lundi 12 novembre 2007 - par Théo Garleac

Les émirats du Golfe, Dubaï en tête, peuvent-ils dynamiser nos économies ?

Dubaï, c’est l’Eldorado aquatique du XXIe siècle, avec une concentration d’hôtels de luxe incroyable en vue d’être la Riviera du monde à l’horizon des dix prochaines années.

A l’occasion de nombreux reportages télévisuels ou d’articles dont toute la presse s’est fait récemment l’écho, nous nous sommes tous émus des conditions inhumaines de travail et de rémunération dans lesquelles toutes les forces laborieuses des Emirats sont plongées pour offrir au monde une de ses vitrines les plus luxueuses à l’horizon des prochaines années.

Ce n’est pas une découverte, la perversité de la mondialisation se loge bien insidieusement dans la spéculation financière à tous grains en s’épanouissant allègrement à tous crins, sûre d’une main-d’oeuvre à bon marché.

C’est ainsi, Dieu se ment sur la réelle nature humaine !

De tout temps, les projets pharaoniques ont montré qu’ils nécessitaient une quantité impressionnante de « fourmis ouvrières » ou « d’abeilles butineuses » pour alimenter la mère nourricière.

L’analogie « insectopie » s’arrête là, car l’utopie des ouvriers contribuant à amasser le butin des prédateurs financiers n’est pas récompensée par un partage équitable de la richesse créée.

Les Emirats ne font pas exception à cette évidence et ils ont su profiter le temps de l’euphorie initiale de cette situation passagère.

L’heure de la révolte des ouvriers a sonné et elle nous rappelle que les luttes sociales sont difficiles. Mais, les ouvriers du nouveau monde ont tout de même un avantage incontestable dans leurs revendications. Elles s’affichent en même temps au niveau planétaire pour ternir le blason doré des Emirats. De ce fait, la prise en compte de leurs attentes ne pourra être que plus rapide.

Certes, il y a de quoi s’émouvoir et je suis le premier à dénoncer le revers de la médaille qui n’est pas digne de l’image spectaculaire que l’on veut bien montrer au monde tout entier alors que le prix du baril du pétrole atteint des records historiques.

Il faut bien dire que le traitement actuel de la masse laborieuse vient largement égratigner ce décor de théâtre surnaturel, fruit d’une imagination sans borne des hommes et de leurs technologies les plus avancées.

Il est vrai que le terrain de l’innovation sociale est en reste. Les avancées sont beaucoup moins exemplaires et en tout cas pas toujours en phase avec les mutations économiques.

Nos économies industrielles comme celles des pays émergents ont des progrès à faire pour mettre l’homme au cœur des problématiques économiques. En fait, elles considèrent le climat social au même rang que le dérèglement climatique. C’est seulement quand tout va mal que l’on commence à se pauser des questions et à y apporter des réponses dans une cacophonie généralisée d’intérêts divergents.

Entre les uns qui n’ont plus les moyens de maintenir leurs privilèges acquis et les autres qui peuvent se les payer rubis sur ongle, il y a forcément une cote mal taillée à trouver.

Sans doute que l’imagination humaine trouve ses limites que la raison des uns ne connaît pas !

En d’autres termes, c’est lorsque l’on est au pied du mur que l’on voit mieux le mur.

Et justement, nous y sommes au pied de ce mur qui met en évidence le rôle-clé des équilibres à respecter dans le partage des richesses du monde.

Pour qu’il y ait partage de richesses, il faut avant tout créer ces richesses. Celles-ci se créent dans des esprits audacieux qui prennent des risques.

Ainsi, les Emirats se sont lancés dans des projets époustouflants et aujourd’hui le fruit de cette création se répercute sur les commandes d’avions du constructeur aéronautique européen Airbus avec une « commande de plus de 20 milliards de dollars ». Une autre création incroyable à la hauteur de ce que la volonté humaine a de plus noble et de ce que la dynamique d’innovation est capable d’engendrer.

Eh oui, on peut toujours gesticuler dans tous les sens ou vociférer sur cette aventure hors du commun des Emirats, mais le fleuron de notre industrie, qui a connu ces derniers mois un sérieux contretemps comme peut en connaître toute entreprise, pourrait bien retrouver sa place de modèle pédagogique.

D’ailleurs, la presse écrite et télévisuelle s’est fait largement l’écho de cette chute. Nous nous sommes tous émus des conditions inhumaines de licenciement et de rémunération des forces laborieuses d’Airbus pour offrir au monde une bien triste vitrine du modèle le plus élogieux.

Nous ne pouvons que nous réjouir que ces projets pharaoniques drainent dans leur sillage des créations à leur démesure, sources de croissance.

Mais, sommes-nous donc condamnés pour autant à subir cette éternelle spéculation financière sous-jacente qui l’accompagne irrémédiablement ?



4 réactions


  • stephanemot stephanemot 13 novembre 2007 18:07

    Dubai transmet sa richesse de differentes façons, comme par exemple :

    * des marchés nationaux très juteux (ex la Coree du Sud s’enrichit énormément avec les contrats d’infrastructures, de construction)

    * importations à haute valeur ajoutée (ex Airbus pour les biens d’équipement, le luxe pour les biens de conso)

    * investissements (ex DP World dans MGM Mirage)

    Valeur à surveiller les troisièmes (cf éventuelles participations dans EADS, activités stratégiques et « culturelles »).


  • Théo Garleac Théo Garleac 13 novembre 2007 21:26

    Au bout du compte, il faudra bien se recentrer sur l’essentiel. J’ai lu l’article du lien ci-dessus et la phrase de conclusion résume bien l’avenir de Dubaï plus les constructions avancent et comme les évènements présents le montrent aussi : « Il y sera question d’humains plutôt que de béton, mais au final on parlera bien du ciment de la nation ».

    Quant à la mondialisation, elle a toujours existé. Il faut arrêter avec cette idée fausse qu’elle est une découverte de notre siècle. Elle fait partie de ce monde réel depuis l’origine des activités humaines. A mon sens, ce n’est pas à la mondialisation qu’il faut s’en prendre et jetter des pierres, mais à ceux qui l’utilisent de façon totalement malsaine.

    On peut être partagé entre émerveillement ou dégoût devant une telle fresque. De mon point de vue, ce que je trouve le plus extraordinaire, ce n’est pas le gigantisme des projets entrepris, mais c’est l’audace de la création et la volonté d’y parvenir.


    • stephanemot stephanemot 14 novembre 2007 09:43

      C’est toute l’originalité du modèle. Comme pour la Chine, il y a un pilotage stratégique macro très impressionnant et des projets pharaoniques, mais avec de grosses différences :

      - ratio fonds investis / population sans commune mesure, cycles accélérés

      - un marché national hétérogène mais énorme dans un cas, trois dans l’autre (une minorité de locaux ayant la nationalité, une part croissante d’étrangers affluents et une masse dominante d’étranger sans statut et exclus du système, à la fois hors du marché et au coeur de sa réussite)


    • faxtronic faxtronic 14 novembre 2007 13:46

      Il y a une enorme difference entre la Chine et Dubai, c’est que la Chine est un pays communiste, et tous ceux qui pensent qu’elle ne l’est plus sont des cretins patentés, ou des naifs pour les plus audacieux. Deng Xiao Ping, promoteur initial de l’ouverture de la Chine debut des années 80, « qu’importe la couleur du chat, si il attrape les souris », ce qui veut dire que la Chine communiste veut accumuler les richesses pour les reditribuer, pour enfin devenir socialiste. Car ces memes chinois pensent que le maoisme est un echec, car on ne peut redistribuer que si l’on est riche. Donc la Chine veut etre riche pour devenir socialiste.

      A Dubai, c’est plutot une economie de rente petroliere, investie ensuite dans un limite proche des esclaves de Rome : des possedants de capitaux citoyen de Dubai, des petites mains non-citoyennes qui travaillent mais n’auront pas de dividende, et un groupe de meteque (europeen, asiatique, americain) qui assure le commerce international.


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