Stop à la polémique actuelle sur les chiffres du chômage !
C’est Alain Peyreffite, alors président du comité rédactionnel
du Figaro, qui le premier s’est soucié de rétablir publiquement la situation de
l’emploi dans ses dimensions réelles, fin 1992 - début 1993.
Un article dans les pages roses du Figaro-économie
a ouvert le débat au cours de l’hiver 92-93. Il posait également le problème
des chômeurs d’outre-mer, délibérément ignorés des chiffres officiels chaque
mois.
Ce débat n’est jamais retombé depuis : bien documenté techniquement,
le baromètre de l’emploi du journal Marianne poursuit régulièrement cette
oeuvre de clarté publique, pour ne prendre qu’un exemple.
Les quelques agités qui se piquent actuellement de vérité statistique
n’avaient alors pas les mêmes scrupules !
Ils sont trop visiblement en service commandé pour le compte
de ceux qui, il y a quinze ans, démentaient à cor et cri que les chiffres du chômage
présentés par Martine Aubry étaient truqués !
Au-delà de la polémique, bien triste et bien stérile, pour
ceux qu sont dans le souci d’une recherche d’emploi, tirons la morale de la
fable :
Or, si toutes les politiques de l’emploi menées depuis des
lustres échouent plus ou moins, c’est, justement, parce qu’au départ elles
sont prisonnières du « mensonge » statistique qui en pipe les bases d’analyse
initiales.
Or tout le problème de la statistique sur ce sujet est
qu’elle repose sur un processus déclaratif du demandeur d’emploi, puis sur son appréciation
par l’employé qui l’enregistre.
Pour faire court : dès qu’un agent du service public de l’emploi
lui demande s’il accepte un CDD ou un travail temporaire en attendant un bel et
bon CDI, le demandeur d’emploi actif a toutes les chances de répondre oui... et
alors bien des chances de se voir porté d’office dans une catégorie n’apparaissant
pas à la statistique officielle !
Les statistiques
traduisent ainsi et reflètent seulement des comportements possibles ou éventuels
de recherche d’emploi, et non la situation économique et professionnelle réelle
du chômeur qui :
- permettrait d’organiser
un parcours spécifique individualisé de
recherche d’emploi et/ou de formation.
D’où, aussi, l’aberration complète du système des aides aux
entreprises pour l’emploi, ciblées sur tel ou tel "public".
Collectivement définies par rapport aux populations ainsi "statistifiées",
si l’on peut dire, on comprend pourquoi ces aides aveugles sont un bénéfice net
pour les employeurs qui n’ont aucun raison de refuser l’effet d’aubaine aussi
maladroitement offert !
Alors que, jusqu’à présent, on le fait en fonction de critères
collectifs, sociologiques, finalement assez vagues sur la demande d’emploi.
Il faut attribuer les aides,
On s’apercevra alors de l’immense gisement d’économies dont
on dispose là aussi pour résorber la dette !
De plus, grevées par
le principe d’égalité de traitement des usagers, les politiques et les mesures
conçues, distribuées et gérées sans la moindre nuance d’individualisation par l’administration,
ne pouvaient guère mener qu’à un système pérennisant et enkystant peu à peu le
problème qu’il était censé résoudre.
A travers des mesures globales, approximatives et rarement évaluées
avec rapidité et rigueur d’un budget sur l’autre, le dispositif des aides à l’emploi
a surtout souffert d’avoir trop longtemps et très délibérément ignoré l’aspect métier/qualification, soi-disant trop voué aux exigences de l’employeur
!
Si l’on devait être caricatural, on pourrait aller jusqu’à relever
que le dispositif global des aides à l’emploi aura, depuis quinze ans, apporté plus
d’activité à ses concepteurs gérants successifs qu’à ses bénéficiaires supposés,
sur le marché de l’emploi.
C’est ainsi que s’est peu à peu imposée l’idée que la lutte pour l’emploi gagnerait à être confiée à des acteurs ou à des partenaires plus motivés et plus proches du marché du travail.