lundi 27 février 2006 - par Pierre Bilger

OPA : Les dés pipés

Tel est le cas quand le capital de l’un des protagonistes est contrôlé en droit ou en fait par un actionnaire unique, notamment Etat ou famille, dont le comportement n’est pas dicté uniquement par la rationalité du marché, mais par d’autres critères qui peuvent être respectables, mais ne pas correspondre nécessairement à l’intérêt financier, à court ou long terme, des minoritaires. En outre, quand c’est le capital de l’attaquant qui présente cette caractéristique, la cible est privée d’une partie des moyens qui lui permettraient de faire valoir son point de vue de manière équitable.

La solution est simple. L’Union européenne devrait interdire les offres publiques d’achat hostiles, menées par des sociétés cotées, contrôlées en droit ou de fait par un actionnaire unique, étatique, paraétatique, familial ou de tout autre nature. Elle ne ferait en cela que suivre dans une large mesure l’exemple des Etats-Unis dont la règlementation est peu favorable aux offres hostiles, notamment d’origine étrangère. Bien entendu, l’application de cette nouvelle règle qui ne pourrait qu’être européenne devrait être supervisée par une autorité de marché également européenne, fonctionnant sous le contrôle de légalité de la Cour de Justice.

Cette règle du jeu aurait le mérite d’obliger les entreprises européennes à privilégier les approches amicales dont les chances de réussite dans la durée sont beaucoup plus certaines, et, pour celles des offres hostiles qui resteraient possibles, de garantir un débat loyal et équilibré. S’agissant des entreprises qui ont encore l’Etat pour actionnaire sinon majoritaire, du moins dominant, elle rendrait plus acceptable cette situation particulière qui peut être justifiée par l’intérêt national, en évitant de les exposer à la critique d’en tirer profit de manière indue dans la compétition avec les autres entreprises.Enfin seraient évités les affrontements entre Etats qui ont peu de chances d’aboutir aux solutions industrielles les plus appropriées, mais qui au contraire laisseront des séquelles négatives, susceptibles de contrarier durablement la mise en oeuvre des concentrations nécessaires.

Personne ne serait lésé dans cette approche, ni les entreprises, ni les actionnaires ordinaires, ni l’économie dans son ensemble. Personne, à l’exception des prestataires de toute nature, banques, cabinets d’avocats, agences de communication et d’influence, qui, dans ces opérations hostiles, prélèvent des honoraires considérables sur les entreprises et leurs actionnaires. Cela ne semble pas suffisant pour en justifier la légitimité.

Cependant, tout en formulant cette suggestion, je mesure que le gel de la construction politique de l’Europe, provoqué pour longtemps par le rejet français du traité constitutionnel, fait qu’elle relève de la catégorie des vœux platoniques. De nombreuses initiatives politiques nationales vont donc continuer à se déployer, de manière unilatérale, au risque, même si certaines d’entre elles peuvent apparaître légitimes, d’attiser les sentiments anti-européens et de rendre plus difficiles d’autres démarches industrielles utiles. Le tout au détriment de la construction politique et économique de l’Europe...



4 réactions


  • 3014 (---.---.63.49) 27 février 2006 15:55

    Hélas, l’auteur a totalement raison ,il n’existe donc pas une seule possibilité qu’il soit écouté par le monde politique qui re hélas joue un role déterminant dans les relations économiques asymétriques mais avec des vues à trés court terme.


  • GS (---.---.171.211) 27 février 2006 16:07

    « la rationalité du marché »

    Je suis très curieux de savoir ce que vous entendez par là...


  • wwww.jean-brice.fr (---.---.108.245) 27 février 2006 22:13

    Tout cela est la conséquence de la prise de décision de M. NIXON le 15/8/71 où la financiarisation l’a emporté sur l’économie réelle ; mais la confrérie des énarques a une responsabilité majeure, du moins en France, par la politique mise en oeuvre depuis une trentaine d’années...


  • Nicolas le vrai (---.---.232.177) 23 mars 2006 11:13

    C’est vrai que les sociétés où le capital est détenu majoritairement par une entreprise familliale ou par un état fausse le jeu de la concuirrence, car elles ne peuvent être prises pour cible mais elles peuvent acheter sans gènes.

    Une entreprise comme GdF ou EdF qui sont controlé à 80% par l’état (GdF n’est pas encore officiellement unie à Suez) irrite les autres pays étrangers ou entreprises étrangères qui ne peuvent rien faire contre une OPA lancé par ses deux là mais à l’inverse non pas la possibilité d’acheter des parts de capital, ni même echanger des actions avec ce type de société étatique. C’est vrai qu’on peut parler de dés pipés.

    Mittal même chose, avec plus de 80% de la société entre les mains du fondateur, la société peut acheter qui elle veut et refuser toutes OPA.

    C’est pourquoi je trouve dommage la proposition du Luxembourg qui n’a pas été validé au parlement, sous la pression de Mittal et de l’ultra-libéralisme, qui consisté à interdire toute OPA hostile lancé par une société dont 25% au moins du capital n’est pas en bourse sauf si la proposition est toute en cash. Or comme on a pu le voir Mittal veut s’acheter Arcelor avec un minimum de cash et un maximum d’echange d’action ce qui est une tres mauvaise chose pour Arcelor qui se voit contrainte d’accepter des actions Mittal (actions qu’elle ne désire pas) avec tres peu de liquide.


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