jeudi 12 mars 2009 - par DG.

Objet numérique et mécénat populaire

Le projet de loi dit « création et internet » fait actuellement grand bruit. Beaucoup s’inquiètent des dérives potentielles en matière d’atteinte aux libertés individuelles, à un moment ou le contrôle du réseaux est de plus en plus d’actualité. On part de la réalité factuelle de l’oeuvre numérique comme objet économique.

Oeuvre et objet numérique

Le fichier MP3 a une double facette, c’est une oeuvre et un objet numérique.

Un petit retour en arrière s’impose. Pendant longtemps, la valeur marchande d’une oeuvre musicale, cinématographique, était définie par la valeur propre de l’oeuvre (production...etc) et était distribuée via un support physique, dont le coût était aussi pris en compte. Le support physique limite matériellement la diffusion de l’oeuvre, une certaine rareté est établie, un droit exclusif pour le possesseur du support qui en justifie le prix.

Oui, mais lorsque le support disparaît, que se passe-t-il ? Ce qui justifiait la rareté de l’oeuvre n’est plus. L’oeuvre est libérée de son attachement, et redevient « réellement » une oeuvre de l’esprit, elle circule à la manière d’un chant oral ; l’internet est cette voix, et elle circulera aussi longtemps qu’il existera une trace dans les disques dur (la mémoire humaine s’il fallait comparer). L’ère numérique anéantit complètement la notion même de propriété intellectuelle : car la propriété est un droit exclusif, à l’égard des tiers, or cette exclusion est impossible MATERIELLEMENT, car la chose peut se multiplier à l’infinie. 

En d’autres termes, l’oeuvre matérialisée dans un objet numérique a acquis une qualité juridique toute particulière qui est celle des res communis.

Les res communis sont des choses inappropriables par nature, c’est le cas de l’air, par exemple, car il se renouvelle sans cesse. Le fichier numérique, est de la même nature, il se renouvelle autant que possible ; dans l’espace numérique, cette reproduction n’a aucune limite, autant qu’une action humaine le désir.

Il faut examiner deux séquences :

Premièrement, l’objet initial unique, auquel, souvent, un droit de propriété est attaché, et dont les titulaires en ont la pleine maîtrise. Celui-ci est encore exclusif. Cependant, n’est-il pas vrai qu’il reste destiné à être reproduit sans aucune contrainte matérielle. Ainsi, même si un droit droit exclusif y est attaché, sa nature ontologique ne change pas.

Deuxièmement, dès lors que l’objet commence à être reproduit, et diffusé auprès de tiers, il est certain que les propriétaires perdent leur exclusivité, d’un point de vue matériel, seule la loi dit le contraire. En fait, l’objet numérique est possédé par un tiers, alors que l’oeuvre demeure chez le titulaire légitime. Quand on parle de reproduction d’oeuvre, ce n’est pas l’oeuvre qui est reproduite, mais son support numérique. Dans le cas d’un tableau, l’oeuvre est inexorablement lié a sont support, si le support disparaît, l’oeuvre aussi, et la reproduction du support ne produit qu’une oeuvre altérée (une contrefaçon). C’est ce qui donne le caractère unique de l’oeuvre. Or pour un fichier numérique la reproduction du support se fait sans altération de l’oeuvre. De plus, l’oeuvre peut avoir plusieurs sortes de support (un concert, projection en salle). Donc, le caractère unique de l’oeuvre ne se trouve pas dans son support, dès lors qu’il est reproduit de manière identique.

Autrement dit, reproduire un fichier numérique ne reproduit pas l’oeuvre, qu’il supporte, puisque l’oeuvre est par définition une chose unique qui transcende les supports. Prétendre l’inverse revient a dire que les oeuvres n’en sont pas et ne sont que des marchandises.

Le prix des choses 

Revenons à l’objet numérique après l’avoir dissocié de l’oeuvre en tant que telle.

Et il faudra poser la question de savoir comment associer le caractère unique de l’oeuvre avec la multiplicité des objets qui la supportent.

L’objet numérique, par destination, a vocation à se multiplier à l’identique. La loi est sans effet sur sa nature. Seule l’intention de l’auteur, par un mécanisme qui empêcherait la reproduction, pourrait s’y opposer. « Pourrait », car même en dépit d’un telle intention, si l’intention était contournée, rien n’empêche alors l’objet d’acquérir les qualités précitées. Si bien que d’où vienne l’intention de marquer l’exclusivité, elle ne peut résister à la nature de l’objet. Car bien que l’objet soit vendu avec un mécanisme de protection, la reproduction a eu lieu, qu’on dit alors « légale », confirmant, par là, sa nature par destination. 

C’est la dans la vente de l’objet que tient la clé du problème. Quelle est la valeur commerciale d’un objet numérique ?

Comme tout objet, le modèle initial supporte des coûts de production, qui est un coût objectif.

Comme tout objet, sa valeur relative est définie, en partie par l’utilité du demandeur, et par les coûts de reproduction.

Or, dans cette équation il devient nécessaire que les coûts de reproductions tendent immanquablement vers zéro, que l’offre soit « légale » ou non, puisque la reproduction n’entraîne pas de frais supplémentaires, car libérée de toute contrainte physique, hormis les frais initiaux (bureau serveur..). Le processus de reproduction ainsi, s’affranchit de la rareté matérielle (disque, DVD, stock locaux, personnel..) et donc s’affranchit de la loi de l’offre et de la demande. Il n’y a pas à chercher plus loin les causes du téléchargement « illégal » : c’est l’application de la doctrine du marché.

C’est chose facile, la position de ceux qui désirent « développer l’offre légale », car débarrassés de la contrainte économique en matière d’offre, se retrouvent en situation de vouloir imposer un prix à un objet, qui selon les lois de l’offre et de la demande, en situation de marché pur et parfait, n’en aurait pas. Donc, d’un certain point de vue, organiser un marché de « l’offre légale », dans l’espace numérique, fondé sur la propriété intellectuelle, est en contradiction directe avec la nature ontologique des objets numériques, et de l’économie de marché (marché fondé uniquement sur la propriété mais sans la rareté).

Même, on ne peut plus parler de propriété pour quelque chose dont la rareté n’est plus. Car s’il y a propriété, il y a exclusion de tiers sur la chose, ce qui signifie que la chose lui est soustraite. Or par la même le mécanisme de reproduction, la chose n’est pas soustraite : bien que ce soit l’usage de l’oeuvre, spécifiquement, qui soit cédé contractuellement, il n’en demeure pas moins, que l’objet numérique support de l’oeuvre, non seulement, conserve ses qualités, mais est créé à cet effet, ce qui signifierait donc, non pas soustraire à autrui, mais additionner pour autrui, ou bien créer des objets de propriété à partir de rien !?!... C’est l’inverse de la propriété, car si les objets de propriété sont extensibles a l’infini, ils perdent par là même toutes prétentions à une quelconque exclusivité, car si une personne en acquiert l’usage, le titulaire originel et légitime le conserve toujours également dans tous ses attributs.

On ne me fera pas croire donc, qu’un fichier mp3 vaut quelque chose, mais que c’est bien l’oeuvre qui a une valeur. Or comment définir le prix de l’oeuvre, qui n’a plus de support commercialement valable ?

Matériellement et objectivement, l’offre tend vers zéro. La détermination du prix ne peut plus appartenir qu’à la demande, qui elle seule détient l’élément subjectif (le goût ou la sensibilité vis-à-vis d’une oeuvre) qui fixe la valeur. C’est de cela dont l’industrie est horrifiée ; la perte totale de la détermination du prix.

Certains diront qu’on ne va pas payer ; rien n’est moins sûr, pour s’en convaincre, il suffit de constater le nombre de personne qui cotise auprès d’organismes non marchands. D’autre part il y a des exemples réussis de téléchargement au prix fixé par le téléchargeur, comme le dernier album de Radiohead, ou bien dans le cas des freewares.

On peut donc bien imaginer un portail internet où la personne déclare ses téléchargements et en fixe le prix, respectivement à chaque oeuvre, avec ou sans système de « contribution créative ».



11 réactions


  • Loule 12 mars 2009 12:04

    Votre contribution est intéressante, mais j’ai beaucoup de mal avec toutes vos fautes d’orthographe... c’est très dommage car les idées sous-jacentes étaient dignes d’être diffusées...


    • si_près_si_loin 12 mars 2009 17:40

      Cela va dans le bon sens en effet : celui de la raison.

      Et si la forme ne suit pas forcément, l’auteur a au moins le courage de publier smiley 

      Et n’oubliez pas : manif anti hadopi a 18 heures devant l’assemblée !!!

      Faites passer le message, libérez vous de vos obligations, allez y, et tentons de nous faire entendre sur les "grands medias", histoire que notre message soit un peu plus enetndu par le "vrai" monde, qui ne se doute aucunement de ce qui se trame en ce moment ... smiley 


  • ernst 12 mars 2009 19:53

     La dématérialisation du support n’a rien à voir avec la réalité de la création. Votre démonstration est absurde, si vous omettez de dire qu’à la base il y a vol de créativité.

    L’immatérialité de la créativité fait que vous allez priver cette génération de création.

    Pensez vous que les auteurs soient de purs esprits ?...

    Je vous assure, pour les avoir connus, que jamais, au grand jamais, si ce n’avait été pour gagner leur vie, ni Trenet, Brassens, Brel, Barbara, et tant d’autre, c’est à dire tous, n’ont fait que pour cette raison. Croyez vous cette baliverne qui consiste à dire " j’adore mon public" ?... Brel dégueulait avant chaque entrée en scène, Brassens était très timide, et tous, y compris Ferrat l’engagé, dès qu’ils en en eu les moyens, ont disparu de la scène.

    Le résultat de vos élucubrations ?...

    Plus personne ne s’engagera dans une profession où on ne peut plus gagner sa vie. A part deux ou trois coiffeuses qui auront envie de voir leur tête dans Gala.

    Et une civilisation qui ne crée plus est une civilisation qui meurt. L’immoralité de vos propos reflète assez bien l’immoralité de cette génération qui considère que "piquer" dans les prisus, c’est pas grave...mais quand même un peu plus grave que télécharger...

    Pauvre France...

     


    • Loule 13 mars 2009 10:23

      Vos deux derniers mots s’appliquent parfaitement à ce qu’on ressent après avoir lu vos élucubrations. Soyez sympa, fermer votre... clavier. Vos exemples sont scandaleux, et je comprends que vous ne citiez que des personnes qui ne peuvent plus vous répondre. Recevez monsieur tout mon mépris.


    • DG. DG. 13 mars 2009 11:28

      "La dématérialisation du support n’a rien à voir avec la réalité de la création."

      justement je fais la distinction entre l’oeuvre et son support,

      et je ne remet pas pas en cause la nécessité de rémunérer les artistes (toute la difficulté étant de savoir comment et a quel niveau)

      j’essais de pointer un paradoxe économique, appliquer justement a la diffusion des oeuvre dans le monde numérique.
      et comme vous le dite l’oeuvre n’est pas pure esprit, (d’ailleur le concert ou le CD, c’est du matériel, c’est encore plus vrai pour d’autre catégorie d’oeuvre, comme let théatre) mais il faut être de mauvaise fois pour dire que dans le monde numériqure l’oeuvre conserve un caractère matériel, dans le sens commun. Et pour la musique, elle a de multiple forme de diffusion qui se concrétise matériellement, mais dans le numérique a une forme toute particulière.
      d’ailleurs, j’ai toujours trouver étonnant, que le prix des CD soient sensiblement équivalent, est_ce a dire que toutes les oeuvres se valent ? apparement d’un point de vue commercial probablement, mais artistiquement ,je ne suis pas sur.

      quand au "vol", je ne peut que vous renvoyer a la définition d’un dictionnaire, juridique de préférence



  • Bigre Bigre 12 mars 2009 19:58

    L’idée de l"oeuvre numérique, de sa reproduction qui ajoute de la valeur est bien expliquée dans le livre de Florent Latrive, " Du bon usagede la piraterie", livre qui vaut le détour et qu’une recherche sur internet vous permettra de la télécharger.

    Si j’ai une bougie éteinte et toi une bougie allumée. Si tu me donnes du feu, je ne te prends rien, tu n’as rien perdu, et on y voit plus clair tous les 2 ! CQFD.


    A la notion de propriété, s’ajoute la notion de paternité, .... 




  • ddacoudre ddacoudre 12 mars 2009 23:27

    bonjour DG

    j’ai bien aimé ton article, qui cerne bien les limites du marché quand disparait le support matériel qui donne une part la valeur marchande préansible de l’oeuvre.
    il y a comme cela des comportements plus que stupéfiant quand apparaissent de nouvelles technologies qui bousculent l’ordre des puissants. je me souviens de l’époque de l’introduction des photocopieurs.
    dans les conseils d’administrations, il était interdit de copier les documents remis aux actionnaires, et il a fallut attandre un jugement de la chambre sociale de la cours de cass pour qu’elle dise que prendre connaissance emporte le droit de prendre copie. là nous sommes un peu dans le même cas.

    cordialement.



  • plancherDesVaches 13 mars 2009 10:47

    Vous allez me juger bizarre, mais...
    Lorsqu’une oeuvre me plait vraiment, film ou musique, je ne peux pas m’empêcher de l’acheter.
    Pas une question d’emballage ou de bonus... ça, c’est pour les idiots manipulés du marketing. Mais c’est parce qu’un support gravé a une durée de vie de 5 ans sûre.

    Par contre, si je continue à me faire rouler par des TRES bonnes promotions de films qui sont des navets, j’arrêterais d’acheter. Tout simplement.


  • Emile Red Emile Red 13 mars 2009 12:20

    Quel débat...

    Il est sûr qu’à moins d’un cadeau du créateur, l’oeuvre doit être payée, mais le problème est de savoir à qui.
    Est-il normal qu’une création intellectuelle soit sujette à d’autres ayants droits que le créateur lui même ?
    Ne serait-ce pas une forme de falsification que de commercer une oeuvre créée par autrui ?

    Il en va de même de la reproduction qui n’est en aucun cas l’oeuvre originale et donc ne peut prétendre à ce titre et encore moins à commercialisation sous le nom de l’auteur.
    Les maisons de disques s’arrogent des droits et des revenus qui ne devraient en acun cas leur être accordés, seul le support à un prix qu’ils ont toute liberté de vendre avec ou sans contenu, de là l’oeuvre immatérielle n’est plus de leur ressort puisque la seule part leur permettant revenu disparaît.

    Une question se pose, puis je chanter une chanson, dans le cas ou j’en ai le droit, je peux donc reproduire cette chanson sans aucun aval puisque c’est ma voix que j’enregistre avant le texte chanté, si je n’en fait pas commerce j’ai donc droit à reproduction diffusée d’une oeuvre ne m’appartenant pas, si je n’en ai pas le droit aucune instance n’en a non plus le droit commercialement si ce n’est avec la voix unique du créateur et son aval formel, tout ajout instrumental se devrait voir additionnés les droits de chacun des instrumentistes qui créent leur partie.

    Maintenant concernant le droit d’auteur, quelle légitimité interdirait le plombier ou l’ébéniste à réclamer des droits d’auteur à chaque fois que l’on ouvre un tiroir ou qu’on tourne robinet, on profite bien de son oeuvre intellectuelle si celui ci s’estime artiste, pire encore, une publicité diffusée sur les ondes devrait être rémunéré directement à l’auteur et non générer des revenus aux diffuseurs qui ne sont en rien ayants droits de l’oeuvre diffusée.

    L’absurdité des droits d’auteurs brille chaque jour sur notre planète, or c’est sur cette absurdité que s’appuient de simples marchands et des politiques incultes pour nous faire croire qu’une oeuvre peut engendrer des revenus supplémentaires aux revenus accordés au créateur, d’où les raisons pour lesquelles nous sommes dans cette confiture infernale.

    Supprimons les droits d’auteur, rémunérons directement les artistes comme tout travailleur et toutes les discussions cessent.


  • ernst 14 mars 2009 05:47

    Au cas improbable, vu votre grande intelligence, où vous ne l’auriez pas compris, je suis artiste moi-même.

    Parlant de Brel ou autres, jje ne parle que de gens que j’ai bien connus, je veux dire intimement.

    Non, je n’ai rien contre les nouvelles technologies en général, et en plus, vu la façon dont les Maisons de disques de variétés ont géré leurs artistes ces dernières années, je ne regrette pas non plus que cette industrie s’arrête. Pour ce qui est du Classique, c’est par contre moins grave car, d’une manière générale, les amateurs continuent d’aimer à posséder leurs enregistrements, choisir les chefs et interprètes qu’ils conservent comme un original de Proust.. Je veux dire avec une tendresse passionnée. Jarousky, Dessay ou Bartoli sont à l’abri, relativement, des déprédations. Ce qui n’est évidemment pas le cas des consommateurs de zique qui pillent tout ce qu’ils trouvent et parfois même pour en tirer profit. Des photos ou disques de moi, en japonais ou en allemand, retrouvés à des prix insensés à St Ouen...

    J’ai donné un tour de chant de trois semaines à Paris il y a deux ans, et en dépit des nombreuses demandes pour reéditer l’exploit en province en 2010, je ne crois pas avoir envie de me faire plumer comme la dernière fois : des copies de mon tour de chant circulaient dans Paris dès le lendemain matin de la Première...C’est frustrant, vexant, enregistré sur les genoux avec les bruits de salle, etc...Juridiquement, vous appelez cela comment ?...un hommage ?... un emprunt ?...l’ordre naturel des nouvelles technologies ?...

    Je fais donc une croix sur ce métier. Sans rancune.J’improviserai pour moi seul dans ma salle de bain...

    Quant à votre mépris, sorti je ne sais d’où, je pense que vous au moins savez l’endroit où je le place.

    Recevez, Monsieur, etc...etc...


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