mardi 1er novembre 2011 - par Catherine Segurane

Paul Krugman, prix Nobel d’économie, compare l’euro à un trou dans le seau de l’Europe

Paul Krugman, universitaire, économiste et chroniqueur au New-York Times, n'est jamais que Prix Nobel d'économie ; il s'est exprimé sur la crise de l'euro dans un article en français.

Les titres éminents de Krugman, et l'accessibilité linguistique de l'article, rendent difficile de comprendre pourquoi cet article n'est accessible que par des canaux confidentiels. Pour le lire, il faut aller sur le site de la RTBF, ou sur le blog de Gérard Brazon.

Vous avez dit censure ?

Il est vrai que ce mal-pensant de Krugman a le culot d'écrire : 

"La triste vérité est que le système euro semble de plus en plus voué à l'échec. Et une vérité encore plus triste est que vu comme le système se comporte, l'Europe se porterait sans doute mieux s'il s'écroulait plutôt aujourd'hui que demain."

Il s'agit d'un article assez bref, que le lecteur interessé pourra lire in extenso en suivant les liens que nous avons donnés plus haut.

Sous le titre Le trou dans le seau de l'Europe, Krugman commence par analyser l'effet mortel des prophéties auto-réalisatrices (une baisse de note entraîne un renchérissement du crédit qui entraîne une récession même là où il n'y en avait pas) d'abord sur des économies petites et faibles comme la Grèce, puis, de proche en proche, sur des économies à l'origine fortes.

Le phénomène lui fait penser à une comptine américaine qui dit : "Il y a un trou dans mon seau".

Certes, l'Europe est endettée, mais d'autres pays, comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou le Japon, le sont tout autant et ne sont pourtant pas attaqués au même degré. Pourquoi ? Quel est leur secret ? Krugman répond :

"Prenons des pays comme la Grande-Bretagne, le Japon et les Etats-Unis, qui ont des dettes importantes ainsi que des déficits mais qui malgré tout restent capables d'emprunter à de faibles taux d'intérêt. Quel est leur secret ? La réponse tient en grande partie au fait qu'ils maintiennent la valeur de leur monnaie et les investisseurs savent qu'en un clin d'œil, ils pourraient financer leurs déficits en imprimant leur monnaie. Si la Banque Centrale Européenne, dans le même temps, soutenait les dettes européennes, la crise s'allègerait considérablement."

De la création monétaire ! Fi donc ! Otez de mes yeux cette planche à billets qui ne peut que créer de l'inflation !

Non, répond Krugman, les conditions ne sont pas réunies pour qu'il y ait inflation massive :

"Est-ce que cela n'engendrerait pas une inflation ? Probablement pas : qu'importe ce que Ron Paul et consorts peuvent penser, la création de monnaie n'engendre pas l'inflation dans une économie déprimée. De plus, l'Europe a réellement besoin d'une inflation globale un peu plus haute : une inflation globale trop faible condamnerait les états européens du sud à des années de déflation sévère, garantissant virtuellement à la fois une continuité dans le fort taux de chômage et des défauts de paiement en série."

Pourquoi donc refuser d'alléger nos difficultés au prix d'un peu d'inflation ? Par rigidité et par idéologie :

"Mais une telle création, ne cesse-t-on de nous répéter, est hors de question. Les statuts qui régissent la banque centrale sont censés interdire ce genre de choses, bien que l'on imagine que des avocats malins trouveraient le moyen de rendre cette création possible. Cependant, le problème plus général est que tout le système euro a été mis en place pour combattre la dernière guerre économique. C'est une Ligne Maginot construite pour empêcher que les évènements des années 1970 ne se répètent, ce qui est pire qu'inutile lorsque le vrai danger vient d'une répétition des évènements des années 1930.

Et cet état de fait, comme je l'ai dit, est tragique."

Krugman dénonce l'arrogance des élites européennes, qui enferme les peuples dans un piège mortel et menace le système de paix et de démocratie européen qui a bâti des sociétés qui sont pourtant "probablement les plus décentes de l'histoire de l'humanité" :

"Pourtant, cette réussite est menacée parce que l'élite européenne, de toute son arrogance, a bloqué le continent en un système monétaire qui a recréé la rigidité du modèle d'excellence, et - tout comme le modèle d'excellence des années 30 - celui-ci s'est transformé en piège mortel."

En conclusion, Krugman souhaite que l'euro meure, et le plus tôt sera le mieux :

"La triste vérité est que le système euro semble de plus en plus voué à l'échec. Et une vérité encore plus triste est que vu comme le système se comporte, l'Europe se porterait sans doute mieux s'il s'écroulait plutôt aujourd'hui que demain."



15 réactions


  • Alpo47 Alpo47 1er novembre 2011 10:19

    Krugmann constate ce que l’on savait, ou dont on se doutait, déjà...

    L’effondrement est très probable et surement proche. D’ailleurs, ce qui l’a empêché jusqu’à présent, c’est que les dirigeants ont à chaque fois changé les règles du jeu.
    Pour l’europe, cela a consisté à ne pas respecter le pourtant imposé aux peuples « Traité de Lisbonne », en permettant à la BCE de soutenir directement les pays.
    Sans cela, nous serions déjà « au fond du seau ».
    Les règles ne valent que pour nous, chaque fois que cela les arrange, ils les oublient. Autre exemple, le vote des peuples qui ne sont respectés qui s’ils disent « OUI ».

    Notre système mourant est juste maintenu en coma artificiel. Plus pour longtemps car dans ce cas, l’issue est toujours connue.


  • lapalette 1er novembre 2011 10:48

    Avez-vous remarqué que c’est l’intransigeance de l’Allemage qui plombe les économies de l’Europe ? Le traumatisme de Weimar a bloqué l’esprit des allemands au point que maintenant, ils vont faire chuter tous les membres de l’UE, eux compris, à cause de cette grande peur. Leur domination de l’économie européenne est similaire (similaire, hein, pas identique !) à celle qu’exercait le IIIe reich sur les pays : après un excès de gouvernance, il ne restera qu’un champ de ruines.
    Que sommes-nous allés faire dans cette galère ?


  • Jason Jason 1er novembre 2011 11:29

    @lapalette

    Tout le monde, en France, tape sur l’Allemagne. On oublie que pour la réunification ils ont dépensé 125 milliards d’Euros par an. Multipliez par 20 et vous verrez l’ardoise. Alors, pourquoi paieraient-ils pour les dépensiers et les tricheurs ? Dans ce pays les salaires ont baissé et la précarité a explosé et vous voudriez qu’en plus ils prennent à leur compte les problèmes économiques des autres.

    La solidarité, elle a bon dos, dans une organisation européenne bancale, sans harmonisation fiscale et où existe le dumping salarial, etc. Rappelons que l’Euro a été imposé par la France de Mitterrand à l’Allemagne de Kohl en échange de la réunification !!!

    Imaginez-vous un instant la France en faire autant et venir au secours de leur voisin si la situation était inversée ?

    Que sommes nous allés faire dans ette galère ? Mais le beau vaisseau avait pour nom « les lendemains qui chantent ».


    • lapalette 1er novembre 2011 11:59

      Le problème n’est pas tant que l’Allemagne a tant dépensé pour sa réunification, le problème est que leur psychorigidité actuelle va tuer la machine qui les fait vivre...


    • Jason Jason 1er novembre 2011 12:46

      Pas du tout ; Leur psychorigidité en a fait l’état le plus riche et le plus prospère d’Europe. Un peu de psychorigidité en France, j’achète.


    • André-Jacques Holbecq André-Jacques Holbecq 5 novembre 2011 17:34

      Les dépenses des uns font les recettes des autres... etc,
      La monnaie circule entre son émission par les banques et sa destruction : les 125 milliards (par an) n’ont rien coûté à l’Allemagne si ils sont restés en Allemagne et si la vitesse de circulation monétaire est de 1 au total c’est 125 milliards sur 20 ans : il ne faut pas faire « d’arrêt sur image »
      Ce qui coûte à un pays c’est le déficit de la balance des transactions courantes


  • Alpo47 Alpo47 1er novembre 2011 11:44

    Les choix européens actuels vont finalement conduire l’Allemagne ... à payer indéfiniment pour tous les autres. Il est évident qu’il y a un moment,qui pourrait être proche, où ils vont dire « STOP ».
    Ce jour là, ce sera la fin de l’euro et de l’europe.


    • Jason Jason 1er novembre 2011 12:52

      Non, l’Allemagne ne paiera pas pour les autres. Car, contrairement à la France, leur parlement et leur cour constitutionnelle les en empêchent. Une belle leçon de démocratie en la matière par rapport à la France dont le parlement suit docilement les diktats du président.

      Quant à la fin de l’Euro, certains la souhaitent pour des raisons différentes. Pour la finance, c’est le retour à la spéculation contre les devises. Pour les salariés c’est le retour à un âge d’antan, avec la nostalgie d’un départ nouveau, comme si l’exploitation des uns et des autres allait s’arrêter.


  • BA 1er novembre 2011 15:09

    Dimanche 2 mai 2010 : chute du domino grec.

     

    Après une semaine de discussions, la zone euro a validé, dimanche 2 mai, l’accord négocié entre Athènes, le FMI, et la Commission européenne pour aider la Grèce à éviter la faillite. Au total, les Grecs se verront prêter 110 milliards d’euros sur trois ans sous forme de prêts bilatéraux.

     

    http://www.euractiv.fr/economie-finance/article/2010/05/02/fmi-zone-euros-pretent-110-milliards-deuros-grece_67164

     

    Dimanche 28 novembre 2010 : chute du domino irlandais.

     

    Après l’Irlande, l’Europe craint l’effet domino.

     

    Comme prévu, les pays de la monnaie unique s’apprêtent ce dimanche soir à donner un feu vert définitif à un plan de renflouement de 85 milliards d’euros pour Dublin. Mais ils cherchent à aller au-delà. Avec l’espoir de contrer durablement la défiance des investisseurs et d’empêcher la chute d’autres dominos dans la zone euro.

     

    http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/11/28/04016-20101128ARTFIG00207-apres-l-irlande-l-europe-craint-l-effet-domino.php

     

    Mardi 3 mai 2011 : chute du domino portugais.

     

    Un plan de sauvetage de 78 milliards d’euros pour le Portugal.

     

    Le premier ministre démissionnaire, José Socrates, a annoncé aux Portugais, mardi 3 mai dans la soirée, que son gouvernement était parvenu à un « bon accord » avec les délégations de l’UE et du FMI chargées de négocier le programme d’aide financière demandée par le pays pour un montant de 78 milliards d’euros sur trois ans.

     

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/05/03/le-portugal-conclut-un-accord-avec-l-ue-et-le-fmi-sur-un-plan-d-aide-financiere_1516514_3234.html

     

    2011 ? Ou alors 2012 ? Chute du domino italien.

     

    Les investisseurs internationaux n’ont plus du tout confiance dans la capacité de l’Italie à rembourser ses dettes.

     

    http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GBTPGR10:IND


  • kobaia 1er novembre 2011 15:49

    Buzz de la crise ; qui y a vraiment intérêt ? les politiques font le show ! et manipulent leur électorat

    Seul moyen de faire accepter en même temps baisse des revenus du travail et retour à une croissance minimale dans les pays occidentaux, la crise résoudra à son terme les écarts avec pays émergents aussi bien sur les écarts entre les monnaies que sur les coûts main de d’oeuvre.
    Et sans ombre de hasard, tout le monde buzze sur les efforts incontournables et le débat qui se déroule consiste ni plus ni moins qu’à savoir qui va payer, ou plus exactement qui va céder.
    Les « purs » libéraux en attendent la résolution simplement naturelle par les problèmes qu’elle crée et c’est probablement ce qui en sera l’aboutissement.
    Ce sont nos états occidentaux qui ont fourni aux multinationales les moyens du capitalisme devenu financièrement débridé, notamment en leur fournissant un marché global sans instrument démocratique mondial, donc sans règles ou parfois avec des règles locales au profit du capitalisme et au dépens des populations locales à tel point que les pays pauvres n’en deviennent que plus pénalisés s’ils se trouvent détenir des richesses en ressources naturelles ou en coût de main d’oeuvre. 
    Il s’agirait raisonnablement d’envisager d’organiser un nouvel ordre, dans le cadre d’une négociation mondiale de reconnaissance des monnaies en fonction de leur poids économique et de la crédibilité des institutions financières représentatives.
    Il y a du vrai libéralisme chez Krugman ; le séisme est inévitable sans un réajustement et pas seulement avec les émergents, l’inflation doit résoudre la fragilité de l’euro et le réajustement avec les monnaies faibles.

  • Jason Jason 1er novembre 2011 16:57

    Bien dit Kobaia. Mais le consensus que vous souhaitez (et qui est l’étape suivante s’il y a un après crise ordonné), sera orchestré par qui ? Et avec quels participants ?

    Là aussi, il va y avoir des tractations sans fin, et n’oublions pas l’influence extraordinaie de la finance mondiale qui verra d’un très mauvais oeil un ordre qui ne lui est pas aussi favorable. Les financiers ne prêteront qu’aux gouvernements les plus orthodoxes, c’est-à-dire à ceux qui leur seront les plus avantageux.

    Gros orages à venir.


  • Klisthène 2017 Kxyz 1er novembre 2011 19:45

    nous sommes citoyens il y a un petit moment que les promesses de l euro nous n y croyons plus...
    fort sans beaucoup être expert que le nouveau directeur de la bce va remettre en cause la gestion catastrophique de Mr Trichet qui au nom d un dogme déconnecté de toute réalité a mener nos économies à la ruine alors que le reste du monde les us en tête jouait sur leur monnaie pour favoriser l activité réelle...


  • njama njama 1er novembre 2011 20:13

    l’Europe se porterait sans doute mieux s’il s’écroulait plutôt aujourd’hui que demain.« 

    Admettons que l’€uro s’effondre ...
    C’est la suite (politique) qui importe ...
    2 hypothèses (peut-être y-en a t-il d’autres ?) :
    > le cas de figure est prémédité pour ... la création d’une monnaie mondiale par exemple ? On nous dira qu’il n’y a pas d’autre solution ...
    > il ne l’est pas, chaos monétaire, économique donc ... et quelles solutions ?

    Je penche pour la première hypothèse qui ne serait qu’un remake d’un scénario qui fut nécessaire à la création de l’€uro, instabilité des taux de change handicapant les balances commerciales, le vilain serpent monétaire, la création de l’ECU dont l’objectif était la stabilité monétaire, prélude de la création de l’€uro devenu pour la bonne cause  »indispensable«  ! ).

    Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage ...

    Si la Banque Centrale Européenne, dans le même temps, soutenait les dettes européennes, la crise s’allègerait considérablement. »
    C’est bien gentil de le dire, pourquoi pas, mais la BCE (comme la FED) est une méga-banque indépendante de toutes les Institutions européennes. Ce sont donc des agents du privé qui sont censés réagir à cette situation économique.
    L’indépendance d’une banque centrale signifie que le législateur ou le pouvoir exécutif n’a aucune possibilité d’imposer à la banque centrale une stratégie monétaire particulière.

    « Maurice Allais proclame depuis des années que la cause majeure de ce sous-emploi massif est la libéralisation mondiale des échanges dans un monde caractérisé par de considérables disparités de salaires réels et par les délocalisations qu’elles entraînent. »
    http://allais.maurice.free.fr/Euro1.htm


  • bert bert 4 novembre 2011 01:51

    en fait il faut lire « Paul Grugeman » 

    gruger 6 synonimes
    escroquer
    flouer
    posséder
    refaire
    rouler
    spolier
     kartelisme jpMorgan Branobel

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