Un exemple récent de l’impact des « fonds souverains »
Dans un message du 11 octobre, je vous faisais part de l’apparition des ’fonds souverains’ sur le marché financier et industriel mondial et de l’inquiétude que cela pouvait susciter. Rappelons que ces fonds dit souverains sont les émanations des Etats riches du monde entier que l’augmentation des prix du pétrole et des matières premières ainsi que l’apparition des pays émergents ont fait considérablement croître en nombre et en importance. L’inquiétude qui en est résultée dans les pays industrialisés est que ces fonds puissent se comporter non pas comme des investisseurs classiques qui ont pour objectif un retour le plus fort possible sur leurs investissements, mais comme des prédateurs qui, pour des raisons politiques, voudraient s’emparer de tel ou tel fleuron stratégigue de l’industrie occidentale.
C’est ainsi qu’a pu être ressenti la prise de participation de 5 % dans EADS de la Banque centrale russe ou encore la tentative de prise de contrôle de certains ports américains par des fonds souverains de Dubaï ou du Quatar. L’intéressant de la chose, c’est qu’on s’est aperçu à ces occasions que des infrastructures portuaires ou une société de bourse (Euronext) étaient beaucoup plus stratégiques pour un pays que Renault ou Danone dont la prise de contrôle éventuelle agiterait pourtant beaucoup plus nos hommes politiques...
Voici un exemple récent de l’action de ces fonds d’investissement qui suscite des fortes réactions aux Etats-Unis actuellement. Il s’agit de la prise de participation de 9 % du capital de la société AMD par le fond souverain de l’émirat d’Abu Dhabi appelé Mudabala. AMD est le second producteur mondial de puces électroniques apres Intel, ces puces qui constituent le coeur de tous les ordinateurs, serveurs et matériels informatiques. AMD bénéficiant de contrat de développement pour l’armée américaine et produisant pour eux des puces spécifiques, il y a donc un risque qu’à terme ces produits stratégiques passent sous contrôle d’un pays étranger.
C’est la raison pour laquelle une telle prise de participation doit être approuvée par le Comité sur les investissements étrangers américains qui va d’ailleurs être probablement embarrassé pour refuser éventuellement une telle prise de participation d’un pays pour l’instant ami des Etats-Unis. D’autant qu’AMD a besoin d’argent du fait du coût important qu’a représenté pour lui l’achat récent du Canadien ATI spécialisé dans les puces à application graphique et que la concurrence avec Intel est féroce. Très vraisemblablement, donc, la prise de participation de fond souverain d’Abu Dhabi sera acceptée.
Le ministre des Finances américain a donc renouvelé son appel au FMI et à la Banque mondiale pour que ces organismes développent une liste de recommandations et de vérifications pour que les Etats puissent s’assurer que ces fond souverains investissent bien pour des raisons purement économiques et non pas politiques.
L’Europe dans ce débat est aux abonnés absents, meme si elle devrait soutenir la demande américaine...
NB : depuis la rédaction de ce message, un autre fonds souverain d’Abu Dhabi est venu prêter main forte à une grosse société américaine en difficulté, la banque Citigroup. Personne en semble y avoir trouvé à redire dans ce cas. Il est vrai que les conditions de cette prise de participation sont telles qu’elles montrent bien qu’il s’agit d’un investissement à vocation financière classique du type aubaine. Quand il faut trouver de l’argent à tout prix, les considérations politiques passent au second plan et les taux montent !