lundi 2 juin 2008 - par Dominique Dumollard

Richesse : magnats du pétrole, Noël Forgeard, et nous et nous...

L’actualité s’attarde sur la hausse du pétrole ses conséquences économiques et sociales. Les rémunérations indécentes de quelques "grands patrons" et leurs parachutes dorés provoquent la colère des actionnaires, Noël Forgeard est mis en examen.

L’utilisation du mot "richesse" prête parfois à confusion. Je retiendrai dans ce billet celui de richesse matérielle, de biens, même si ce mot s’applique en d’autres domaines très différents. On peut effectivement distinguer plusieurs significations.

Tout d’abord les richesses naturelles de notre planète. C’est la nature qui nous les donne, elles peuvent être facilement accessibles, ou nécessiter un travail plus ou moins important pour les utiliser. On peut aussi dire que ce sont des ressources.

Il y a ensuite les richesses produites par l’activité économique d’une communauté.

Ces deux types de richesse ont pour intérêt de satisfaire les besoins des individus. Plus on en crée, plus on augmente notre bien-être (dans la grande majorité des cas). Malheureusement, la répartition n’est pas juste, équitable. On peut aussi discuter à propos de certaines d’entre elles qui ne sont pas forcément bien justifiées ou sur leur valorisation pas toujours très logique, le travail nécessaire pour les réaliser n’étant pas le seul critère utilisé. La rareté conduit la plupart du temps à des valeurs très élevées, sans rapport avec les efforts correspondants pour les obtenir. Cependant, on peut retenir globalement que les richesses d’une communauté sont le fruit du labeur d’un grand nombre de personnes. On mesure le niveau de vie d’un pays sur ce critère, sous le terme de PIB (Produit intérieur brut).

Depuis très longtemps, l’homme utilise la monnaie pour valoriser les produits et faciliter leurs échanges. De nos jours (cela n’a pas toujours été vrai partout), les individus s’approprient les objets qu’ils ont fabriqués ou qu’ils se sont procurés. Certains, parce qu’ils ont des qualités plus grandes que leurs congénères, une dextérité ou une compétence meilleure, le sens des affaires, ou la chance de naître au bon endroit, voire de la chance tout court, possèdent beaucoup plus que les autres. Il est clair qu’il y a là une injustice qui a du mal à passer auprès de ceux qui n’ont pas grand-chose.

Nombre d’idées, comme celles développées dans mon livre, sont construites sur des valeurs de partage et de respect des individus. Les faire accepter est chose très difficile, chacun, surtout s’il possède beaucoup, trouvant grand nombre d’arguments pour justifier le bon droit de sa situation.

Quelques réflexions, en vrac, ci-dessous. La plupart sont développées dans le livre. Je sais qu’elles ne font pas l’unanimité, ce serait trop facile.

Les richesses naturelles sont limitées. Nous sommes de plus en plus nombreux sur terre. Nous devons en être économes (ce qui ne veut pas dire, que pour cette raison, ceux qui ont peu sont condamnés à rester dans cette situation). Ce qu’il faut condamner, d’urgence, ce sont les excès de notre société de consommation.

En économie, dans la compétition terrible à laquelle sont confrontées les entreprises, se tromper en investissant et un "péché mortel". J’ai envie de rajouter "produire uniquement à des fins de profit et pour cela ne pas hésiter à fabriquer des produits inutiles et pousser à la consommation à tout crin est un "péché mortel encore plus grave".

Les critères de répartition des richesses entre les individus sont manifestement à revoir.

C’est vrai pour la rémunération de patrons dans les grands groupes, au mauvais prétexte qu’ils feraient partie des meilleurs du monde. Quelques scandales (Jean-Yves Haberer au Crédit lyonnais, Daniel Bernard chez Carrefour, Jean-Marie Messier chez Vivendi, Noël Forgeard chez EADS ou Denis Gautier-Sauvagnac à l’UIMM, pour les citer à titre d’exemple) ont défrayé la chronique depuis quelques années. Je ne suis pas contre le fait de bien rémunérer ceux qui prennent des risques et qui entraînent les autres grâce à leurs compétences et un charisme exceptionnels, à condition que ce soit justifié et sans indécence. Heureusement, la plupart des dirigeants et tout particulièrement ceux des PME ne sont pas dans ce cas de figure.

C’est vrai dans le domaine du sport. Tiger Woods (golf) détient la palme depuis plusieurs années avec environ 70 millions d’euros, Oscar de la Hoya en boxe ne pointe qu’à 40 millions d’euros. Thierry Henry en France, David Beckham en Angleterre, ne sont pas mal lotis non plus. Le football, le basket-ball, la formule 1, le tennis, le base-ball, sont les disciplines les plus en vue pour cela. Certes il faut du talent et du travail, pour y arriver, mais ces niveaux de rémunération sont-ils bien justifiés ? La publicité y est pour beaucoup bien sûr. Je trouve cela est exagéré.

Avoir du talent, c’est une chance donnée par la nature. Cette chance, c’est déjà beaucoup, n’est-ce pas indécent d’en profiter pour amasser tant d’argent, quand autour de soi tant de personnes sont dans la misère, parce que le hasard les a dotés différemment ? Et, cerise sur le gâteau, lorsqu’on est riche, il est très facile de le devenir encore plus, simplement en investissant intelligemment ses richesses : l’argent va à l’argent.

En justice, on dit que l’on ne doit pas infliger à un condamné la "double peine". En économie on applique la triple chance :

1 - être bien né (au bon endroit, avoir du talent) ;

2 - être bien rémunéré (conséquence de la chance citée au-dessus) ;

3 - faire fructifier ses richesses sans effort (rente de situation).

Aujourd’hui, ce qu’on réclame c’est d’avoir du temps pour vivre. Notre monde occidental croule sous les richesses et nous n’arrivons pas à profiter de la vie. Il me semble qu’il serait juste dans la rémunération des individus d’affecter une part plus grande, pour cette raison, au temps donné et moins importante aux critères de compétences.

Ce qui me surprend le plus dans l’humanité, aurait dit le Dalaï-Lama, ce sont les hommes. Parce qu’ils perdent la santé pour accumuler de l’argent, ensuite ils perdent de l’argent pour retrouver la santé. Ils passent leur temps à penser anxieusement au futur, ils oublient le présent, de telle sorte qu’ils finissent par ne vivre ni le présent ni le futur. Ils vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir, et meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu.

Enfin, pour terminer ce billet, car il le faut bien, même s’il y a matière à disserter plus longuement, je voudrais ajouter un dernier point de vue. En effet, j’entends souvent dire que pour résoudre les problèmes il suffirait de prendre aux riches, pour donner aux pauvres.

  • À partir de quel niveau est-on suffisamment pauvre pour bénéficier de cette redistribution ?
  • Les richesses possédées ne sont pas forcément facilement redistribuables. Pour le faire, on a besoin de monnaie sonnante et trébuchante. Beaucoup d’entre elles sont constituées de biens (usines, immeubles, etc.). Pour les transformer en fonds, il faudrait les vendre. À qui ?
  • Malheureusement, s’il y a des gens très riches, ils sont peu nombreux au regard des pauvres, surtout si l’on raisonne au niveau de la planète et non pas uniquement vis-à-vis de nous, les non-riches du monde occidental. Diviser ces richesses par un grand nombre de postulants, hélas, n’apporterait pas les solutions espérées. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut s’incliner devant l’injustice de la situation actuelle.


13 réactions


  • remi 2 juin 2008 14:54

    Bonjour,

    Merci pour cet article interessant. A la lecture du titre, je m’attendais a un pamphlet bateau contre les patrons du CAC40 qui s’accaparent toutes les richesses. Mais il n’en etait rien 

    Je souhaiterais ajouter un autre axe de reflexion afin de complexifier la recherche de l’equilibre juste de la repartition des richesses : l’endettement des etats. Quand il s’agit d’un investissment, il n’y a rien a redire, car, on peut l’esperer, il y aura un retour positif dans le futur. En revanche, quand il s’agit d’une dette de fonctionnement (ou d’un engagement financier qu’il va falloir regler un jour ou l’autre, comme les retraites non provisionnees), de mon point de vue, il s’agit simplement d’un "emprunt" (qui ne sera pas rembourse) aux generations futures. Et ce sera autant de richesses en moins a redistribuer.

    Si on y ajoute des richesses naturelles qui s’amenuisent, et une population mondiale qui augmente, ca risque de devenir de plus en plus sportif.


  • Reflex Reflex 2 juin 2008 15:30

    Il est peu commun de lire sur ce site des contributions aussi posées qu’…enrichissantes. Celle-ci témoigne d’une profonde réflexion émanant d’un homme apaisé. Pour l’un de ses semblables, combien sommes-nous cependant à nous révolter encore de la civilisation marchande qui nous est imposée.

    La richesse se mesure-t-elle à l’aulne monétaire ? Quels rapports établir entre richesse et bien-être ? Et, quand est-on riche ? Voilà quelques pistes dont je doute que les esprits, au Darfour comme dans bien d’autres contrées, aient l’occasion d’explorer.


    • Dominique Dumollard Dominique Dumollard 2 juin 2008 20:44

       

      Bonsoir "Reflex"
       
      Merci à vous aussi pour votre commentaire et votre encouragement. J’ai déjà été questionné mercredi dernier sur mon billet à propos des autres aspects de la richesse. J’ai le sentiment que sur ce point nous avons une pensée assez voisine. Je ne suis, hélas, pas encore apaisé, tant je voudrais voir bouger les choses comme tant d’entre nous. Combien nombreux sont ceux qui nous ont précédés et qui l’ont espéré aussi ? Ça finira bien par arriver, parole d’utopiste !

      Cordialement


  • Cug Cug 2 juin 2008 18:41

    Ce discour est bien joli mais concrètement on fait quoi ?

     


    • Dominique Dumollard Dominique Dumollard 2 juin 2008 20:18

       

      Bonsoir Cug
       
      Merci pour ce commentaire qui me permet de dire :
       
      1 – On construit un projet d’ensemble. C’est à nous de faire face à nos responsabilités et, comme le déclarait l’abbé Pierre en 2004 à l’occasion du cinquantenaire de son appel historique, de décrire à nos gouvernants la société que nous voulons. Cela nécessite une réflexion d’ensemble, tant les problèmes sont entremêlés. Par exemple : "chômage, précarité, délocalisations, partage du travail, droit au logement, rémunération, retraites, sécurité sociale, etc." sont des sujets qui doivent faire l’objet d’une construction globale. Aujourd’hui, on se contente de promettre un petit quelque chose par ci, un petit quelque chose par là, sans moyens sérieux pour les financer. C’est ce que j’ai essayé de faire dans mon livre. Je n’ai pas la prétention d’avoir découvert la solution miracle (d’ailleurs, elle n’existe pas), mais c’est une pierre qui avec d’autres participe à la construction.
      2 – On ne peut rien faire tout seul. Pour le moment, j’essaie de faire connaître ces idées. Cela va prendre du temps. Sans doute pas suffisamment pour que je puisse le voir, mais cela n’est pas l’essentiel.
      3 – Quand on est suffisamment nombreux, on peut l’exiger. Chaque goutte d’eau compte, la vôtre aussi.
       
      Vous pouvez en découvrir plus en allant sur mon Blog.
       
      Bien cordialement

  • wiztricks 2 juin 2008 19:19

    Merci pour ce billet. Il est rare qu’on prenne le temps d’essayer de prendre du recul à propos de certains débats... 

    - W


  • impots-utiles.com 2 juin 2008 19:57

    il faut que des solutions soient trouvées rapidement car certaines professions sont amenées à sombrer ... le gouvernementy doit absolument investir dans la recherche et les nouvelles energies...

    le noeud de la guerre etant le controle de la plupart des gouvernements par les lobbies pétroliers....

    après les pêcheurs, les routiers , pour qui la sécurité de l’emploi a long terme semble un concept assez illusoire...
    la preuve en image

    http://www.impots-utiles.com/crise-petroliere-les-galeres-des-routiers-video.php


    • Dominique Dumollard Dominique Dumollard 2 juin 2008 20:30

      Bonsoir

      Certes il faut s’occuper du quotidien et réagir vite. Mais j’ai expliqué, dans un commentaire à mon article "Sarkozy, quoi de neuf ?", mercredi dernier (que vous avez visité), qu’il fallait, tout comme le font les pompiers, s’activer sur le feu qui dévaste tout, mais aussi construire les "contre-feux" qui permettront plus tard d’emporter la victoire. Nous sommes tellement nombreux à nous occuper du court terme que j’ai choisi de rejoindre ceux qui sont allés un peu plus loin, je crois que c’est utile aussi.

      Cordialement

       


  • Pak 2 juin 2008 21:54

    Est-ce que votre livre est facile à trouver ? L’article donne envie de le lire bien que je méfie un peu des bonnes intentions l’histoire ayant malheureusement montré que de bonnes idées peuvent provoquer de bien grandes catastrophes !


    • Dominique Dumollard Dominique Dumollard 3 juin 2008 07:28

       

      Bonjour Pak
      Mon livre édité par un petit éditeur ne peut pas se trouver dans les rayons de tous les libraires. Mais vous pouvez le commander auprès de votre libraire, avec les références, il l’aura en quelques jours. Vous pouvez aussi le commander à l’éditeur ou auprès de moi-même en réglant par Paypal. Toutes les informations sont sur mon Blog : http://utopies.typepad.fr
       
      Vous pourrez y voir des extraits de commentaires de mes lecteurs. Si vous le lisez, je serai heureux d’avoir les vôtres.
      Il n’y a aucun risque d’aboutir à une catastrophe, car je n’appelle pas à la révolution, mais simplement à modifier quelques règles du jeu et à une reconstruction en s’appuyant sur ce qui existe, sur le partage et le bon sens. Si ces idées se mettent en place un jour, elles auront été consolidées par l’apport d’autres personnes, bien évidemment. Peut-être me donnerez-vous votre point vue à ce propos dans quelque temps !
      Bien cordialement

  • chmoll chmoll 3 juin 2008 11:14

    ça m’fait penser à charles (pasqua) alias l’anguille, des mises en exam en veut tu en voilà,et il est toujours en balade


  • Cug Cug 3 juin 2008 11:42

     Yo Do, je m’associe pleinement à l’idée qu’une réflexion est necessaire et en ce moment salutaire.

     Le système en place fonctionne "au mieux" c’est une pure embélie, enfin pour certains. Le monde est à présent "macer" par l’oligarchie financière.

     C’est une question d’argent et surtout du rapport avec lui. C’est une question d’argent, d’ailleurs même Sarko c’est fait élire sur une question d’argent, le pouvoir d’achat.

    Pour moi la solution est assez simple mais très difficile à mettre en place car elle s’oppose à l’oligarchie financière et au libre échange. la solution est politique et économique.

     1/ Il faut une volonté politique donc voter correctement afin de rendre à l’Etat la création monétaire, celle ci n’étant plus alignée que sur le dollar lui même aligné sur RIEN.

     2/ Démarchandiser toutes les monnaies pour empêcher les "spéculateurs" de faire de l’argent avec de l’argent. Premier pas pour réguler (par les Etats nations donc le peuple) les marchés.

     Mais cela est très difficile car le lavage de cerveau des mass-médias est à l’oeuvre et dans ces conditions attendre que la masse ouvre les yeux ... Contrairement au peuple, l’oligarchie financière est très bien éduquée, unie à l’échelle mondiale et à la haute main sur le "grizbi".

     L’os c’est la classe politique et les médias, les deux partis (UMP et PS), à l’instar des USA sont aux service de l’oligarchie financière et celle ci possède les mass-médias qui lui permettent de "communiquer" au peuple.


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