samedi 1er août 2009 - par Pascal de Lima

Qu’avons-nous appris des agences de rating ?

Les mois passent et les observateurs de l’économie, gouvernements, medias, investisseurs… continuent de scruter l’horizon à la recherche d’un signe ou présage qui leur permettrait d’entrevoir une fin à la crise actuelle. Pour cela, chaque publication d’études, statistiques ou résultats d’entreprises est observée, disséquée du moins, jusqu’à ce qu’un nouvel indicateur apparaisse.

C’est dans ce contexte que les agences de rating vont jouer leur rôles à la fois d’utilisateur et de fournisseur d’information, puisqu’elles compilent les différentes données de l’économie réelle et des marchés pour produire des études, et ces fameux - ratings d’entreprises et ratings de produits financiers - qui vont à leur tour influencer le marché et in fine l’économie réelle.

Dans un monde parfait, ce paradoxe ne serait pas gênant, mais les faits ont prouvé à travers le scandale des subprimes à quel point il peut être néfaste. Souvenons nous que les subprimes, ces produits financiers fondés sur des créances immobilières risquées, ont tous bénéficié de ratings qui semblaient à posteriori davantage fondés sur la réputation perçue des institutions financières émettrices de ces produits que sur leur réel risque de défaut ! Il aurait d’ailleurs été, du propre aveu des agences, quasiment impossible de disséquer chaque CMO, CDO ou CDS pour analyser et corréler tous ses sous-jacents et donc obtenir une note fidèle à la réalité.

L’idée est que pendant des années, des milliers de produits financiers, heureusement pas tous fondés sur des hypothèques toxiques, ont été émis et distribués aux investisseurs du monde entier, ces investisseurs se fondant lourdement sur le rating de ces produits pour prendre leurs décisions. Mais lorsque le système s’arrêta à la faillite de Lehman Brothers, des produits annoncés sans risque se retrouvèrent en doute, d’autres à risque modéré en défaut et enfin ceux à fort risque de défaut responsables de la quasi faillite d’AIG ! Notons que pour nombre de ces produits, échangés de gré à gré, les investisseurs sont tout aussi coupables que les émetteurs et surtout qu’ils n’avaient pas besoin des agences de rating pour faire ces paris risqués ! Face à un tel dysfonctionnement, les agences de ratings durent faire acte d’attrition, admettre leurs erreurs et surtout promettre de ne pas recommencer. A vrai dire, en y regardant de plus près, on voit que même si les produits financiers hybrides toxiques ne sont plus échangés, rien n’a réellement changé : les banques restent les plus gros clients des agences de rating en charge de leur analyse.

Cette interaction cependant semble prendre une nouvelle dimension dans le contexte actuel. La crise a forcé les gouvernements du monde entier à intervenir sous la forme de liquidité et de capital pour soutenir cette industrie financière mondiale qui s’écroulait, menaçant de nous couvrir de tous les débris possibles.

Malgré ce que l’on peut croire parfois, ces interventions furent dûment étudiées, mobilisant des centaines d’analystes financiers et faisant surtout appel à toutes les sources possibles de données sur la situation. Evidemment les agences de rating sont, avec les banques elles mêmes, les meilleures sources pour ces données à la différence près que l’information des agences de rating est bel et bien dans ce contexte déjà digérée une première fois : ainsi les autorités ont pu être directement influencées par les agences de notation dans l’attribution de fonds pour soutenir les banques.

Surtout, si cette influence des agences de rating sur les gouvernements peut être discutable (même si les bons du trésor bénéficient de ratings), leur influence sur les marchés est, elle, totalement indiscutable ! Lorsque qu’une agence publie les ratings d’une banque, rappelons qu’elle note sa probabilité de défaut et donc de faillite à contrario du rating des produits financiers où l’on ne note pas la probabilité de défaut du segment de produit (subprime). Mais c’est bien ce genre d’information qui influence les prises de position sur les marchés.  

Et si l’analyste de l’agence de rating réclame quelques milliards de plus en fonds propres pour pouvoir se dire confiant, le marché va lui aussi demander à la banque de se doter de ces fonds propres. Mais dans un marché volatile, lever ce genre de fonds est quasiment impossible et la banque doit se tourner vers le bail-out le plus proche pour trouver l’argent sans quoi elle se verrait sanctionnée par le marché. Souhaitant plus que tout éviter cette situation, nombre de pays firent l’équivalent d’un chèque en blanc à leurs grandes banques.

Ainsi certains pourraient dire que les agences de notation, qui n’ont peut être pas eu de contribution directe dans la prévention des banques face à la crise, leur ont au moins permis de tirer un maximum de capitaux publiques !!!! 

 

Pascal de Lima est Economiste en Chef au sein de Altran Financial Services et Maître de Conférences à Sciences-po

François Ladsous est Marketing Manager au sein de Altran Financial Services



1 réactions


  • non666 non666 1er août 2009 17:40

    La morale capitaliste nous indique que le risque se pait.
    Les entreprises financieres prennent donc des risques qui provoquent des remuneration mais qui dit risque, dit accpetation des consequences.

    Cela vaut pour les agences de ratings qui ont echouée.
    Leurs notations a contribuer a ruiner tous ceux qui leur faisaient confiance.
    Ces entreprises, au nombre tres limités sont de plus devenues obligatoires du fait des règles prudentielles (Bale2...) mais curieusement, aucune autorité en Europe n’envisage de creer une autoritéindependante et sure sur ce sujet.

    Nous continuons donc de verser tribus a ceux la meme qui par leur incurie ont amplifié la crise ....


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