mercredi 14 avril 2010 - par Gilles Bonafi

Sauver l’Europe, mode d’emploi

La crise grecque engendre espoir et inquiétude. Espoir de ceux qui rêvent de voir imploser l’Europe, inquiétude de ceux qui ne peuvent l’imaginer. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que l’Europe est un maillon essentiel du Nouvel Ordre Mondial qui a nécessité tant d’énergie qu’il est « impensable » qu’elle disparaisse. D’ailleurs, des solutions sont déjà prêtes, élaborées depuis très longtemps. Comme d’habitude, les réformes seront d’ordre technocratique, en mettant en place des structures échappant au contrôle des nations et donc des citoyens.

 
L’euro, une monnaie fragile
 
Bien cerner le problème nécessite quelques rappels.
Tout d’abord, il ne faut pas perdre de vue que le traité de Maastricht a divisé l’Europe en 2 : d’un côté l’Union Européenne, de l’autre la zone euro. Or, la zone euro est extrêmement fragile du fait que les pays qui la composent ont des économies différentes. Par exemple, l’Allemagne n’est pas du tout au même niveau que la Grèce, et pourtant, ces 2 pays ont une monnaie commune.
 
Cela n’est pas viable ! En effet, nous étions quelques-uns à expliquer que l’euro dans l’état actuel des choses ne pourrait pas survivre à une crise majeure.
L’économiste Jean-Claude Werrebrouck avait d’ailleurs, le 3 février 2009, donné une excellente synthèse de la situation :
« La solution serait, en Europe, de contourner la très dangereuse divergence croissante des taux d’intérêt sur la dette souveraine en mutualisant les risques. Ce contournement suppose la création d’une agence commune d’émission faisant disparaître les « spreads ». Mais cela suppose des stratégies de coopération interétatiques aboutissants à des règles contraignantes pour les Etats menacés de dépôt de bilan. »
 
En effet, les écarts des taux d’intérêts sur la dette (les spreads) en raison des divergences économiques sont inconcevables au sein d’une monnaie commune. On peut comparer cela à un bateau dont aucuns des rameurs ne rament à la même vitesse et de plus sans gouvernail.
Pour éviter ce problème et sauver l’euro, il faut mettre en place une structure « interétatique », un trésor européen.
 
J’avais d’ailleurs moi aussi, en février 2009, soulevé ce problème et surtout expliqué que ce débat n’était pas nouveau dans mon article Crise systémique : les solutions (n°1 : l’euro) qui est aujourd’hui plus que jamais d’actualité, et dans lequel j’écrivais :
« A vrai dire, cette idée n’est pas nouvelle (trésor européen) et l’on peut d’ailleurs remonter à Erik Robert Lindahl qui parlait déjà d’un trésor européen en 1930 et, en 1989, Carlo Ciampi (banquier et 10ème président de la République Italienne) avait fait une proposition qui désirait donner le monopole de l’émission de l’euro à la BCE (proposition Ciampi).
Le rapport Lamfalussy (2004) avait été plus précis et démontrait la nécessité d’un régulateur unique. Un article récent de Bruegel (think tank oeuvrant pour le développement économique de l’Europe) parle ainsi de la création d’un régulateur financier unique en Europe.

Or, l’urgence de la situation nous oblige à créer une « structure de défaisance » nous permettant de racheter les créances douteuses ce qui est pour le moment impossible car nous ne possédons pas un trésor européen. Ceci est confirmé par Anton Brender, chef économiste de la banque Dexia : « Il faut quelqu’un qui achète les dettes, or, même à l’échelle de la zone euro, il n’existe pas de Trésor commun. Voilà toute l’ambiguïté de l’Union monétaire européenne. Elle est dotée d’une même monnaie, mais la Banque centrale européenne ne dispose d’aucune autorité en matière prudentielle vis-à-vis des banques ». Source : Le Figaro.fr du 24.09.08.
Plus récemment, l’économiste Michel Aglietta a démontré que le système de l’euro était fragile car il ne pouvait pas (contrairement à la FED) se positionner comme prêteur central en dernier ressort car la BCE n’émettait pas l’euro et possédait peu de fonds propres. »
 
Or, aujourd’hui les choses se précisent, et voici dans le détail comment ce trésor européen, dont le CERS sera l’étape clé, sera créé.
 
Le CERS, vers un trésor européen
 
LeCentre for European Policy Studies (CEPS), un think tank européen dont le directeur est Daniel Gros, un économiste allemand. C’est d’ailleurs lui avec Thomas Mayer l’économiste en chef de la Deutsche Bank qui ont lancé l’idée d’un Fonds Monétaire Européen, un trésor européen, le 8 février 2010 .
 
En gros, ils expliquent que face à l’explosion de la dette publique (en s’appuyant sur l’exemple grec) il faut un organisme prêteur en dernier ressort européen à l’exemple du FMI. Pour ceux qui veulent approfondir le sujet je les invite à lire l’article dans une tribune publiée sur le site de The Economist.
 
Cependant, il est intéressant de noter que ces deux économistes proposent des structures supranationales avec un conseil d’administration représentatif des pays de la zone euro.
 
Pourtant, la création d’un FME n’est pas encore à l’ordre du jour et tout cela masque la vraie solution en cours. Il s’agit du Comité européen du risque systémique, le CERS rapport de Sylvie GOULARD) dont la pièce maîtresse sera le Système européen de banques centrales (SEBC) qui comprend les 27 banques centrales nationales de l’Union européenne et qui sera chargé du contrôle et de la surveillance de chaque pays européen .

Bien sûr, le CERS sera entièrement dépendant de la BCE. Voici la « petite histoire » du CERS qui débutera « dans le courant 2010 » :
« La création de la surveillance macroprudentielle au niveau de l’UE et l’établissement du CERS sont prévus dans un projet de règlement basé sur l’article 95 du traité CE, qui exige la codécision par le Conseil et le Parlement européen. Le règlement est complété par un projet de décision du Conseil qui confère à la BCE la tâche d’assurer le secrétariat du CERS.
Avant de faire des propositions législatives, la Commission a largement consulté toutes les parties concernées, à la fois après la publication du rapport du groupe De Larosière et après la Communication de mai 2009, qui a décrit la nouvelle architecture de surveillance dans ses grandes lignes. Le Conseil européen de juin a appuyé les propositions contenues dans la Communication et a accueilli favorablement l’intention de la Commission d’adopter les textes législatifs au début de l’automne pour une approbation rapide. L’objectif est que le nouveau cadre soit en place dans le courant de 2010. Le Conseil européen a annoncé qu’il examinerait le sujet en octobre. »
 
Voici quelques précisions sur le fonctionnement du CERS qui devraient particulièrement vous éclairer :
- la plupart des décisions ne seront pas rendues publiques car « les questions potentiellement abordées dans les avertissements et les recommandations seront extrêmement sensibles et nous devons être attentifs aux effets nocifs que pourrait entraîner la publication comme, par exemple, que le danger ne se matérialise dû à une précipitation ou réaction exagérée des marchés financiers. »
 
- le CERS coopérera étroitement avec le nouveau FSB, le comité de stabilité financière US qui sera lui aussi un organisme de contrôle du risque systémique dépendant de la réserve fédérale américaine.
 
- les autorités nationales n’auront pas de droit de vote car elles ne seront responsables que de la surveillance microprudentielle.
 
 
D’ailleurs, le lundi 15 février, la BCE a créé la direction générale de la Stabilité financière chargée d’identifier et d’évaluer les « risques systémiques au sein de la zone euro et du système financier de l’UE ».
 
Un nouvel organisme verra le jour très bientôt, le Système européen de surveillance financière (SESF), chargé de la surveillance des banques, des marchés financiers, des assurances et des pensions professionnelles.
 
José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne nous donne le sens de tout ceci :
"Les marchés financiers sont non seulement nationaux, mais européens et mondiaux. Leur supervision doit l’être aussi. Le nouveau système que nous proposons aujourd’hui, fort de l’appui politique des Etats membres suite au rapport de Larosière,est destiné à protéger les contribuables européens d’une répétition des sombres journées de l’automne 2008, où les gouvernements ont été obligés de verser des milliards d’euros aux banques. Ce système européen pourra aussi inspirer un système mondial. C’est la position que nous soutiendrons au G20 à Pittsburgh."
 
 


8 réactions


  • Alpo47 Alpo47 14 avril 2010 12:35

    L’art et la manière de continuer de réduire le rôle des Etats et d’installer des structures supra-nationales...
    Ou un pas supplémentaire vers le « Nouvel Ordre Mondial » voulu par les « élites ».
    J’ai juste là ?


    • Bélial Bélial 14 avril 2010 16:54

      Je pense que oui, je suppose que la Federal Reserve Bank savait que remonter ses taux d’intérêts entraînerait le krach qu’on a vu, et l’a fait sciemment, car elle profite du krach pour centraliser le pouvoir.
      C’est la grande erreur commise par l’humanité, centraliser le pouvoir (en plus entre de mauvaises mains) alors qu’il faudrait le décentraliser.
      Idem pour la Banque Centrale Européenne, après ce qui m’étonne c’est que pour la Grèce la BCE se soit effacée derrière le FMI, ce qui ne me rassure pas plus.
      Mais sinon le nouvel ordre mondial n’est pas une légende, kissinger a encore dit que cette crise était une opportunité pour le n.o.m., et on constate que le pouvoir des banques s’accroît au lieu de diminuer.


  • dup 14 avril 2010 15:01

    NON NON NON NON .. il y a rien à sauver , mais se tirer en vitesse avant que le toit nous tombe sur la tête

    http://www.dailymotion.com/video/xbm9o7_francois-asselineau-quitter-l-ue-1_news


  • jullien 14 avril 2010 15:33

    Euh...
    Je ne suis pas sûr d’avoir compris ce que veulent dire les mots « macroprudentiel » et « microprudentiel ». Pourriez-vous nous donner des explications ? Merci d’avance.


    • Gilles Bonafi 14 avril 2010 17:01

      @Julien
       « les autorités nationales n’auront pas de droit de vote car elles ne seront responsables que de la surveillance microprudentielle. »
      Cela veut simplement dire qu’elles agiront sur le plan local, dans leurs pays et n’auront aucune voix au chapitre en ce qui concerne les décisions européennes.


  • C LEBELLEC 14 avril 2010 18:24

    l’allemagne n’ est pas le grece , Milan se fiche de Reggio de calabre,la catalogne espagnole veut son independence et pourtant : le gouvernement federal paie pour Los ANGELES et la californie . CE sont les etats unis d’amerique  !!

    En fait il faudrait se sentir europeen,Etre Fier de son drapeau.
     Les marchés jouent avec les nerfs des europeens : lundi 12 la grece s ’ attaque aux banques et obtient 1,50 milliards a 2 ans ,a 6% :elle paie 6 fois plus que les etats europeens AAA+.

    Un accord intervient enfin entre les europeens et leFMI
    Europe ,30 M d ’ € a 5% sur 3 ans et FMI 15 M.
    La grece ne se precipite pas sur cette offre ,qui reste une promesse mais qui rassure les marches.Athenes a des raisons d ’ attendre car le 9 /05/2010 se deroulent des elections importantes pour angela MERKEL.
     Les allemands ne sont pas favorables a l’€ ,   et decides a refuser une aide a la grece.
    Donc l’ attente est de rigueur car l’ allemagne peut user de son veto.

    Les marchés sont rassurés . Mais quand verront ils l ’ argent ? Les promesses europeenes concretisees , et la grece convaincue d’accepter cette rigueur pour surnager et garder la tete hors de l’eau.

    D’ici fin mai l ’ écheance est de 10M. 30 M avant fin 2010= 40 M et on ne parle pas du futur.
     Ce qui serait decide ,par l’ europe et le FMI :10M+30 M — a 5%,sur 3 ans.Les 3/4 a l’ europe et 1/4 FMI.Rien n’ est fait,ce ne sont que des plans que tous etudient,la grece n ’ a plus qu’ a approuver.

    On pense meme que les europeens pourraient tripler l’ aide et la porter a 90 milliards d’€.
    Tout est dans le veto allemand  !!!
    Certains economistes estimaient q’un plan efficace en faveur de la grece devrait s’ elever a 20/% de la dette de 300 M soient 60 MILLIARDS D’ € ,et ce pour fin 2010.

     esperons que l’ europe fera preuve de son existance !! Sinon elle perdra sa credibilite aupres des marches, ce qui est de mauvaises augures pour le futur proche( ex : le portugal)


  • BA 15 avril 2010 08:59

    Pour la Grèce, la situation devient intenable :

    - Emprunt à 6 mois :

    En janvier 2010, la Grèce a lancé un emprunt à 6 mois. La Grèce a dû verser un taux d’intérêt de 1,38 %. Mardi 13 avril, la Grèce a dû verser un taux d’intérêt de 4,55 % !

    - Emprunt à 12 mois :

    En janvier 2010, la Grèce a lancé un emprunt à 12 mois. La Grèce a dû verser un taux d’intérêt de 2,20 %. Mardi 13 avril, la Grèce a dû verser un taux d’intérêt de 4,85 % !

    - Emprunt à 10 ans :

    Lundi 12 avril : le taux de l’obligation grecque à 10 ans était de 6,637 %.
    Mardi 13 avril : le taux de l’obligation grecque à 10 ans était de 6,815 %.
    Mercredi 14 avril : le taux de l’obligation grecque à 10 ans était de 7,034 %.

    En clair :

    la Grèce doit emprunter à des taux d’intérêt qui augmentent de plus en plus.

    La Grèce se surendette de plus en plus.

    La Grèce va se déclarer en défaut de paiement.

    La zone euro va exploser.

    http://www.romandie.com/infos/news/201004141858040AWP.asp


  • C LEBELLEC 16 avril 2010 09:45

    les marches observent l’europe au travers de la grece
    et si tout n’ etait qu’un vaste plan pour niveller tous les pays europeens par le bas.
    Le niveau de vie serait identique de la roumanie a l ’ allemagne.
    Et si nos politiques avaient besoin d ’ une sorte de « tremblement de terre » pour nous faire admettre une forte regression sociale.

    Nos banques ont ete choyees,tant mieux ! c’ est peut etre mieux pour tout le monde.
    Autres ennuis a venir : /les actions toxiques residuelles dont la societe generale aurait sa part , de meme que de nombreuses autres etablissements bancaires dans le monde.

    Et pourtant le malheur parait veniel, un petit pays de NOTRE ZONE EURO a « truandé » ses comptes afin de rejoindre le BOUCLIER EURO. Evidemment tous etaient au courant que la grece avait abuse.
     Les jeux peuvent commencer  : les agences de notation entrent en scene avec leur notes, desquelles on en deduira les punitions a infliger. Taux d’ interets, CDS —censees assurer les speculateurs en cas de defaut de paiement de la dette— et tout ce petit monde se pousse a la hausse.

    Athenes a 300 milliards d’€ en endettements , deficit budgetaire de 13% .
    On fait appel a tous les pompiers pour arreter l’ incendie grec,UE, FMI le grand mechant pompier americain.
     L’europe reflechit, l’allemagne s’ oppose a toute aide financiere ou toute caution en faveur de ce pays ne represantant que 3% du PIB europeen !!
    Une aide immediate aurait anihile toutes les ambitions speculatives sur les obligations emises par athenes.
     Malheureusement l’ europe prefere travailler avec la haute finance qu’ aider « un COMPATRIOTE »dans le besoin malgres les risques de contagion—par effet domino— et les restrictions infligées aux grecs(et aux autres par la suite).
     Le portugal est deja atteint.Si la spirale infernale continue, si elle devient incontrolable, ce sera l’ echec de la zone euro .

    L’ UE, dans ses constantes promesses et ses perpetuelles contradictions enrichit WALL ST etLondres. L’affaire est grandiose pour les speculateurs qui trouvent de par ces atermoiments, des rendements fabuleux : rapport de 6 a 7% sur les obligations,ils peuvent jouer avec les CDS qui s’envolent a cause des notations baissieres .
     IL faut dire que personne ne bouge,meme pas la GRECE  !!
    En fait le ballet semble regle, rien que des promesses et des intentions.
    Pendant ce temps la dette des grecs enfle, l’ europe est menacee par la finance mondiale.

    On espere que cet episode sera resolu par les moyens deja promis par les sauveteurs.
     Dans le cas contraire , ce serait dur pour tous nos peuples,les guerres sont peut etre finies dans nos pays developpes mais autre chose nous attend.


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