jeudi 8 septembre 2005 - par Emmanuel Delannoy

Le PIB, le PIB vous dis-je !

J’ai écrit cet article il y a plus d’un an, mais, hélas, il est toujours d’actualité.

L’éditorial de Jean-Luc Porquet, dans le Canard enchaîné de cette semaine, vient opportunément le rappeler à ceux qui ne suivraient pas la presse économique : les catastrophes, naturelles ou non, sont plutôt une bonne chose pour la croissance. Comme le sont, aussi, les accidents de voiture, le cancer, voire une épidémie de grippe ou une bonne vieille canicule ...

Il y a juste une condition : il ne faut pas que les équipements de production soient trop touchés (les gens, les maisons, les écoles, l’écosystème, c’est pas trop grave ...) Dans le cas de Katrina, certains se sont fait une petite frayeur : est-ce que les installations pétrolières du golfe du Mexique n’auront pas été trop abimées ? Mais non, braves gens, rassurez-vous : selon "Les Echos", l’impact de Katrina sur la croissance devrait être légèrement positif ... Heureusement quand même qu’il y a aussi des économistes pour être sceptiques.

Mais y en a-t-il beaucoup qui se posent la question de savoir s’ils regardent le bon compteur ?

En gestion, en management de la qualité ou de l’environnement, le plus difficile c’est de décider quoi mesurer et comment : en un mot de choisir les bons indicateurs. Et il faudra bien un jour que nos élites dirigeantes se décident à reconnaître que le PIB n’est plus un indicateur pertinent. Il a pu l’être pendant de longues périodes de croissance, où il était corrélé, peu ou prou, à une amélioration des conditions de vie des populations. Mais ce n’est plus le cas : aujourd’hui, l’IDH a décroché. Il ne suit plus le PIB, depuis deux décennies. L’IDH, (Indice de Développement Humain), est calculé par le PNUD à partir de données tenant compte, entre autres, de l’espérance de vie, de l’accès aux soins pour tous, du niveau d’éducation, etc. pour tenter de proposer une alternative, ou du moins, une vision plus large que celle que permet le PIB. Et ne parlons pas de l’empreinte écologique, autre indicateur, proposé lui par le WWF, pour mesurer l’impact des activités humaines sur l’écosystème.

La décision doit se fonder sur des faits : Pour prendre de bonnes décisions, il faut donc de bons indicateurs. Si j’installe un thermomètre sur le guidon de mon vélo, je saurai tout juste qu’il fait chaud, ce dont je me serais rendu compte tout seul. Mais je ne saurai pas combien de kilomètres j’ai faits, ni si je serai à l’heure à mon rendez-vous ...

Pour en savoir plus : "Les indics dans la balance" sur Noolithic

Voir aussi : "Les nouveaux indicateurs de richesse", de Jean Gadrey et Florence Jany Catrice, aux éditions La Découverte.



4 réactions


  • Chem ASSAYAG Chem ASSAYAG 8 septembre 2005 11:17

    Votre article est très pertinent. Les indicateurs économiques et sociaux au sens large sont des objets sociologiques, construits et donc porteurs de sens et de choix. Un exemple simple : plutôt que de parler de taux de chômage on pourrait parler de taux d’activité. Parler de l’un ou de l’autre n’est pas neutre. De ce point de vue la classe politique en continuant à privilégier uniquement des indicateurs quantitatifs pour analyser notre environnement (la croissance du PIB par exemple) est encore une fois en décalage avec l’évolution du monde. En regardant l’IDH on verrait que la France n’est pas « en déclin » contrairement aux analyses courantes (cela ne veut évidemment pas dire que tout va bien, loin de là...). Les lunettes dont on se chausse pour regarder ont donc une importance !


  • Emmanuel Delannoy Emmanuel Delannoy 8 septembre 2005 16:23

    Le PNUD publie précisément aujourd’hui le rapport 2005 sur le développement humain.

    Voir le rapport
    Voir le classement des pays


  • Le Drakkar Bleu Noir (---.---.5.9) 14 septembre 2005 00:07

    Confirmation et en complément d’information :

    « Les exigences d’un développement humain durable passent aussi par une révolution des critères et des comptes de la richesse. C’est ainsi que le Produit Intérieur Brut (PIB) se révèle être un instrument discutable qui comptabilise sans aucune distinction toutes les activités génératrices de flux monétaires. Des catastrophes, des accidents, écologiquement ou humainement destructeurs dés lors qu’ils génèrent des flux monétaires de réparation, de remplacement, d’indemnisations sont intégrés positivement dans le calcul du taux de croissance. En revanche, des activités socialement utiles se trouvent dévalorisées par nos systèmes comptables. Il est plus que temps de nous atteler à ce chantier considérable du changement de représentation de la richesse et de la fonction que joue la monnaie dans nos sociétés. C’est l’objet du rapport » reconsidérer la richesse « qui devrait permettre d’entamer un vaste débat public. »

    Place-publique

    http://www.place-publique.fr/esp/richesse/synthese.html

    Rapport de mission « Reconsidérer la richesse »de Patrick Viveret 2001-2002 http://www.place-publique.fr/esp/richesse/rapport.pdf ou en rtf http://www.place-publique.fr/esp/richesse/rapport_final.rtf


  • wwww.jean-brice.fr (---.---.10.252) 13 février 2006 07:49

    BIEN VU ...


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