jeudi 18 mai 2006 - par éric

Vers un usage plus ciblé des taxes ?

Différentes propositions ont été faites pour résoudre le problème du chômage, des atteintes à l’environnement, du financement de la Sécurité sociale... Il me semble intéressant d’en rapprocher quelques-unes brièvement, afin de montrer qu’elles s’attaquent en réalité au même problème : celui de la rationalisation des pratiques économiques au service du bien commun.

La TVA sociale, dont un article d’Albert Mévellec s’est fait l’écho sur AgoraVox, est une taxation qui aurait pour but d’améliorer notre capacité à exporter, à financer les risques sociaux sur une assiette plus large qui intègrerait les entreprises qui ont fait le choix de délocaliser leur production.

Le principe du « pollueur payeur » appliqué aux licenciements : une entreprise qui licencie "pollue" le système social français, elle doit donc réparation à ce système. En effet, ce sont les entreprises qui préservent leurs emplois en France qui sont pénalisées, puisqu’elles financent avec leurs salariés le coût des allocations chômage, et par leurs impôts le coût des transferts des minima sociaux (RMI...). - Si l’entreprise qui licencie le fait pour produire ailleurs à bas coûts (pour délocaliser ) mais pour vendre sa production dans d’autres pays que celui dans lequel elle s’est rendue, elle va générer de mauvais traitements sociaux (conditions de travail, respect de l’individu...) et inciter à un alignement de la concurrence sur le moins-disant social.

- Si l’entreprise qui licencie le fait pour des raisons fiscales (impôt sur les sociétés...) elle incitera à un alignement de la concurrence sur le moins disant fiscal. En payant ses impôts ailleurs, elle met en danger le financement d’infrastructures dans son pays d’origine.

Plus le nombre d’entreprises faisant ce choix sera important, plus les conditions se dégraderont pour le plus grand nombre sur notre planète.

http://www.lexpress.fr/idees/tribunes/dossier/tribune/dossier.asp?ida=426219

Taxe sur la pollution environnementale : certains proposent une taxe sur la "pollution" créée par les transports internationaux générés, en partie, par les délocalisations et les transferts de capitaux. Les transports sont en effet nécessaires pour exporter ou importer. Agir sur le coût du transport permettra d’éviter des importations inutiles (poires d’Afrique du Sud en France, par exemple). L’idée est de rendre rationelle la consommation sur place de tous les biens et services (centres d’appel) qui peuvent être produits sur place en intégrant, en plus des coûts économiques, les coûts environnementaux et sociaux.

La taxe Tobin : elle consiste en une taxation des transactions monétaires afin de désinciter à la spéculation, cette manière de gagner de l’argent sur l’argent. Au-delà des querelles qui existent autour de cette taxe, il convient de noter qu’elle aurait le mérite de lever de grandes sommes sans soumettre les agents économiques à une ponction insupportable (le montant annuel total des échanges de biens et de services représente moins que le montant d’une semaine de spéculation).

http://www.monde-diplomatique.fr/1999/08/CASSEN/12363.html

Conclusion, en guise de rapprochement : nos économies sont fortement financières, les entreprises ignorent les coûts qu’elles ne supportent pas directement et en proportion de leurs agissements. Beaucoup d’opérateurs économiques pratiquent l’attitude du passager clandestin (olson).

Il faut mettre en œuvre des règles qui obligent les opérateurs économiques à intégrer dans leurs calculs de coûts l’ensemble des coûts économiques, sociaux et d’atteinte à l’environnement. Cela suppose de remettre l’humain au cœur du débat, et de ne faire de l’économie et de la finance que de simples outils au service de l’humanité. Beaucoup diront que c’est une vision utopique de la réalité. Il faut réveiller les utopies, car elles nous offrent une ligne d’horizon vers laquelle avancer, et donnent sens et profondeur à nos actions. Or, la dictature du court terme nous aveugle, et de fait, nous interdit de nous projeter dans l’avenir.

Toutes ces propositions sont le signe d’un malaise diffus, celui de la perte de sens des agissements de l’humanité que le tout-économique a engendré. Il convient alors de remettre le système dans l’ordre : le politique (représentation du peuple) décide, et crée des règles de droit, qui régulent l’économie. Cette dernière devient un outil au service de tous.

[NDLR : sur le même sujet un autre article du jour sur Agoravox]



6 réactions


  • Adolphos (---.---.59.170) 18 mai 2006 12:19

    « une entreprise qui licencie »pollue« le système social français, elle doit donc réparation à ce système. »

    L’entreprise à créé l’emploi, elle le détruit, il n’y a donc que retour à l’équilibre, et aucune polution.


    • éric (---.---.166.26) 18 mai 2006 13:22

      Il y a « pollution » en ce sens que le salarié percevra (selon son ancienneté) des allocations chômage. Ces dernières sont financées par la collectivité des entreprises par le biais des charges sur les salaires. Les entreprises qui préservent l’emploi paient pour les autres.

      Éric


    • Adolphos (---.---.59.170) 18 mai 2006 13:52

      Non, c’est ce qui est versé aux salariés qui sert à financer, donc c’est le salarié qui paye.

      Mais une entreprise qui embauche aura-t-ell une prime équivalente à ce que paye une entreprise pour licencier ? Ce serait juste.


  • XGIL (---.---.120.251) 19 mai 2006 14:39

    Il faudrait mentionner aussi la proposition d’A. GRANDJEAN et JM JANCOVICI dans le livre « Le plein s’il vous plaît » (Editions du Seuil, 18 Euros) qui suggère de taxer progressivement, mais rapidement, les énergies fossiles. L’objectif : rendre notre économie indépendante à court terme de ces énergies et tenter ainsi d’éviter le double problème de la prochaîne récession économique liée à la pénurie et du changement climatique lié à une consommation excessive. L’intérêt de cette solution : inciter chacun à renoncer dans un premier temps aux consommations superflues(d’énergie, de matières premières, de produits finis), revaloriser le travail, rendre dès maintenant les entreprises plus efficaces pour la suite, dégager des recettes fiscales telles que l’Etat serait en mesure de mettre en place des mesures d’adaptation en faveur des plus vulnérables. Voir également le site de JM Jancovici : http://www.manicore.com

    X. GIL


  • flo (---.---.83.132) 20 mai 2006 19:00

    J’apprécie, au plus haut point,la conclusion.

    C’est la formulation parfaite, d’apré moi, des fondmentaux d’une République. Bravo et merci


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