…
 
3 axes principaux donc, qui assurent tant bien que mal le trafic des échanges nationaux et internationaux. Tant bien que mal effectivement, compte tenu de l’état de déliquescence des voies de communication. Cet état se traduit non seulement par un temps d’acheminement des produits nationaux prohibitifs, en défaveur des échanges internationaux, mais aussi par l’enclavement économique des provinces du pays dont les conséquences tant politiques et sécuritaires que sociales sont significatives.

Les infrastructures sont telles qu’elles ne permettent plus le transport intensif des biens destinés au marché intérieur ou à l’export, pourvoyeur des devises nécessaires à la stabilité économique et financière du pays. La conjoncture que nous subissons actuellement le prouve à suffisance.
 
Conséquences

D’un point de vue social, l’acheminement des produits de première nécessité, denrées alimentaires et produits pharmaceutiques, dont dépend une majeure partie de notre population ne peut se faire actuellement qu’au péril d’une navigation dilettantiste donc dangereuse. Il en va de même, des flux migratoires des populations. Le lot régulier d’accidents funestes tend à dépasser en nombre de mort celui des accidents d’avion voir de véhicules.
 
Le fleuve Congo est la voie naturelle toute tracée pour l’approvisionnement en produits agricoles et vivriers de l’ouest et de Kinshasa en particulier. En effet, l’interface dont on parlait plus haut ne peut être que le fruit d’un plan d’action concerté entre plusieurs acteurs et institutions publics. L’approvisionnement agricole de Kinshasa ne peut s’entrevoir que par la promotion de l’agriculture. L’agriculture remise au rang des priorités urgentes limitera l’exode rural d’une part et soutiendra d’autre part, la mise au chômage des agents des secteurs miniers, forestiers et autres. En parallèle, les routes de desserte agricole sont à ce jour également impraticables rendant difficile l’évacuation des récoltes au point d’enlèvement que sont les ports.
 
L’aspect sécuritaire et stratégique n’est pas en reste, l’état actuel de la navigation telle que pratiquée aujourd’hui, l’amateurisme, faute de formation des personnels navigants, le manque d’actualisation des données fluviales conduisent à des lacunes graves dans la défense du territoire par les voies fluviales et lacustres.
 
Au-delà des efforts financiers nécessaires à fournir pour la réhabilitation des infrastructures de transport, des problèmes de nature différente affectent également la filière. Il s’agit particulièrement de l’absence de balisage et du défaut de dragage, la multiplication des tracasseries (plus de 16 taxes ou dimes dont bon nombre illicite). L’absence des installations portuaires, le désengagement total de l’Etat en matière de transport de passagers, normalement sous la responsabilité du Gouvernorat ; le défaut de contrôle en matière de conditionnement des produits agricoles (voir sac de 150 kg au lieu de 60kg autorisé). Mais également, le déficit criant en ressources humaines qualifiées dans le secteur du transport fluvial, l’inaccessibilité du chantier naval, etc…

Un autre aspect, mais non des moindres est à prendre en considération et deviendra de plus en plus d’actualité : la pollution. A l’heure du passage à l’industrie propre et verte, la République Démocratique du Congo, ne serait restée sur le banc des mauvais élèves. En effet, nous avons fait remarquer plus haut, que le transport par voies navigables est certes plus écologique que le transport routier et ferroviaire, ce n’est sans compter le comportement de certains armateurs adeptes des vidanges sauvages dans le fleuve par exemple.
 
Le manque d’analyse pertinente sur le rôle clé que peut jouer l’assainissement et le rétablissement de ce secteur entraine la méconnaissance des défis posés par la détérioration certaine de ce pan économique.
 
Présentement les questions relatives au fleuve Congo et ses affluents relèvent des institutions étatiques suivantes :
- Office National des Transports
- Régie des Voies Fluviales
- Direction de la Marine et des Voies navigables
- Commissariat fluvial
- Régie des Voies Maritimes
- Office des routes

Ces dernières ont, à ce jour le monopole, quasi exclusif du financement, de la réhabilitation et de la construction des infrastructures du réseau, mais également de son entretien et des opérations commerciales y afférentes, particularité congolaise.

En situation d’étouffement au vue de leur performance toute relative, il semble qu’il faille restaurer impérativement la notion de service au usager dont les contours devraient être identifiés et mesurables en terme d’accessibilité, de coûts et de qualité de service.
L’expertise développée à ce jour, par les armateurs privés devrait suffire à imposer leur participation dans la conception de stratégie de développement du secteur.
 
En effet, le secteur privé pallie, efficacement, au déficit des services publics, qu’il s’agisse du transport de passagers ou de marchandises. Or les partenaires privés du secteur sont victimes de ponctionnements abusifs, de tracasseries récurrentes de la part de ces institutions.
 
D’une part, les frais exorbitants inhérents à l’exploitation fluviale mais d’autre part, le manque de services tels que les visites techniques, le balisage, le dragage, l’entretien et la rénovation des infrastructures portuaires limitent conséquemment les investissements, pourtant nécessaires à la modernisation de la filière et au développement économique du pays.
 
Possibilités d’actions à entreprendre

Une feuille de route établissant les principes de réformes auxquels devra se contraindre l’ensemble des acteurs de la filière devra être rédigé, un cahier des charges appelant secteur public et privé à collaborer pourrait être envisagé comme point de départ d’une analyse d’ensemble du secteur. En effet, il est important d’insister sur le caractère multimodal et interfacé du secteur des transports afin d’en cerner la problématique réelle et d’en déduire des solutions réellement efficientes.
 
Impulsée par le Ministère des Transports et Communications dont vous avez la charge, il doit être, en premier lieu, formuler une stratégie globale du développement de ce secteur aboutie et cohérente auxquels auront été associés les professionnels de la filière tant privés que publics. Tel que préconisé par la Banque Mondiale, une démarche consultative pourra être initiée afin de recueillir les informations nécessaires. Mais compte tenu de l’urgence que doit requérir votre attention, des actions doivent être menées à court et moyen terme afin de tenter d’endiguer la crise de la filière.
 
Fondé sur les éléments ci hauts présentés, qu’il nous soit permis de proposer qu’ une concertation avec les Ministères en charge des activités périphériques au transport fluvial doit impérativement être réalisée afin d’avoir une vision d’ensemble du secteur. Activités périphériques telles que l’agriculture, les finances, le portefeuille, le plan... Car en effet, la relance du secteur des transports ne peut s’envisager sans une relance parallèle de l’agriculture par le biais, notamment, d’appui aux campagnes agricoles, de restauration des routes de desserte agricole, la mise à disposition de lieux de stockage des récoltes…
 
- Doit être élaboré un plan, une prévision de croissance du secteur chiffré et séquencé. Ainsi que les actions à mener pour y parvenir.
- Une série d’amendements législatifs et réglementaires, accompagnée de nouveaux arrangements institutionnels doivent être appliqués afin de soutenir le plan de croissance adopté et particulièrement afin de déterminer les possibilités d’entreprise des acteurs privés dans le financement et les opérations du transport fluvial tels que :
o La manutention portuaire et lacustre
o Le transport de passagers et de marchandises
o Le chantier naval
o Le balisage et le dragage
o La gestion du personnel
o La documentation et l’archivage
- Un tableau de bord doit être conçu afin de réinvestir massivement dans la réhabilitation et la modernisation des infrastructures portuaires.
-  Des mesures incitatives favorisant l’investissement privé soient initiées, notamment en termes d’allègement fiscaux, de subventions, de contrôles des cours du carburant, d’accès aux prêts à taux préférentiels, d’abolition des taxes et dîmes cités ci haut…
- Un intérêt majeur doit être apporté dans le recyclage des connaissances des personnels navigants existants y compris des fonctionnaires et dans la formation professionnelle. 
 
Conclusion

Nous avons tenté de vous présenter succinctement la nécessité impérieuse de repenser le transport fluvial comme une priorité dont l’engagement ne peut se réaliser autrement que par le biais d’une impulsion étatique forte dans la définition de la stratégie et de la réforme globale du secteur. Que cette stratégie ne pourra être cohérente sans la concertation des Ministères dits périphériques au transport et que l’application et le succès de cette stratégie ne pourra être réalisée que par l’implication directe du secteur privé. 

Fait à Kinshasa, le 28 janvier 2009
 
Buisine Albert – Henri 
Buisine Angélique Nyota
 


2 réactions


  • dezanneau 26 février 2009 19:58

     Très heureux d’avoir un article sur la RDC, un pays qui a des atouts énormes dont le projet hydroélectrique du Grand Inga, pour rester sur le sujet. J’espère que la France saura redéfinir très rapidement un partenariat stratégique avec ses partenaires francophones notamment en Afrique centrale comme je le défend sur mon blog :
     http://www.la-france-contre-la-crise.over-blog.com/ avec ma contribution sur la question centrale de la dette dans nos économies, ainsi qu’ une solution portant sur plus de 1200Md d’euros pour l’Afrique dans le cadre de la Francophonie pour l’émergence de fait d’un monde multipolaire...

    Cordialement


  • Zen-Luck 9 mars 2009 23:09

    Bonjour,
    J’ai réalisé un site sur la dernière ville accessible directement par bateau sur le fleuve : Kisangani. Pourriez-vous me contacter : [email protected]
    Cordialement,
    Jean-Luc Ernst


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