lundi 30 novembre 2009 - par Michel Santi

Pourquoi le monde a besoin d’une Chine mure et responsable

Le couple Etats-Unis/Chine, intronisé G-2, qui recouvre 13% de la surface du globe et qui regroupe le quart de la population terrestre, a fourni le tiers de la production économique et les deux-cinquièmes de la croissance mondiale entre 1998 et 2007 ! Ce couple, parfaitement complémentaire jusque là, a favorisé le développement accéléré de la Chine via ses exportations tout en comblant l’appétit d’hyper consommation des Etats-Unis.

Quadruplement du P.I.B. et multiplication par cinq des exportations chinoises entre 2000 et 2008 d’une part, maintien aux USA de taux d’intérêts réduits favorisant une croissance et un investissement au-dessus de la moyenne d’autre part, cette configuration astrale a ainsi autorisé l’exportation de la technologie Occidentale, la création de dizaines de millions d’emplois chinois, l’intensification du commerce mondial et l’envol des actifs financiers et immobiliers à travers le monde... Pour autant, les tourmentes actuelles démontrent le besoin impérieux de ré équilibrer, de nuancer - voire d’introduire un troisième partenaire - dans ce couple dans le but de corriger des déséquilibres économiques entre les Etats-Unis et la Chine fondamentalement responsables du déclenchement de la plus grave crise depuis la Grande Dépression.

Classique au départ en cela qu’il imitait l’Allemagne et le Japon ayant adopté après la seconde Guerre Mondiale une stratégie simple de forte croissance emmenée par un secteur des exportations extrêmement dynamique, le modèle Chinois s’est néanmoins très vite singularisé par l’exercice d’un contrôle volontariste et permanent sur la parité de sa devise nationale. Cette politique qui consistait pour la Chine, à mesure de l’accroissement de ses exportations, à acheter (et donc à accumuler) des Dollars Américains afin d’empêcher l’appréciation de son Renminbi, lui a permis de se constituer un trésor de guerre gigantesque. De 165 milliards de dollars en 2000, les réserves en devises chinoises se montent aujourd’hui à l’équivalent de 2’300 milliards de dollars, dont 70% sont libellées dans la monnaie Américaine !

La chronologie de la fluctuation du Renminbi par rapport au billet vert étant effectivement quasiment linéaire, le Dollar s’est ainsi échangé en permanence contre 8.28 Renminbis depuis le milieu des années 80 jusqu’à ce que les autorités chinoises lui permettent de s’apprécier de 17% à partir de l’été 2005 ... pour l’indexer à nouveau à la monnaie US à 6.83 à la faveur de l’aggravation de la crise mondiale en 2008. Ces manipulations monétaires offrant à la Chine une compétitivité commerciale incontestable en favorisant ses exportations grâce à une monnaie faible tout en procurant de solides réserves en devises étrangères à même de protéger le cas échéant un pays échaudé par la crise Asiatique de la fin de la décennie des années 90... 

En réalité, ces interventions monétaires - ayant comprimé les taux d’intérêts à court et à long terme tout en favorisant bien-sûr l’émergence de bulles - offraient une ligne de crédit quasi gratuite consentie par la Chine aux consommateurs Américains qui, dès lors, pouvaient vivre au-dessus de leurs moyens tout en cédant à une frénésie d’investissements boursiers et immobiliers ! Cette accumulation forcenée de dollars par la Chine ayant induit des distorsions majeures sur le coût du capital n’avait en effet aucun précédent puisque les réserves en Dollars de l’Allemagne de l’Ouest et du Japon, au mieux de leur forme à la fin des années 60, s’étaient toujours maintenues en proportion de leur P.I.B. respectif.

Aujourd’hui, ce couple bat sérieusement de l’aile car, tandis que les Américains prennent conscience qu’ils devront plus économiser (donc moins consommer) tout en s’adaptant à un environnement où le crédit sera plus difficile, les Chinois, qui savent qu’ils devront moins compter sur le marché Américain, se retrouvent pourtant avec angoisse bardés de réserves monétaires pharaoniques (avec une exposition et donc un risque) majoritairement libellées en dollars... Les Etats-Unis ont bien compris que, pour durer, cette union devait se reconstruire rapidement sur d’autres bases qui, à la faveur d’une ré évaluation du Renminbi, permettraient une amélioration des exportations US en direction de l’économie qui bénéficie aujourd’hui de la plus forte croissance au monde tout en évitant un désastre annoncé au niveau des échanges commerciaux internationaux. 

Aujourd’hui, la dépréciation substantielle du dollar qui ne baisse toutefois que vis-à-vis de l’Euro et du Yen Japonais (du fait du maintien de l’indexation figée du Renminbi au dollar) amplifie les tensions internationales en conférant un avantage supplémentaire aux exportations de la Chine qui voit sa monnaie baisser en même temps que le billet vert ! Le poids de cette dépréciation de la monnaie US (et du Renminbi !) principalement - et injustement - assumé par les nations hors du bloc Américain et Chinois provoque d’ores et déjà des décisions protectionnistes de certaines nations majeures potentiellement catastrophiques pour la croissance mondiale. C’est ainsi qu’il convient effectivement de comprendre la taxation tout récemment décidée par le Brésil de tous les influx de capitaux afin de freiner l’appréciation du Réal. 

Les ondes de choc à venir - qui se ressentiront mondialement - induites par les manipulations monétaires chinoises qui maintiennent leur devise à un niveau notoirement sous évalué peuvent toutefois être évitées si la Chine décidait de laisser le Renminbi s’apprécier de quelque 25% ces deux prochaines années. Les grands pays exportateurs sont en effet toujours parvenus à surmonter l’appréciation de leur devise nationale en faisant progresser leurs gains en productivité. Après tout, le Deutschmark et le Yen n’ont-ils pas progressé de respectivement 60% et 50% vis-à-vis du Dollar entre 1960 et la fin des années 70 ? 

L’indexation actuelle du Renminbi au billet vert, qui défavorise manifestement les Etats-Unis, demande à être équilibrée - voire abandonnée à terme - par la Chine ... à condition bien-sûr que les Etats-Unis aient des compensations dignes de ce nom à lui offrir.



12 réactions


  • HanKuang HanKuang 30 novembre 2009 12:49

    Sans préjuger d’un fond reprenant pratiquement tous les clichés habituels concernant la Chine en la matière, le titre a bien peu de rapports avec un article discutant, ou plutôt, venant s’ajouter à l’accumulation des psalmodies sur la parité de change liant le yuan au dollar.


    • lechoux 30 novembre 2009 15:06

      Mr HanKuang,

      Pourriez-vous argumenter vos propos ? Merci d’avance.


    • lechoux 2 décembre 2009 17:12

      Pas de réponse de la part de Mr Hankuang, alors voici un contre argument :

      Un français(ou peut-être tout étranger) travaillant en Chine n’a pas la possibilité de rapatrier son salaire gagné sur place comme il le veut ; il doit limiter le montant de la transaction et attendre l’accord gouvernemental. Vrai en 2003.


  • Tzecoatl Tzecoatl 30 novembre 2009 14:50

    "Le poids de cette dépréciation de la monnaie US (et du Renminbi !) principalement - et injustement - assumé par les nations hors du bloc Américain et Chinois provoque d’ores et déjà des décisions protectionnistes de certaines nations majeures potentiellement catastrophiques pour la croissance mondiale"

    Cependant, ce protectionnisme est légitime à l’encontre de la Chine, qui via la manipulation de sa monnaie, le pratique systématiquement.

    Quoiqu’il en soit, excellent article qui pointe le facteur majeur des déséquilibres mondiaux actuels.

    Tout les partenaires économiques de la Chine, qui fait la sourde oreille, devraient se mettre d’accord pour pratiquer un protectionnisme équivalent au sien, à son encontre, au lieu d’admirer béatement ses succès économiques qui ne sont que le fruit du dopage d’une dévaluation permanente.

    Mais nos élites ne ferment-elles pas sciemment les yeux sur ce fait afin de maitriser les salaires dans nos pays, de vendre du crédit, de maitriser l’inflation et donc de favoriser la rente, d’accroître son controle sur la population jusqu’à la rupture ?


  • lechoux 30 novembre 2009 15:18

    @Tzecoatl : il est plus aisé d’avoir un facteur de marge de 10 à 20 sur un produit importé qu’un facteur de 3 à 4 sur un produit fabriqué en local.

    Pendant une vingtaine d’années, nous avons subi une balance commerciale déficitaire avec le Japon sans qu’il y ait une mesure de rétorsion à leur encontre. Maintenant, nous avons face à nous la Chine qui a la capacité d’absorber tout le travail manufacturier de la planète (900 millions de paysans qui ne demandent qu’à travailler dans l’industrie) et toujours pas de mesure de protection de notre économie.

    Il est un peu tard pour s’inquiéter de la disparition de notre industrie ; même une entreprise de 50 employés ne se remonte pas en 6 mois. C’est vrai que maintenant, même le travail des ingénieurs est délocalisé (Inde,...) ! Vous vous rendez compte ?? Cela fait 25 ans que le travail des ouvriers est délocalisé, mais ça on en a rien à foutre. :(


    • Tzecoatl Tzecoatl 30 novembre 2009 19:25

      C’est parce qu’il n’y avait pas lieu de mesures de rétorsions envers un pays exportateur tel le Japon, qui ne manipulait pas sa monnaie, même si son « nationalisme » est naturellement protectionniste.

      Par ailleurs, j’ajoute que l’argument des dirigeants chinois envers la manipulation de leur monnaie est principalement le fait d’assurer la paix sociale intérieure, notamment vis à vis des 150-200 ex-paysans, main d’oeuvre mobile et précaire du pays. On peut en conclure que, au lieu de se doter d’un système de sécurité sociale, la Chine préfère mondialiser ses problèmes internes et exporter sa pauvreté.

      Il est vrai que nos catégories socio-professionnelles se font piéger les unes après les autres avec la concurrence chinoise, l’individualisme a permis de réduire toute prise de conscience collective. Qui aujourd’hui va aller défendre nos prothésistes dentaires concurrencés par les prothèses chinoises, hormis eux ?

      Quoiqu’il en soit, la Chine illustre à merveille qu’une volonté politique économique l’emporte sur le discours où seul le marché est force de loi, le laissez-fairisme est la meilleure des solutions, etc.

      Sinon, on peut continuer à assister blasé au spectacle suivant, où, l’Occident imprimant du papier-monnaie sans valeur, la Chine l’accumule, puisqu’elle semble en être si avide.


    • hengxi 1er décembre 2009 09:33

      "On peut en conclure que, au lieu de se doter d’un système de sécurité sociale, la Chine préfère mondialiser ses problèmes internes et exporter sa pauvreté."

      Pour le système de protection, 40 % des Chinois l’ont et un système est actuellement en train de se mettre en place.

      Pour la pauvreté, si celle-ci existe, elle est nette régression.

      Tant à parler de la Chine, autant dire la vérité que reprendre des clichés vieux de 25 ans.


    • lechoux 2 décembre 2009 17:17

      @hengxi : transférez-vous de l’argent depuis la Chine vers l’Europe ? Et si oui, pouvez-vous transférer les sommes que vous voulez n’importe quand ?


    • hengxi 3 décembre 2009 15:25

      "transférez-vous de l’argent depuis la Chine vers l’Europe ? Et si oui, pouvez-vous transférer les sommes que vous voulez n’importe quand ?"

      La Chine pratiquant un contrôle des changes, une personne ne peut envoyer sans justificatifs que 50 000 $ sur une période 12 mois.

      Au de là de cette somme, il faut demander une autorisation en remplissant un formulaire précisant les raison de cette sortie.

      Ce système devrait logiquement prendre fin d’ici à 2011.


    • hengxi 3 décembre 2009 15:30

      900 millions de paysans qui ne demandent qu’à travailler dans l’industrie.

      Si je pouvais avoir la source de ce chiffre, cela me plairait bien :

      Les Chinois sont environ 1 milliard 350 millions en comptant tans les actifs que les enfants, les personnes âgées, etc ..

      De plus, la population paysanne est d’environ 38 % qui sont loin de tous vouloir travailler en usine.


  • BA 30 novembre 2009 21:36

    Quelle est la différence entre les mensonges médiatiques et la réalité ?

    Aujourd’hui lundi 30 novembre, voici un exemple de mensonge médiatique :

    « Les craintes d’une propagation mondiale de la crise émiratie se sont atténuées avec le rebond lundi des Bourses européennes et asiatiques, qui avaient plongé en fin de semaine dernière. »

    http://www.boursorama.com/infos/actualites/detail_actu_marches.phtml?num=cfa6a3c566aba2d103f71521cbbd6cd3

     

    Le rebond des Bourses européennes !

    Quelle est la réalité du rebond des Bourses européennes ?

    En réalité, les bourses européennes ont baissé !

    Royaume-Uni : FTSE 100 : - 1,05 %.

    Allemagne : DAX : - 1,05 %.

    France : CAC 40 : - 1,11 %.

    Espagne : IBEX 35 : - 1,12 %.

    Suisse : Swiss Market Index : - 1,19 %.

    Europe : FTS Eurofirst 80 : - 1,19 %.

    Italie : FTSE MIB : - 1,25 %.

    Belgique : BEL 20 : - 1,45 %.

    Norvège : OBX Total Return Index : - 1,83 %.


  • BA 1er décembre 2009 09:09

    Les bourses de Dubaï et d’Abou Dhabi ont poursuivi leur chute mardi, pour le deuxième jour d’affilée, ouvrant respectivement en baisse de 6,25 % et 5,91 %.

    La baisse est intervenue malgré l’annonce dans la nuit par le conglomérat public Dubai World, en difficulté, d’une prochaine restructuration de certaines de ses compagnies, dont le géant immobilier Nakheel.

    Les deux bourses ont connu un « lundi noir » (- 7,3 % pour Dubaï et - 8,3 % pour Abou Dhabi) lors de leur réouverture pour la première fois après l’annonce par les autorités de Dubaï de leur intention de demander un moratoire de six mois sur la dette de Dubai World.

    http://www.boursorama.com/infos/actualites/detail_actu_marches.phtml?num=20d25719028a9ff37caf317adbf251b9

    La faillite de Dubaï est en train de ravager toute la région du Golfe.

    Le premier domino est en train de tomber.

    Les questions qui se posent aujourd’hui sont les suivantes :

    après Dubaï, quel pays va se déclarer en défaut de paiement ?

    Après Dubaï, quel pays va faire faillite ?

    Et, surtout, quand la deuxième vague de la crise financière va-t-elle atteindre la France ?


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