mardi 7 mars 2006 - par Olivier FRIGOUT

Chikungunya : WWF déplore l’utilisation massive de pesticides

La crise de l’épidémie de chikungunya à la Réunion et son traitement tardif mais intensif par les autorités françaises ont conduit le WWF à exprimer ses craintes dans un communiqué de presse, le 20 février dernier, dans l’indifférence générale. Dans un premier temps occultée par la grippe aviaire, cette épidémie a focalisé l’attention des médias et du public alors que le chiffre de 100 000 malades allait être franchi. Le traitement intensif de la prolifération du moustique vecteur du virus a apporté un début de soulagement chez les populations locales, alors que le risque sanitaire imputable à l’emploi massif de pesticides n’a été que peu évoqué.

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Moustique Tigre
Crédit : Archives de l`OVF

Sous un titre sans équivoque, Halte à la solution toxique contre le virus chikungunya !, l’association de défense de l’environnement appelle « la Réunion à ne pas mettre en danger ses enfants et ses richesses environnementales en utilisant de dangereux insecticides ». Elle précise que « Le Fénitrothion et le Téméphos, deux insecticides hautement toxiques, ont été pulvérisés massivement, et le plus souvent par des personnes inexpérimentées, dans l’atmosphère des zones résidentielles, des écoles et un peu partout ailleurs sur l’île de la Réunion. Les services de la DRASS, les employés communaux, les militaires venus aider et des citoyens ont ainsi manipulé ces insecticides dans la précipitation et de manière très abusive, allant même jusqu’à les pulvériser dans les zones en altitude où pourtant aucun moustique et aucun cas de chikungunya ne sont répertoriés  », mettant ainsi en cause la précipitation des autorités et l’inorganisation des services publics. Convaincu que ces produits, utilisés dans de telles proportions et sans précaution pourraient avoir des conséquences sur la santé publique, WWF déplore « le fait que la population n’ait pas été mise au courant des risques qu’elle encourt par surexposition à ces véritables nuages toxiques. De plus, les précautions élémentaires n’ont pas été respectées, comme l’évacuation des gens avant pulvérisation, la mise en sécurité des personnes fragiles, la diffusion des informations de sécurité », dénonçant que « les établissements scolaires ont ainsi fait l’objet de traitements intensifs sans information préalable des parents, des professeurs ni même parfois des directeurs d’écoles. ». Plus grave, et toujours selon WWF, « certains enfants en contact avec ces substances toxiques ont même été conduits aux urgences pour des intoxications aux organophosphorés ».
La faune et la flore n’ont pas non plus été épargnées. WWF explique que « sur le plan de la biodiversité, de nombreux insectes autres que les moustiques sont menacés par ces surdosages de produits toxiques, notamment les abeilles. D’autres espèces qui font la richesse de l’île, comme les oiseaux, sont également touchées. Enfin, ces produits toxiques vont se retrouver dans les rivières et entraîner une pollution des eaux. ». Un constat accablant alors qu’une solution biologique était disponible et n’aurait été utilisée qu’en dernier recours. En effet, comme le souligne WWF, « c’est finalement un produit biologique nommé le « Bti » qui viendra à bout des larves des moustiques chikungunya, à partir du 17 février, produit larvicide biologique qui ne présente aucun des dangers des insecticides chimiques utilisés auparavant. Le « Bti » est une spore bactérienne présente naturellement dans les sols. Les essais d’innocuité des traitements larvicides effectués au moyen de « Bti » ont montré que cet agent ne présente aucun risque pour la faune, les espèces non ciblées ou l’être humain. » Le WWF conclut en demandant « à ce qu’elle soit impérativement appliquée dans toute l’île pour en protéger ses habitants et notamment ses enfants, ainsi que son environnement aux multiples facettes uniques dans le monde. ».

Dans le même temps, l’InVS émettait un rapport sur les risques que peut représenter l’utilisation des pesticides chimiques abondamment pulvérisés sur l’ensemble de l’île. Exposées par inhalation et contact cutané lors des pulvérisations, par contact de la peau avec un objet traité, ou encore par ingestion lors de la consommation de fruits et légumes produits dans la zone traitée ou lors de mise à la bouche d’objets ayant été traités, les populations peuvent développer des irritations et rougeurs cutanées, conjonctivites, toux, ou encore irritations de la gorge pour le deltaméthrine, et des maux de tête, sensations vertigineuses, fatigue, et troubles digestifs pour le fénitrothion.

Mais ce sont les recommandations d’utilisation qui sont susceptibles de justifier l’inquiétude de WWF. En effet, elles sont particulièrement drastiques :

« Il est très important de suivre les recommandations suivantes afin de réduire l’exposition de la population (notamment les jeunes enfants, les femmes enceintes et les sujets fragiles) lors des campagnes de désinsectisation menées aux abords des habitations :
- rester au domicile, portes et fenêtres fermées, aux heures de pulvérisation.
- respecter un délai de 15 jours avant la consommation des fruits et légumes qui ont été pulvérisés
- laver abondamment et peler les fruits et légumes provenant des jardins proches du site traité
- procéder au nettoyage et au retrait des racines à l’extérieur du logement pour éviter tout apport de terre à l’intérieur.
- varier la provenance des légumes et fruits consommés
- écarter les enfants du site traité ou, si ce n’est pas possible, veiller à ce qu’ils aient des activités qui limitent les contacts cutanés avec le sol traité et l’ingestion de poussière (lecture, télévision, jeux d’intérieur...)
- tout mettre en œuvre pour une bonne hygiène notamment celle des enfants :
- nettoyer les chaussures et en changer en entrant dans les logements
- se laver les mains et celles des enfants très régulièrement
- se couper les ongles court et les brosser fréquemment
- procéder, avec des gants, au nettoyage humide des sols et des meubles, des rebords de fenêtres et des dallages à proximité des maisons
- laver régulièrement les jouets des enfants.
 »

Ces recommandations ont-elles été suivies sur le terrain ? Les populations ont-elles été informées des précautions qu’il s’agissait de prendre pendant la démoustication ? Seuls les acteurs de l’intervention et les populations locales peuvent répondre à ces questions. Mais le sujet, comme le manque de réaction des autorités face à l’épidémie, reste peu abordé dans la presse grand public.
L’avenir devrait nous dire quelles conséquences aura réellement eu sur la santé publique, la faune et la flore de l’île, cette campagne de démoustication. En attendant, et encore une fois, on ne peut que déplorer l’incapacité de l’Etat à réagir, des méthodes contestables pour ce qui est des « dommages collatéraux » et le manque de transparence manifeste qui caractérisent des situations aboutissant trop souvent à des scandales sanitaires.

Sources : WWF et InVS



12 réactions


  • Gilbert Spagnolo dit P@py Gilbert Spagnolo dit P@py 7 mars 2006 17:14

    Bonjour Olivier Frigout,

    .. et dire qu’en vidant : gamelles , bidons, seaux, et autres objets qui peuvent recueillir de l’eau de pluie , plus de 80% du problème serait éliminé !

    Mais hélas comme d’hab, les conseils de prévention et autres recommandations, sont en général peu suivie d’effet, la preuve !

    ( voir mon article :http://agoravox.fr/article.php3?id_article=7022)

    Gilbert Spagnolo dit P@py


  • Méric de Saint-Cyr Méric de Saint-Cyr 7 mars 2006 19:44

    Éteindre un incendie en jetant de l’essence dessus...

    Je reste sans voix devant l’imbécillité des pouvoirs publics. On est vraiment dans la plus totale politique de l’autruche. Comme ceci ressemble à tant d’autres désastres écologiques provoqués par ceux qui font la sourde oreille. J’ose espérer que ces conneries serviront de leçons à ceux qui devront affronter dans le futur d’autres maladies, d’autres vecteurs.

    Réaction absurde d’un monde qui n’estpas dirigé par des sages : avec la crise de la vache folle, on tuait sans compter vaches et veaux (principe de précaution), avec la grippe aviaire on recommence, on tue sans réfléchir, et pour mémoire il faut savoir qu’au temps des colonies, des avions répandaient du ddt sur les fleuves pour éliminer les moustiques porteurs de malaria/paludisme, pour quel résultat ?

    Je n’arrive pas à comprendre que les erreurs ne servent pas de leçon.


  • J. Demesure (---.---.98.41) 7 mars 2006 23:44

    Nier que la prophylaxie moderne permet de faire reculer le paludisme, c’est faire la part belle à l’obscurantisme !

    On ne trouve le paludisme que dans les pays les plus pauvres. Dans les contrées tropicales comme le Panama, le Malaisie ou la Thailande, on n’en rencontre pas. Bizarre, vous avez dit bizarre. Il ne faut pas oublier que la situation actuelle à la Réunion est due au fait qu’on n’a pas démoustiqué des années durants !

    A en croire les écologistes, yaka, sufi-de ! Et bien sûr, les autres utilisateurs de produits chimiques (oh, le vilain mot) sont tous des idiots, vétérinaires, biologistes et épidémiologistes y compris bien sûr.

    Retournons à notre vie primitive en harmonie avec la nature et soignons-nous par des incantations et des décoctions de sorciers. Yaka, sufi-de...


    • charles (---.---.146.202) 15 mars 2006 20:49

      Le paludisme est encore aujourdhui la deuxieme ou troisieme cause de mortalité dans le monde car la recherche sur un vaccin éventuel ne fais pas rever les labos ! un rechauffement de la planete devrait permettre à la recherche de se mettre en route !


    • charles (---.---.146.202) 15 mars 2006 20:53

      La prophylaxie permet au gens qui se « promenent » d ’etre prémunis mais bien sur , je pense que vous en etes conscient celle ci ne peut s ’appliquer aux populations ( toute une vie !) on peut également réagir sur ces sujets sensibles avec courtoisie et recul

      Charles


  • Paloma 8 mars 2006 00:18

    allez dire cela aux furturs handicaopés, aux gens qui vont attrper des maldies très graves, aux petits qui ne pourront peut être JAmais devenir parents.

    Vous déplacez le débat en en faisant un combat Solutions ecologiste-solution NON ecologiste.

    J’ai bien peur que vous ne sachiez même pas de quoi vous parlez.

    A souhaiter que dans cette île, il n’y ait que des écolos frappés par les maladies induites par ces prdofuits toxiques.

    Oops, vous ne l’avez pas dit ? alors relisez vous !


    • charles (---.---.146.202) 15 mars 2006 20:59

      votre propos aura plus de poids , sans agressivité et du recul ; on peut rechercher une solution moins destructrice et plus appropriée . Connaissez vous les proprietés exactes de ces produits , et ne vous est til pas possible d ’ imaginer qu il puissent également etre responsables de problemes futurs ?


  • Sten (---.---.32.44) 8 mars 2006 09:43

    Monsieur, vous déconsidérez de vous-même vos propos et vous prêchez par là même contre les opinions que vous professez. Quand on n’a plus d’arguments, on emploie l’invective personnelle. Un peu de mesure, S’il vous plaît

    Sten


  • Nathalie de Gironde (---.---.223.141) 18 mars 2006 20:29

    Sachant ce que les insecticides ont comme impact sur la pollution atmosphérique, au même titre que les pesticides, il est inadmissible que les gouvernants prétendent apporter une solution au problème via ce système. Depuis le temps, nous savons que le moustique a une facilité de mutation égale à celle du rat. Il deviendra plus fort et le ravage sera encore plus terrible. Si on avait écouté le WWF beaucoup plus tôt, nous n’en serions, encore une fois, pas là !!!


  • ryann972 (---.---.140.61) 18 mars 2006 21:36

    en attendant avec vos grands discours pompeux d’écologistes allez dire aux familles des centaines de victimes mortes du chikungunya de ne pas se protéger des moustiques avec les pesticides. si c’était si vrai que prendre des précautions comme vider les citernes etc marchaient ,la dingue de ferait pas encore des ravages aux antilles.Bref beaucoup de discours, rien de concret aucune réponse, pour lutter contre ce fléau, dans un pays où la presse accorde plus de droits aux canards sauvages au 20h qu’à des êtres humains


  • ThuTham (---.---.109.235) 25 mai 2006 11:01

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