Le vrai prix d’un Rafale
Le Rafale récolte enfin des succès à l'export, nombreux et exceptionnels par rapport à l'Eurofighter, après une longue traversée du désert. Qu'en est-il des coûts ?
Des chiffres très différents circulent, ils ne sont pas toujours relatifs aux mêmes éléments. Et même des auteurs sérieux peuvent publier des chiffrages inexacts, par exemple : https://www.portail-aviation.com/blog/2013/12/17/le-veritable-prix-du-rafale-par-version
Cet article vise à clarifier les choses, à donner des ordres de grandeur, même si nous ne disposons pas de tous les éléments qui permettraient de donner les coûts les plus précis.
Evaluation du coût fixe (développement+industrialisation+ simulateurs+rechanges+ équipements de soutien+retrofit des premiers Rafale)
Le coût total du programme Rafale était de 45,9 Mds € (euros 2013), d’après un rapport du Sénat. (Projet de loi de finances pour 2014 : Défense : équipement des forces et excellence technologique des industries de défense http://www.senat.fr/rap/a13-158-8/a13-158-814.html).
Ce coût inclut les coûts totaux fixes (dont le développement) (non chiffrés) et ceux de production, pour 286 Rafale : 74 M€2013 pour le Rafale B (pour 110 avions) 68,8 M€2013 pour le Rafale C (pour 118 avions) et 79 M€2011 pour le Rafale M (pour 58 avions).
Ce qui doit permettre d’estimer le coût total fixe, par différence :
45 900 – 110 x 74 – 118 x 68.8 – 58 x 79 = 25 059,6 M€
Ceci, en supposant que le coût de production est le même, au cours du temps, pour chaque version. Le même calcul, sur Wikipedia (avec des coûts de production respectifs de 73 M€, 68 M€ et 78 M€, en 2014) (https://fr.wikipedia.org/wiki/Dassault_Rafale#Co%C3%BBt_du_programme_Rafale), donne un coût total fixe, en 2014,de 25.8 Mds€.
Evaluation du coût unitaire moyen
Il est alors possible d’estimer le coût total du programme, en 2014, pour 180 avions, dont 63 Biplaces, 70 Monoplaces et 47 Marine (répartition selon https://aviationsmilitaires.net/v3/kb/aircraft/show/6991/dassault-rafale-b) :
25.8 + 63 x 73 + 70 x 68 + 47 x 78 = 39.19 Mds€, soit donc un coût unitaire moyen de 217.7 M€.
Et de même pour 225 avions, dont 85 Biplaces, 93 Monoplaces et 47 Marine :
25.8 + 85 x 73 + 93 x 68 + 47 x 78 = 41.995 Mds€, soit donc un coût unitaire moyen de 186.64 M€.
Ce coût unitaire pourrait sembler élevé, mais il ne faut pas oublier qu'il inclut les simulateurs, les rechanges, les équipements de soutien et que le Rafale est non seulement extrêmement polyvalent, mais qu’il peut aussi effectuer plusieurs missions au cours d’un même vol. Si bien qu’un seul Rafale peut remplacer 2 à 3 Mirage 2000, selon les missions (Air Air, Air Sol), alors que certains trouvaient aberrant de lancer le Rafale enplus du Mirage 2000. Et le Rafale a beaucoup plus de capacités que l'Eurofighter, qui revient plus cher finalement (voir
Les leçons tirées des coopérations internationales (en aéronautique) (4/4))
Et ces coûts sont TVA incluse.
Le coût pour un équivalent Mirage 2000 revient alors à 186.64 / 2.5 = 74.7 M€ ttc, ce qui est très raisonnable, et ceci valide pleinement les choix faits en faveur de cette extrême polyvalence par la DGA et Dassault Aviation, dès 1985. Par opposition à l'Eurofighter britannique, allemand, italien et espagnol, très centré sur la supériorité aérienne, et dont le développement a fait l'objet de fortes critiques par les Cours des Comptes britannique (NAO) et allemande. (Voir Les leçons tirées des coopérations internationales (en aéronautique) (3/4)
Les coûts fixes à ce jour doivent s’élever à 25.8 + plus de 1 .0 (F3R) + 1.9 (F4) = env 28.8 Mds€.
Et l’export ?
Les prix export sont généralement les coûts unitaires hors coût fixe initial, auxquels il faut ajouter toute une série de prix : munitions, formation, simulateur, pièces, soutien, développement des spécificités client, y compris les risques techniques associés, etc., et soustraire la TVA.
Aux conditions économiques de 2014, les coûts unitaires respectifs HT étaient de : 60.8 M€, 56.7 M€ et 65 M€.
Tout ceci est compatible avec un coût export, nu, au standard F3R, entre 80 et 120M€, ce qui est extrêmement attrayant, d’autant que les coûts d’entretien sont contenus, apparemment inférieurs à ceux de l’Eurofighter (voir
Les leçons tirées des coopérations internationales (en aéronautique) (3/4), et bien inférieurs à ceux du F-35.
Un avantage de l’export, c’est qu’il permet de diminuer le coût de production, que ce soit pour les futurs avions français et pour les futurs exports, et de diminuer le coût des pièces, donc de l’entretien annuel, et de l’heure de vol, y compris bien entendu en France.
Les premiers contrats export ont aussi permis de maintenir la chaine de production, et les nouveaux d'assurer la pérennité du programme et les développements futurs de l'avion. L’export, et d’abord la grande probabilité que le Rafale finirait par se vendre à l’étranger, a permis de lisser la production à 11 par an, seuil minimal pour DA et ses sous-traitants.