mercredi 14 novembre 2018 - par
Trump, Bolsonaro : l’alternance sans alternative économique
L’ascension de Corbyn ou de Sanders dans le monde anglo-saxon démontrait l’émergence d’un discours économique marquant une vraie rupture avec la vague oligolibérale à l’œuvre depuis quatre longues décennies. Mais cette remise en cause économique est pour l’instant rarement gagnante électoralement, comme le montre les victoires de Trump aux Etats-Unis et Bolsonaro au Brésil.
Choisir au sein du cadre oligolibéral
Depuis deux ans, monte d’Amérique un message complexe. Les inégalités sont souvent proches de leur plus haut historique, les conflits d’intérêt pullulent, un ras-le-bol vis-à-vis de la violence et de l’immigration s’exprime, sur fond d’une réhabilitation de la nation. Au Brésil, les succès des années Lula pour un meilleur partage des fruits de la croissance ont fini par passer au second plan de la violence endémique du pays et de la récession provoquée par les politiques austéritaires de Temer, arrivé au pouvoir après la destitution de Rousseff. La victoire de Bolsonaro apparaît comme l’expression d’une forte volonté de changement, ses provocations crédibilisant sa différence, comme Trump au Nord.
Bien sûr, les pauvres ont continué à préférer le candidat du PT, mais on peut se demander si nous ne sommes pas dans une configuration proche de celle des Etats-Unis de Trump, où la moindre avance de la gauche dans les classes populaires a scellé sa perte. Le contexte n’en reste pas moins différent, dans la mesure où une part probablement plus importante des classes supérieures a soutenu Bolsonaro, quand le caractère de Trump en avait éloigné une part plus importante. Le nouveau président du Brésil a été soutenu par les classes supérieures et les élites du pays, sur base d’un programme très libéral de privatisations, de baisse des déficits, ou de retraites par capitalisation.
Aux Etats-Unis, l’équation Trump est complexe. Il a réussi à réduire significativement l’avance traditionnelle des démocrates auprès des classes populaires blanches, pour lesquelles les années Clinton et Obama ont montré qu’il n’y avait pas grand chose à attendre des démocrates, leur condition continuant de se détériorer. Son style est un signe de changement bienvenu pour beaucoup, même si son programme fiscal n’est qu’un copier-coller des mesures de Georges Bush, et de Reagan encore avant lui. Et si des droits de douane ont été mis en place avec la Chine, ils restent assez modérés, et un accord a été trouvé avec le Canada et le Mexique, relativisant ses discours protectionnistes.
Mais le problème avec cette évolution est que nous passons d’une alternance entre modérés de la pensée unique à une alternance entre oligolibéraux libertaires pseudo ouverts et oligolibéaux conservateurs, sans possibilité de véritable changement économique. En somme, l’émergence d’un courant plus identitaire et conservateur, s’il permet une expression démocratique sur certains sujets, pour peu qu’il ne s’agisse pas d’esbrouffe, solidifie l’emprise oligolibérale, comme le montre le Brésil, où Bolsonaro va prolonger et accentuer bien des politiques de Temer, économiquement. En somme, cette vague conservatrice pourrait bien nous faire prendre du retard sur la réfome économique.
Le choix de NDA en 2017 est à ce titre très intéressant. Suivant le vent du moment, il a viré de bord pour rejoindre le courant libéral-conservateur, rompant avec un discours alternatif sur l’économie comme l’Europe. Cette évolution est celle sur laquelle mise Macron, avec son discours effarant sur les années 1930. Mais les peuples pourraient finir par chercher une alternance économique ailleurs.