mercredi 3 juillet 2019 - par Eliane Jacquot

Peut-on mettre fin à l’impunité fiscale des multinationales en France et dans l’Union Européenne ?

Que disent les événements récents ?

L'ampleur du phénomène d'évasion fiscale a été mis en évidence en France au cours de la dernière décennie par des acteurs de la société civile, ONG, lanceurs d'alertes, journalistes d'investigation, par des parlementaires, le syndicat Solidaires Finances Publiques à Bercy, le Parquet National Financier qui par l'intermédiaire de sa présidente, Éliane Houlette a fait sauter 'le verrou de Bercy 'au cours de l'année 2018. Désormais le parquet peut déclencher seul des poursuites à l'encontre des fraudeurs fiscaux tels UBS, HSBC, La Société Générale, Carmignac Gestion. Récemment, une déclaration volontariste de Gérald Darmanin au mois de Septembre dernier a annoncé la création d'un observatoire de la Fraude Fiscale qui n'a pas encore vu le jour « faute de Président », le sénateur Eric Bocquet pressenti à ce poste attendant toujours que Matignon signe sa lettre de mission. Au mois de mai de cette année, Emmanuel Macron a mandaté la Cour des Comptes afin d'évaluer les montants perdus en recettes fiscales du fait de l'évitement de l’impôt visant à faire des propositions pour mieux le combattre.

Dans cette configuration, en début de ce mois de Juin, le service de recherche du CEPII, organisme rattaché aux services du premier ministre a publié une étude ( lien) qui évalue à 36 Milliards d'Euros en 2015, soit 1,6% du PIB, les profits non déclarés en France des multinationales, qui viennent " éroder l'assiette d'IS  : au taux d'imposition légal, cela correspond à une perte de recettes fiscales de l'ordre de 14 Milliards d'Euros , soit 29 % des recettes de l'IS en 2015 ". L'auteur de l'étude, l'économiste Vincent Vicard, utilise la notion d'évitement fiscal défini par des pratiques utilisées par les entreprises multinationales contraires à l'esprit des législations fiscales et visant à éluder l’impôt sur les sociétés, par l'intermédiaire de montages qui exploitent les incohérences entre systèmes fiscaux nationaux dans l'espace économique européen ( dumping fiscal ). Cette étude menée au niveau macroéconomique montre que la répartition géographique des profits transférés par les maisons-mères des entreprises vers leurs filiales étrangères est essentiellement européen « neuf des dix premiers pays d'enregistrement des profits manquants en France sont européens ( graphique 4 ) » au premier rang desquels on trouve le Luxembourg, l'Irlande, la Belgique, la Suisse, ainsi que le Royaume Uni et les Pays-Bas .Ces travaux montrent aussi que l'évitement fiscal prend de plus en plus d'ampleur : partant d'un montant estimé à moins de 1 milliard d'Euros en 2001 on est passé à 36 milliards d'Euros en 2015 ( graphique 3 ). La pente de la courbe est exponentielle.

Capture d'écran CEPII {GIF}

 

Qu'en est-il à l'échelon européen ?

Face à ces pratiques, la Commission Européenne, par l'intermédiaire de son Commissaire aux Affaires Économiques et à la Fiscalité, Pierre Moscovici s'avère impuissante. Ce dernier s'est contenté récemment de recommander à certains pays dont l'Irlande, le Luxembourg et les Pays Bas de poursuivre leurs efforts à l'encontre de leur régime fiscal favorable aux grandes entreprises et s'est dit très confiant dans un accord rapide visant à coordonner les actions des États membres. Soulignons une nouvelle fois que dans l'espace européen, la concurrence fiscale sert de terreau sur lequel se développent toutes les formes d'évitement de l'impôt par l'intermédiaire de la prolifération de mesures dérogatoires et de stratégies d'attractivité fiscales. A ce jour, seule la Commissaire danoise à la concurrence a contraint Apple à payer au mois de Septembre 2018 13 Milliards d'Euros à l’État Irlandais au nom du Droit de la Concurrence en raison d'abus de position dominante. A ce propos les GAFAM ont payé moins de 10% d’impôt sur leurs bénéfices hors États Unis en 2016 selon une étude publiée en 2018 par le Financial Times, et citée par la Lettre du CEPII. Devant l'ampleur de ce manque à gagner colossal qui nous l'avons vu n'est pas propre à la France, mais s'observe au niveau européen, les pouvoirs publics et les organismes européens ont été contraints à reconnaître que l'évitement de l'impôt est un problème majeur pour nos démocraties. C'est ainsi que le Parlement a évalué au mois d'Avril 2016 le coût lié à ces pratiques illégales pour chacun de ses États membres à une fourchette comprise entre 50 et 70 milliards d'Euros de recettes fiscales. On peut observer le manque de loyauté politique de certains pays cités plus haut qui offrent avantages et exemptions fiscales au détriment de leurs voisins, les conduisant à l'austérité, dont la Grèce et la Roumanie. Les différents travaux menés sur ce sujet confirment ces inquiétudes. Pour l'économiste Gabriel Zucman, « A l'échelle mondiale, plus de 40 % des profits réalisés par les multinationales sont délocalisés artificiellement dans les paradis fiscaux » (1) ce qui correspond à plus d'un cinquième des flux mondiaux des multinationales. Et les impôts évadés dans les paradis fiscaux sont évidement remplacés par une taxation plus lourde des individus des classes moyennes et par des baisses d'investissements publics. Actuellement, il y a une urgence politique à agir, liée à la dégradation de la situation budgétaire d'une grande partie des États européens.

 

Le temps des décisions à l'encontre de l'évitement fiscal des multinationales se devrait d'être en phase avec la création d'un mécanismes de mesures préconisées en vain par nos différents acteurs permettant d'observer enfin le début d'une ère de plus grande justice fiscale. Les solutions évidentes à mettre en place seraient d’accroître les pouvoirs du Parlement européen sur ces questions car jusqu'ici tout est dans les mains de la Commission, de créer une liste crédible des Paradis Fiscaux, parce qu'aucun pays de l'UE n'y figure actuellement, de simplifier le système fiscal international mis en place au début du siècle dernier afin de l'adapter à l'économie numérique du XXI ème siècle.

(1)Le Monde du 7 Novembre 2017



11 réactions


  • Samy Levrai samy Levrai 3 juillet 2019 12:50

    L’article 63 du TUE interdit d’interdire les mouvements de capitaux et encourage les delocalisations et la triche fiscale.

    Quand va t on s ’attaquer aux causes et non aux effets ?


    • Samy Levrai samy Levrai 3 juillet 2019 16:43

      @Yaurrick
      Une sortie de l’UE de l’euro et de l’OTAN serait un préalable a toute politique nationale propre...


  • Legestr glaz Legestr glaz 3 juillet 2019 13:07

    Vous écrivez : «  Les solutions évidentes à mettre en place seraient d’accroître les pouvoirs du Parlement européen sur ces questions car jusqu’ici tout est dans les mains de la Commission ». On croit rêver et je me pince lorsque je lis des phrases pareilles. Et vous parlez « d’évidence » ?????


    Le parlement européen n’a pas le pouvoir de l’initiative législative ! Allez vous vous réveiller ? Le parlement européen ne peut que voter les règlements, les directives et autre décisions en provenance de la Commission. Le parlement européen est une coquille vide !


    https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-deputes-europeens-n-ont-pas-le-215322


    Par ailleurs, si vous n’avez pas compris que les traités européens, que tous les Etats membres doivent respecter, mettent en avant les 4 libertés de circulation : des capitaux, des biens, des services et des personnes, alors il vous faudra réviser ces traités et les lire. Ceci est le socle fondateur de l’UE. « L’évitement » fiscal figure en filigrane dans les traités européens ! Arrêtez de rêver éveillée ! L’UE a été pensée et construite pour favoriser les multinationales et les sociétés transnationales. Une « autre Europe » peut être ? Celle que l’on nous promet et promeut depuis 40 ans ? 

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Quatre_libertés_(Union_européenne)




    • Legestr glaz Legestr glaz 4 juillet 2019 15:36

      @Positronique

      Lorsque vous n’avez aucun argument à développer, ce qui est constamment le cas chez vous, vous évoquez Asselineau ou l’UPR. 

      Est-ce que vous me reconnaissez le droit de voter pour la personne de mon choix et pour le parti de mon choix ? Que viennent faire les noms UPR et Asselineau que je n’ai pas évoqués, restant sur un terrain absolument objectif ? Vous connaissez Christophe Beaudouin ? Il n’est pas de l’UPR du tout, du tout, du tout. Alors, lisez son travail de thèse sur le fonctionnement de l’UE et revenez nous en parler. Moi je l’ai lu au moins, mais pas vous !

      Donnez nous des arguments contraires, échangeons mais arrêtez de passer pour un gros bêta avec des techniques de réponses vieilles comme mes robes et éculées, j’ai bien écrit éculées !


  • pallas 3 juillet 2019 13:30
    Eliane Jacquot

    Bonjour,

    Ne vous inquietez pas, la totalités des firmes Européennes sont au bord du dépot de bilan, ainsi que les banques.

     smiley

    Pas besoin de regulation, les grands Trusts Chinoises, Russes, laminent littéralement ce qui reste de l’industrie Européenne.

    Le Dollars est abandonnée en Asie, c’est tout marrant.

    Bienvenu dans le Quart Monde, tel est votre Destin.

    « Qui vie dans la luxure finira dans le purin »

    Salut


  • ddacoudre ddacoudre 3 juillet 2019 14:53

    Bonjour

    J’ai traité de ce problème dans un article

    Les entreprises ne sont que des structures de production elle n’ont pas à avoir de personnalité Morale. C’est comme demander à un platane de respecter les commandements moraux. Faut être débile pour demander à des murs de verser des impôts. J’espère que touts me monde à compris que ce statut existe pour que les actionnaires fassent du bénéfice net en reportant tous ses prélèvements sur les salariés https://ddacoudrev2.blogspot.com/2019/06/le-salarie-soumis-paie-tout-avec-la.html?m=1 Cordialement ddacoudre overblog


  • baldis30 3 juillet 2019 15:43

    Ah ah ah ....  la question du titre de l’article est de pure rhétorique


    CHRISTINE LAGARDE, DISPENSEE DE PEINE, A LA TETE DE LA BCE  ! 
     smiley  smiley  smiley

     ils ont oublié une place pour DSK ... commissaire aux fesses-invitées  smiley  smiley

    Ah moins que la place ne fût réservée à Berlussolini !


  • Julot_Fr 4 juillet 2019 09:43

    L’ue a ete cree par les riches pour les riche.. l’evasion fiscal pour les multunational des riches est donc une des raidon d’etre de l’ue.. comment peut on esperer leur demander de mettre un terme a l’evasion fiscale ? Faut etre stupide


  • eau-du-robinet eau-du-robinet 4 juillet 2019 18:04

    Bonjour,

    .

    « Peut-on mettre fin à l’impunité fiscale des multinationales en France et dans l’Union Européenne ? »

    .

    Ça dépend pour qui vous votez !

    En votent pour Macron les multinationales n’ont pas des soucis à se faire !

    .


  • soi même 5 juillet 2019 00:52

    C’est une utopie pour la la simple raison tant que l’on est dans l’ultralibéralisme économie, toutes bonnes intentions de régulation économique est une fable convenue.


  • Jean S 5 juillet 2019 06:10

    Madame Jacquot bonjour,

     

    Depuis tant d’années nous subissons en Europe la politique du dumping fiscal des petits états à la limite mafieux comme le Luxembourg, Monaco... L’ex président de l’Europe Monsieur Junker est un protagoniste de la sinistre Lux leak, qui a permis tant de fuite fiscales.

    Une politique fiscale qui permettrait d’uniformiser tout les pays d’Europe, qui taxeraient les fruits du travail à travers tous les pays d’Europe à échelon d’une TVA, qui réduirait les charges patronales à echelon d’une TVA mais qui taxerait les bénéfices à la source dans chaque pays.

    Une politique qui réduirait les subsides publiques mais qui détaxerait les investissements réalisés dans le pays et qui taxerait les bénéfices obtenus par les machines et les robots à échelon d’une TVA ne permettrait elle pas une meilleur concurence aux sein de l’Europe.

    Si on taxait les produits importés d’autres continents à la source comme le font les USA ou le Canada qui nous impose un CETA si dangereux pour les travailleurs européens et tous les citoyens d’Europe.

    Au lieu de facilité la concurence intra-européenne pourquoi ne pas favoriser les forces européennes à se battre ensemble contre les avancées des continents néo-esclavagistes !

    L’élection de Charles Michel n’est pas de bonne augure, ce libérale qui confond libéralisme et laxisme qui n’est autre qu’une lacheté vis à vis des citoyens !

    La prise de pouvoir des libéraux et les palabres indécentes des nominations européennes ne sont pas un gage d’avancée pour les prochaines années !


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